Pirates de tous les pays

Le 16 avril 2012

Objectif : les Partis Pirates au Parlement européen en juin 2014. Ce week-end à Prague, nous avons suivi la conférence du Parti Pirate international, marquée par une ambiance euphorique et des débats très stratégiques. En Allemagne, le Parti Pirate devient la troisième force politique du pays. Ailleurs, comme en Catalogne, il s'impose comme une alternative sérieuse. De quoi justifier de grosses ambitions.

Rick Falkvinge, fondateur du Parti Pirate, en Suède en 2009

Le soleil de ce week-end sur la capitale tchèque se conjuguait parfaitement à l’ambiance très optimiste qui régnait parmi plus de 200 délégués des différents Partis Pirates venus du monde entier. Représentants 29 pays, ils se retrouvaient à Prague pour la Conférence du Parti Pirate international, autour de dirigeants encouragés par les succès électoraux que le mouvement connaît en ce moment en Allemagne.

Le bon parti Pirate

Le bon parti Pirate

Le Parti Pirate continue sa progression et entre dans la cour des grands. En Allemagne, le parti politique militant pour une ...

De récents sondages indiquent que le Parti Pirate allemand devient la troisième force politique du pays, tandis que les prochaines élections régionales, au mois de mai, devraient renforcer ses implantations locales.

Avec l’Autriche où le Parti Pirate est crédité de 7 % des intentions de vote, un nombre de militants en augmentation aux États-Unis, au Maghreb et en Europe, les Partis Pirates accèdent ici et là à une véritable reconnaissance institutionnelle – comme en attestait par exemple la forte présence de médias allemands.

Pavel Mayer, élu au parlement de Berlin l’an passé, lors de la première grande victoire électorale du Parti Pirate, se montre optimiste mais prudent :

C’est effrayant. Avec ce succès un grand nombre de responsabilités arrivent, et aussi d’attentes, que nous ne pouvons pas satisfaire. Il y a une évolution qui passe par le parti. Beaucoup de personnes l’ont rejoint, et ils doivent y être intégrés. Aussi ces 10 à 11 % que nous avons atteints signifient-ils plus de travail pour chacun de nous. Et c’est ce qui est effrayant.

Dans ce contexte, à Prague, les débats ont principalement porté sur les prochaines échéances électorales. Avec pour objectif les élections au Parlement européen de juin 2014, pour lesquelles, dans chaque pays, les Partis Pirates présenteront des candidats. À ce titre, la principale mesure décidée lors de la conférence a porté sur la création d’un Réseau européen des Partis Pirates, destiné à coordonner les campagnes et à préparer des coopérations entre les futurs députés. Pour Mikulas Ferjencik, délégué tchèque :

Nous devons nous présenter à ces élections sous le même drapeau.

Sur le fond, les thèmes de prédilection du Parti Pirate – la transparence et l’accès aux processus politiques, les libertés numériques et la réforme des droits d’auteur – semblent rencontrer la curiosité d’un électorat à la fois déçu par les partis conventionnels mais inquiets devant des textes autoritaires et des accords commerciaux préparés à huis clos. Selon Rick Falkvinge, l’un des fondateurs du Parti Pirate suédois :

Ce sont des sujets essentiels et ils ont toujours été essentiels. Le problème c’est que les médias généralistes ne comprenaient pas qu’il s’agissait de sujets majeurs pour les générations connectées (…) Le phénomène n’est pas nouveau. C’était la même chose pour les écologistes ou pour les partis travaillistes. Ils n’étaient pas perçus comme légitime jusqu’à ce qu’ils soient élus. Alors, leurs propositions ont pu acquérir une légitimité – tels les dispositifs reposant sur la solidarité pour les salariés, ou le développement durable pour les écologistes.

Présence du Parti Pirate dans le länder de la Sarre (Allemagne)

De ce point de vue, dans son intervention lors de la conférence, l’auteur et théoricien Cory Doctorow a décrit deux convictions qui se répandraient chez les générations numériques. D’une part, que les politiciens ne les représentent pas (Doctorow parle de « nerd fatalism ») ; d’autre part que leur technologie leur permet de contourner un arsenal législatif restreignant les comportements en ligne. À ce titre, le traité ACTA et les débats qu’il a suscités constituent un point de non-retour, selon Doctorow, mobilisant ainsi toute une population pour laquelle le Parti Pirate défendrait le mieux ses convictions. Pour Rick Falkvinge :

ACTA a certainement joué un rôle à l’échelle européenne, mais aussi, de manière plus décisive, à l’échelle nationale. Si vous observez la Pologne (…) ça a donné au Parti Pirate une base solide pour relancer ses opérations.

En Grèce, trois mois après la création du Parti Pirate, 800 membres avaient déjà été recrutés. Et les sondages créditent maintenant le mouvement de 1 % des intentions de vote pour les élections de mai. Pour Yiannas Panagopoulos, délégué grec :

Beaucoup de gens ne nous connaissent pas encore, mais ceux qui nous ont découverts réagissent très positivement. Ils apprécient que nous utilisions la même démocratie directe dans notre propre parti que celle que nous tenterons de mettre en œuvre au gouvernement. Par opposition aux partis conventionnels, nous offrons la transparence et l’accessibilité.

Cette accessibilité aux processus de décisions politiques, sorte de culture de l’open source appliquée à la gestion des affaires publiques, est un principe fondateur affirmé pour les Espagnols du Parti Pirate catalan (région de Barcelone). Selon Kenneth Peiruza, l’un de ses 762 représentants :

Nous défendons l’accès libre au savoir, à la culture et à l’information. Nous estimons qu’il s’agit d’un minimum de base pour une démocratie en bonne santé (…) Nos membres ont 33 ans en moyenne, généralement ils ont fait des études universitaires. À 70 % ce sont des hommes, comme dans n’importe quel autre parti. Nous sommes majoritairement des enseignants, des professionnels de santé, des artistes et des scientifiques.

Un Acta de guerre

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Samedi dernier, un peu partout en Europe, des dizaines de manifestations se sont déroulées contre l'Acta ; un texte qui ...

Un autre membre de la délégation catalane, Muriel Rovira Esteva, note que les médias généralistes leur proposent maintenant de participer à des émissions grand public après les avoir superbement ignorés lors des trois dernières élections de l’an passé.

Ailleurs, en particulier en France et en Grande-Bretagne, la bipolarisation de la vie politique empêche des petits partis d’émerger véritablement lors des élections nationales.

D’où leur intérêt, dans de tels cas, à miser sur les élections européennes. Pour Ed Geraghty, représentant du Parti Pirate britannique et membre du bureau du Parti Pirate international :

Nous faisons ce que de nombreux autres partis ne font plus – frapper à la porte et discuter avec les gens. Nous tentons surtout de les impliquer dans le processus de vote.

Au-delà de ces enjeux électoraux, la conférence a souligné la portée des débats initialement engagés autour du droit d’auteur et des systèmes de surveillance et de contrôle qui lui sont actuellement associé. Pour Cory Doctorow :

Une fois que vous espionnez les loisirs choisis par une population, vous espionnez l’usage qu’elle fait de ses réseaux, ce qui signifie donc que vous espionnez tout.

D’autres interventions ont permis de dépasser le cadre numérique, étroitement technologique, d’une partie des commentaires et des discussions sur ACTA. Une problématique que Julia Schramm, déléguée allemande, résume en une phrase :

Le Parti Pirate n’agit pas pour Internet ; mais pour la liberté.

De grandes intentions donc. Qui n’empêchent pas les réflexions dignes des professionnels de la politique. Tel Rick Falkvinge, précisant que le plus dur n’est pas de se faire élire, mais d’être réélu.

Retrouvez ici-même tous nos reportages sur les différents Partis Pirates.


Image par Loguy

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