Le jour où Spotify a changé le monde

Le 6 janvier 2011

La décennie s'achève, et Spotify ne s'est toujours pas lancé au Etats Unis. Pourtant le service de streaming, de par ses fonctions sociales, est précurseur de ce que pourrait être notre consommation de musique dans les années à venir.

A l’aube de cette nouvelle décennie, le secteur de la musique digitale reste inchangé. Spotify n’a pas été lancé aux Etats Unis en 2010. Les choses auraient-elle été différentes si tel avait été le cas ? Sûrement. Si ce service avait été lancé aux Etats Unis, on aurait connu une révolution semblable à celle provoquée par le phénomène iPod. Cela aurait pu arriver et c’est d’ailleurs toujours envisageable. Loin de moi l’idée de jouer les évangélistes bornés.

Il est vrai qu’à la vue des caractéristiques sociales de Spotify, les déclarations de Daniel EK semblent crédibles, notamment lorsqu’il dit que sur Facebook, la musique va devenir plus populaire que les photos. L’échange de photo est l’essence même de Facebook, tout comme les jeux FarmVille ou CityVille. La mise à jour des statuts et les échanges de liens jouent également un grand rôle. Nous aimons bien savoir ce que font nos amis. Toutefois, une large majorité d’inscrits n’utilise que très peu son compte.

La plupart des gens est sur Facebook, mais ne l’utilise pas. Ils ne passent pas tout leur temps à poster des photos, ni à mettre à jour leur statut. Spotify veut changer ça. Le partage de musique très facile devrait permettre aux derniers utilisateurs de facebook d’échanger à nouveau. C’est une activité qui demande un minimum d’effort. Pas d’inquiétude, votre futur employeur ou école ne risque pas de tomber sur des photos compromettantes puisqu’il ne s’agit que de musique.

Avec Spotify, il y a une section “Nouveautés”, à la manière des fils d’actualités de Facebook, qui devrait un jour en proposer un consacré exclusivement à la musique, développé par Spotify. On peut imaginer un player permettant de streamer vos nouveautés musicales pendant que vous consultez vos autres messages.

Un jour, la musique fera partie intégrante de Facebook.

Pourquoi ? C’est simple.

Le temps passé sur le site. La musique est la meilleure façon d’accroitre le temps passé sur Facebook. Quand Mark Zuckerberg parle de révolutionner l’industrie du contenu en 5 ans, il sait de quoi il parle. La musique est vitale pour garder les utilisateurs plus longtemps sur Facebook. C’est pourquoi, des extraits musicaux de 30 à 90 secondes sur Facebook ne suffisent pas.

L’évolution de la musique sociale

Spotify est ce qui se fait de mieux pour rendre la musique sociale et facilement partageable. Vous pouvez importer vos amis Facebook directement sur Spotify, instantanément partager vos suggestions et leur faire écouter. Il devient de fait beaucoup plus facile de partager et consommer de la musique. La dimension sociale devient une norme. On a toujours échangé de cette manière, sauf qu’avant c’était sous forme de fichier ou de lien. Maintenant, les échanges sociaux se font sur Spotify.

Comme Ek l’a annoncé dans Wired, son ambition est de ramener nos habitudes de consommation de musique illégales vers une pratique légale. Plutôt que d’encourager les échanges de fichiers entre inconnus, Spotify nous permet de partager la musique avec notre réseau, et plus important encore, nos amis. Alors que les internautes veulent toujours avoir la possiblité de téléchager de la musique gratuitement et facilement transférable sur sur leur iPod ou sur CD, leur bibliothèque n’est pas éternelle sur un disque dur. En revanche, elle peut l’être dans le cloud.

Les bibliothèques musicales passent de tangibles à intangibles – d’une expérience concrète à une expérience sociale. Petit à petit la frontière entre bibliothèque personnelle et collective deviendra de plus en plus floue.

Un jour , les internautes streameront un torrent avant de le télécharger. C’est juste une question de temps. Parallèlement, Spotify donne aux utilisateurs la possibilité de pré-écouter tout ce qu’ils souhaitent, de se constituer une énorme bibliothèque musicale, et de la partager sans difficulté avec leurs amis. C’est l’évolution de la musique sociale : tous les iPod et iPhones seront connectés entre eux. La musique s’infiltrera sur tout les réseaux sociaux et deviendra elle-même un objet social.

Nos applications et écrans tactiles devraient nous permettre d’interagir à nouveau avec notre musique, et de le faire tous ensemble. L’avenir, c’est le croisement entre Spotify, Facebook et Aweditorium. De plus, la barre de statut, la réussite, et l’interactivité – des informations-clé dans l’univers du jeu vidéo – feront partie intégrante de l’expérience musicale.

L’engagement des fans s’en trouvera accru. L’avenir est le croisement entre la consommation de musique et le jeu. L’échange de musique sera encouragé et non plus entravé.

Le futur qui n’arrive jamais

Si Spotify avait été lancé avant 2011, une tempête médiatique aurait eu lieu. D’une certaine manière, le fait que la plateforme ne se soit pas encore installée aux Etats-Unis est presque symbolique. Pourquoi ? Une décennie de musique vient de se terminer.

Tout ce que l’on écrira sur l’industrie de la musique dans les vingt prochaines années pourra faire référence à ce que la période 2000 – 2010 révèle de l’incapacité des majors à appréhender le changement et à donner aux fans ce qu’ils attendaient vraiment. Maintenant, si Spotify est lancé au cours de cette décénnie, tous les auteurs considèreront l’événement comme un nouveau départ.

En imaginant que ce chapitre sur l’industrie musicale soit déjà écrit, que nous révèle-t-il ?…Qu’il a fallu dix ans aux labels pour mettre en place un service d’écoute de musique qui se positionne comme une alternative au piratage. Il rendra compte de l’évolution continue de la musique sociale.

Et, nous l’espérons tous, il traitera de la renaissance de l‘industrie musicale avec l’ouverture d’Apple au streaming et à l’abonnement, l’arrivée de Google dans le secteur de la musique, le lancement de Spotify aux Etats-Unis et la croissance jamais démentie de services tels que RDIO, MOG, Thumplay Music, Slacker, et Pandora entre autres. L’avenir de la musique s’est concrétisé. Peut-être même que l’on se souviendra de la décennie 2000 – 2010 comme de “la décennie perdue”.

Dès 2011, l’industrie de la musique va renaître. Il était temps.

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Traduction : Romain Saillet, Loic Dumoulin Richet

Cet article a été initialement publié en anglais sur Music Think Thank.

Crédit photos CC Flickr : Andreas Blixt, p_kirn, _ambrown

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