C’est quoi une ville la Nuit?

Nombreux sont ceux qui se plaignent de l'absence de vie nocturne à Paris. Elle pourrait pourtant être revitalisée par le New Clubbing.

Ce printemps, il est très branché de commenter la mort de la nuit parisienne. Et s’il reste quelques idéalistes pour vouloir replacer Paris sur la carte des capitales festives, il faut disséquer le cadavre pour que revitaliser la nuit ne revienne pas à mettre sur pieds un Frankenstein nocturne. Le grotesque, on en a en effet soupé, et nos voisins européens s’en moquent déjà assez.

D’où cette démarche sémantique : que range-t-on derrière ce mot, la « Nuit » ?

Un peu de précision sur les termes employés et les réalités qu’ils désignent. La démarche est d’autant plus utile que les nombreux débats sur la mort du business de la musique focalisent l’attention sur un format spécifique : le triptyque « groupe – album – concert ».

Hors, toute la musique n’est pas le fait de petits chanteurs folk acceptables, toute la production n’est pas égale à un album de 12 titres égrenant les variations spleenétiques de jeunes blancs en jean slim, et toute la musique vivante ne se joue pas sur une plage horaire comprise entre 20h et 23h (23h15 s’il y a des rappels).

La musique est diffusée et se vit différemment, passé 23h. Et quand on parle de la nuit parisienne, on parle bien de ce qui se passe ou devrait se passer dans les clubs. Le désintérêt historique de nos élites culturelles (bien plus passionnées par les commentaires sur le dernier numéro des Inrocks que par le fait de s’agiter sur un dancefloor ) pour le clubbing déforme le prisme d’analyse de la Nuit. Cependant si le Paris nocturne doit revivre culturellement et économiquement, cela passera par une renaissance de sa culture club.

On le sait, il est acquis pour la génération New Clubbing que la fête se vit à Londres, Rotterdam, Berlin, Barcelone.

Le résultat : des clubs parisiens à moitié vides, même les plus prestigieux. Le flux de touristes étrangers vers les lieux bien référencés dans les guides touristiques ne compense pas le volume de New Clubbers français ayant pris le parti du Fun d’Ailleurs.

Et l’ostracisme outrancier pratiqué vis-à-vis de la clientèle locale achève de faire des clubs situés dans les arrondissements à un chiffre des bars à musique pour touristes américains imperméables aux charmes de la programmation. La réponse des clubs parisiens à une crise qu’ils refusent d’admettre ressemble à un baroud d’honneur dont la population locale va finir par se moquer complètement.

Les indices les plus évidents d’une nuit qui meurt, sont donc :

> Quantitatifs : les jauges des clubs culminant à 50% (scores vérifiés depuis 4 mois à l’entrée des lieux, entre minuit et 3h du matin). 50% les grands jours, hein… On connaît des clubs de périphérie tournant à 25% de leur capacité.

> Qualitatifs : une clientèle de passage, peu cultivée, peu impliquée. Tout à fait respectable en elle-même, mais que l’on ne peut considérer comme moteur de la nuit. Et une politique de sélection à l’entrée marquée par une volonté de polissage outrancier.

Les parisiens du jour ne sont plus les parisiens de la nuit

Supposons que la culture club idéale soit un miroir tendu au visage des journées de la ville. Alors Paris refusant son New Clubbing et ses New Clubbers, c’est Paris qui se déteste. C’est une vieille dame aigrie qui crache sur ses propres jupes à défaut de pouvoir atteindre le visage d’une génération festive qui est mieux acceptée à 1000km de chez elle que dans sa propre ville.

Et puisque la critique est acceptable si elle est suivie de propositions de solutions, jetons les ponts suivants :

> Les clubs parisiens reviendront au niveau international lorsqu’ils seront capables de cultiver leur identité comme une marque festive concurrentielle au niveau européen (cf l’approche actuelle consistant à tabler sur un remplissage automatique par des gogos de clients)

> Les clubs parisiens reviendront au niveau international lorsqu’ils sauront travailler avec des promoteurs d’évènements professionnels et connaisseurs du marché européen (cf. l’approche actuelle oscillant entre copinage bisou-bisou et modèles d’il y a 15 ans)

> Les clubs parisiens reviendront au niveau européen lorsqu’ils sauront accepter à l’entrée la population locale (cf l’actuelle sélection communautariste faisant des minets du 16ème et des touristes étrangers les seuls clients acceptés à l’entrée des clubs).

On arrêtera de se lamenter sur la Nuit parisienne lorsque le cœur de celle-ci aura recommencé de battre. Autrement dit, rien à espérer tant que le New Clubbing ne sera pas considéré comme un moteur culturel, un réservoir de croissance économique et un levier marketing pour une capitale vitrifiée par sa religion des musées.

On considèrera correctement la Nuit parisienne quand les élites et décideurs culturels et économiques auront compris qu’une capitale sans New Clubbing digne de ce nom, c’est une ville morte pour touristes sexagénaires.

On se réjouira de la Nuit parisienne lorsque celle-ci sera pilotée par des promoteurs proposant une offre répondant à la concurrence européenne.

Le New Clubbing et ses tenants proposent des solutions – Reste à déterminer qui les refuse encore.

Illustration CC Flickr par when i was a bird

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