Disparition de l’écologie chez les Verts

Le 17 janvier 2012

Eva Joly dévisse dans les sondages ; même si diverses études montrent que les sujets environnementaux continuent à préoccuper les Français. Pour comprendre ces très mauvais résultats, OWNI a passé ses discours au crible des outils d'analyse textuelle. Tous montrent que les derniers discours d'Eva Joly ne parlent plus d'écologie. EELV s'est éloigné de sa thématique favorite. Tandis que d'autres l'occupent habilement, tel Jean-Luc Mélenchon.

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Pas une seule fois Eva Joly n’a prononcé les mots “écologie”, ”environnement”” ou ”nature” durant ses vœux aux Français diffusés en vidéo le 30 décembre dernier. Mal placée dans les sondages, la candidate d’Europe écologie-Les Verts multiplie depuis son investiture les apparitions liées à la justice, à l’éthique ou à la société civile. Laissant ainsi de côté, à part pour une visite sur les lieux du naufrage du TK  Bremen, la thématique structurante de son parti.

Passés à la loupe de l’analyse sémantique, les discours révèlent un écart de plus en plus grand : sur le terrain de la conversion écologique de la société, Eva Joly lambine derrière Jean-Luc Mélenchon.

De la société écologique à la justice salvatrice

A l’aune de son discours d’investiture, la gagnante de la primaire écolo partait pourtant sur un arsenal de mots unificateurs dans le plus pur esprit de la coalition écolo : après la France (évoquée 19 fois), les mots les plus présents dans son adresse aux militants le 29 juillet étaient à égalité (avec six occurrences) “écologiste” et ”Français” (ceux qu’elles se destinaient à unir) et ”pouvoir””, ”écologie” et ”mouvement”. L’“économie” restait un cran en deçà dans les priorités. Et les difficultés liées à la crise presque absentes du discours.

Face caméra, l’hiver venu, seule sur son canapé, Eva Joly a livré des vœux d’un tout ordre ton. Très brève (333 mots contre 1 298 mots pour l’investiture), la prise de parole débute sur une phrase qui résume le nouvel angle de campagne de la candidate : la résolution de la crise par la justice.

Il est important de faire comprendre que nous ne devons pas faire porter le poids de cette crise sur les plus vulnérables d’entre nous. L’austérité n’est pas une fatalité, d’autres choix politiques sont possibles.

Si la ”France” domine le propos avec huit mentions (comme c’est presque toujours le cas, de la gauche à la droite, en temps de campagne nationale), la ”justice” (six occurrences) y précède le ”citoyens” (x4), suivi par la ”solidarité” (x3)… ”L’Europe” est présentée comme la solution, ”un projet magnifique de paix”, qui ici est le seul vraiment développé. La ”planète”, esseulée en fin d’allocution, est seulement évoquée comme un projet de lieu ”vivable”. Les solutions écologiques à la crise, elles, ont disparu.

Le triptyque “social-égal-écolo” de Mélenchon

À l’inverse, le candidat du Front de Gauche a renforcé son propos écologique entre son discours d’ouverture de campagne (sur la place Stalingrad à Paris, le 29 juin 2011) et ses vœux aux Français. De trois occurrences, il passe à quatre mais, surtout, il développe en paragraphes entiers un des piliers de son programme : la ”planification écologique”. Dans la bouche de l’ex-PS, l’écologie n’est pas au premier rang mais souvent intégrée à un triptyque de réforme sociale, légale et écologique. Au même contexte d’austérité que celui des vœux d’Eva Joly, la réponse de Jean-Luc Mélenchon intègre directement l’option écolo :

Nous ne sommes d’aucune façon adhérents aux politiques d’austérité. Nous en sommes tout le contraire ! Nous croyons, nous, que c’est par la relance de l’activité que nous provoquerons la bifurcation écologique, la réindustrialisation, l’amélioration du quotidien auxquelles chacun d’entre nous aspire légitimement. Le pays a beaucoup travaillé, le pays est très riche, comment se fait-il qu’il y ait autant de pauvres ?

Le lien justice-égalité de la candidate d’Europe Ecologie-Les Verts est ici remplacé par une mise en rapport des facteurs économiques-écologiques-sociaux. ”L’esprit” de cette réforme est pourtant proche dans les mots de celui d’Eva Joly : les ”citoyens” sont omniprésents (cités 9 fois dans les vœux), ”l’élection” maintes fois évoquée comme le moment charnière… Malgré ces similitudes, l’orientation générale des projets reste conforme aux étiquettes : ”écologiste” apparaît six fois dans l’investiture de Joly, pour seulement quatre occurrences pour le mot ”gauche”, lequel se retrouve à sept reprises dans le discours de Stalingrad de Mélenchon.

L’écologie, un truc pour les journalistes ?

Avec l’organisation de sa “nuit pour l’égalité” et ses récentes propositions sur de nouveaux jours de congés destinés aux juifs et aux musulmans, la parole de la candidate d’Europe Ecologie-Les Verts s’affirme comme celle d’une ancienne magistrate plutôt que de porte-parole d’une réforme écologique de la société. En marge des grands discours, pourtant, une allocution récente d’Eva Joly remettait les questions environnementales et sanitaires au premier plan : celle destinée aux journalistes pour la nouvelle année !

Permettez-moi encore, à ce propos, de vous demander d’être le relais d’un message personnel aux Françaises et aux Français !

Je souhaite aux Françaises et aux Français, cette année, de prendre en main leur destin et celui de leurs enfants et petits-enfants, en votant, le 22 avril prochain, pour un triple changement : un changement de Président, un changement de perspective et un changement de République.

À toutes celles et tous ceux qui, depuis des années maintenant, agissent quotidiennement pour une planète vivable, pour une démocratie vivante , et une société plus juste je veux dire solennellement : « Ensemble, changeons la donne en 2012 ! Vous pouvez compter sur moi. Moi, j’ai besoin de vous .

S’en suivent des évocations des suites du Grenelle de l’environnement, du risque de la surpêche, de l’exploitation irraisonnée des ressources naturelles… Des termes qu’Eva Joly, même lors de son élévation au rang de candidate, n’avait qu’effleuré tout au plus, pointant d’une phrase ”la pêche industrielle”, ne faisant pas une référence explicite au Grenelle.

Un discours plus écolo mais surtout plus politique : peu habituée aux critiques directes, la candidate évoque dans ses vœux à la presse François Hollande, François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon (sur la question des désistements) et accuse de ”défaite” Nicolas Sarkozy. Un discours calibré rempli de mots clefs pour les journalistes avides de citations.


Collecte des discours et traitement des données Claire Berthelemy et Grégoire Normand.
Illustration : Marion Boucharlat
Photo CC par Nathaniel via Flickr

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