OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les mécanismes séculaires de l’influence médiatique http://owni.fr/2010/09/13/les-mecanismes-seculaires-de-l%e2%80%99influence-mediatique-2/ http://owni.fr/2010/09/13/les-mecanismes-seculaires-de-l%e2%80%99influence-mediatique-2/#comments Mon, 13 Sep 2010 06:31:10 +0000 Cyrille Frank http://owni.fr/?p=27957 Les « influenceurs », interprètes des autochtones du web, sont les éclaireurs des nouveaux territoires médiatiques auprès des commerçants et politiques qui n’y entendent rien. Leur technique repose sur 5 principes séculaires.

1- Inspirer la crainte

Inspirer la crainte plus que l’amour (Machiavel, « le Prince »), susciter la terreur même, telVlad l’empaleur résistant à l’envahisseur ottoman qui a tellement frappé les imaginations ennemies, que son nom entra dans la légende sous le nom de Dracula.

Il faut s’attaquer à des ennemis redoutables pour mettre en scène son courage, sa force, sa vertu. Tout comme les héros grecs n’accédaient au mythe que via l’accomplissement rituel d’épreuves surhumaines (cf les 12 travaux d’Héraclès)

C’est la stratégie de Birenbaum brocardant Aphatie, ou de Bruno Roger Petit épinglant Elisabeth Levy. Il n’y a pas de grand héros, sans grands monstres. Le message adressé aux autres est clair : « attention, j’ai le pouvoir de détruire socialement, car je maîtrise le ridicule ».

2- Susciter l’amour

Raréfier son attention au vulgus pecum  et accorder ses faveurs avec une extrême parcimonie. Reproduire la geste aristocratique qui veut que l’on ne remercie jamais les serviteurs, que l’on n’accorde que le minimum d’attention au vulgaire, que l’on respecte son « rang ». C’est déchoir qu’user sa personne à des personnes ou des tâches subalternes. Techniques de contrôle de l’aristocratie par Louis XIV que Mitterrand a su fort bien reproduire vis à vis des élites intellectuelles et médiatiques.

Par le jeu classique de l’offre et la demande, la raréfaction des communications augmente leur valeur. Et quel meilleur moyen ensuite pour créer de la reconnaissance, voire de l’amour, de la part de ceux à qui l’on s’adresse exceptionnellement : « il m’a parlé, il m’a souris, il m’a répondu ! »

Même procédé que celui utilisé par les politiques qui se font souffler le nom des « petites gens » qu’ils rencontrent. Ou du Pdg qui lors d’une assemblée, s’adresse à l’employé du bas de l’échelle par son patronyme. Quel merveilleux gain d’image et d’estime du peuple gagné « à pas cher ».

3- Exagérer sa puissance

Un des instruments de la domination sociale est le bluff. Exagérer sa puissance et celles de ses ennemis pour intimider, glorifier son propre nom. Stratégie très efficace mise en place par ce pionnier de la propagande : Jules César qui dans la « Guerre des Gaules » accentue outrancièrement la férocité et la barbarie des celtes pour mieux réhausser son mérite de les avoir vaincus.

Rappeler ses victoires ou les nommer comme telles, même quand il s’agit de défaite. Ainsi de Ségolène qui répète à l’envi qu’elle a réuni la moitié des Français sur son nom, considérant sa défaite comme une victoire à venir. Technique politique très ancienne qui rappelle la bataille de Kadesh entre Ramsès II et Muwatali II, l’empereur hittite. Bataille au cours de laquelle les deux peuples se sont neutralisés mais dont chacun a revendiqué la victoire. Les Egyptiens ont toutefois gagné la bataille politique en inscrivant l’Histoire  sur les murs de leurs temples. La maîtrise de l’Histoire est éminemment politique. D’où la vigilance dont il faut faire preuve vis à vis de ceux qui veulent la réécrire à l’aune de leurs intérêts et convictions particuliers.

4- S’entourer de mystère

En matière d’influence web, il faut faire savoir le plus possible que l’on a des relations, des entrées, que l’on est un « insider »… Sans donner de noms, sans faire l’inventaire de son carnet d’adresses, mais en donnant par petites touches des gages réguliers de sa tentaculaire longueur de bras.

Etre concis, pour ne pas dire laconique, afin que le propos ouvert puisse être interprété de 100 façons différentes. S’appuyer sur la fonction projective de l’individu, la fameuse tâche de Rorschach. Ou illusion de forme qui ne représente rien, si ce n’est ce que l’individu y met lui-même. Procédé superbement mis en scène par David Lynch dans Mulholland Drive, l’IKEA cinématographique, le film à monter soi-même.

Etre obscur pour masquer le manque de profondeur de la pensée mais toujours avec des mots compliqués, supplétifs d’intelligence qui rassurent le lecteur. Cosmogonie, herméneutique, sérépendité… Autant de « name-dropping » qui visent parfois moins à développer une argumentation qu’à en mettre plein la vue. Technique classique en agence de pub où l’on « néologise » à tour de bras ou l’on use d’anglicismes abscons pour impressionner le client. Il s’agir de le mettre immédiatement en position d’infériorité : vous utilisez un langage qu’il ne comprend pas, c’est dire s’il a besoin de vous…

5- Fréquenter les puissants

Communiquer avec des élites médiatico-intellectuelles (Eric Zemmour ou David Abikerpar exemple), avec des politiques « tendance si possible (nkm est parfaitement indiquée), avec des puissance d’argent (grands patrons, directeurs d’agence de publicité et de communication…).

Par le jeu tacite de l’adoubement relationnel, si vous fréquentez les puissants, c’est que vous en êtes. D’où l’importance capitale d’être vu avec des pop-stars, tel Christian Audigier, affichant sur les murs de son club de nuit ses effusions avec Michael Jackson.

D’où la nécessité sur Twitter d’entretenir des conversation publiques avec des puissants ou du moins des influents : journalistes, créateurs d’entreprises, célébrités… Et surtout pas en message direct, le DM est le démon.

Escalier social

Atteindre le bol de sangria

Le but du jeu ultime est d’intégrer le cercle fermé des puissants, des vrais influenceurs : les médias traditionnels, au premier rangs desquels les médias audio-visuels. D’abord la radio, puis, si tout va bien, la télévision, seul média de masse (mais peut-être plus pour longtemps…) Ou intégrer des cercles politiques qui ouvrent bien des portes : business, médias, fonctions publiques…

Les « influents » sur la toile se servent surtout d’Internet comme un moyen d’ascension sociale. Ils monnaient leur savoir-faire et leur lien sur la masse auprès des vrais puissants qui leur achètent un moyen de contrôle supposé sur les opinions : pour vendre  des marques, des partis, des idées politiques…

Article initialement publié sur Mediaculture

Crédit photo CC FlickR :  musmacity1 et pixel@work

]]>
http://owni.fr/2010/09/13/les-mecanismes-seculaires-de-l%e2%80%99influence-mediatique-2/feed/ 5
Le Monde: honni soit qui mal y reprenne http://owni.fr/2010/06/30/le-monde-honni-soit-qui-mal-y-reprenne/ http://owni.fr/2010/06/30/le-monde-honni-soit-qui-mal-y-reprenne/#comments Wed, 30 Jun 2010 10:29:20 +0000 Philippe Kieffer http://owni.fr/?p=20639

Il faut « sauver » le soldat Monde, déclarent en chœur les généreux candidats à la reprise d’un groupe et d’un quotidien au bord du dépôt de bilan… Soit (encore que), mais à quel prix ? Pour quel avenir ? Et pour quelles vraies-fausses bonnes raisons dans un paysage où la crise de la presse écrite évoque désormais ce qui fut celle de la sidérurgie ?

De tous les romans que se racontent, comme à la veillée, hommes politiques, investisseurs, journalistes et patrons de presse écrite pour croire, et tenter de faire croire, qu’il reste à celle-ci un avenir de papier, celui qui voudrait que ce radieux futur passe par le « sauvetage » du Monde, est probablement le plus médiocre. Le plus fantaisiste et le plus cher, aussi.

Grandiloquent à souhait, teinté du regret d’un prospère passé qui ne reviendra jamais, le microcosme ressasse jusqu’à l’auto-intoxication ses fantasmes favoris. Ainsi, peut-on lire et entendre un peu partout, de blogs en déclarations, d’éditos en tribunes, il en irait avec le cas du Monde de « l’avenir la démocratie » et d’une presse écrite décrétée « indispensable à son bon fonctionnement »… Raisonnement et clichés d’un autre siècle, qui furent vrais mais ne le sont plus que de moins en moins.

Quotidien engagé depuis des années, comme tant d’autres, dans ce que les nouvelles technologies ont transformé en impasse éditoriale et financière, Le Monde serait une cause nationale. Une sorte de paquebot France en perdition dans une mer d’encre. Un enjeu de « patrimoine » à conserver quel qu’en soit le prix… Émotion et gravité garanties. De gauche comme de droite. C’est beau comme de l’antique. Normal, c’est pleinement, furieusement, lugubrement… de l’antique !

Acharnement désespéré

Cet unanimisme a quelque chose de sidérant. Il interpelle dans ce qu’il révèle d’autisme crépusculaire et de cécité collective à l’égard de l’évolution des médias. Il exprime l’acharnement radical, désespéré et désespérant, des dirigeants d’un monde analogique ancien à ne pas voir que ce monde est en cours de dissolution accélérée dans la société numérique en devenir.

Il faut ne rien comprendre au sens de l’Histoire médiatique en cours, à la voie nouvelle où sont engagés Information et Journalisme (voie désormais résolument digitale), pour oser soutenir qu’il y a quelque urgence ou nécessité que ce soit, autres que clientélistes, à entretenir des donjons de papier fissurés. Il en ira, il en va déjà, de la presse écrite d’aujourd’hui comme de la sidérurgie d’hier. Partout, de « petits » journaux meurent lentement, et de « grands » journaux sont menacés de s’éteindre comme se sont éteints des hauts-fourneaux.

Il faut donc, au moins, en être réduit à nier d’anxiogènes évidences pour affirmer, alors que le système économique de la « vieille » presse (Impression, Distribution, Publicité) est entré dans une irréversible phase d’effondrement (au profit, si l’on peut dire, de sa recomposition immatérielle sur Internet), qu’il y aurait encore un avenir en kiosque pour les journaux existants. Car d’avenir, pour ces derniers, il n’y a pas -alors qu’il en est un, peut-être, pour de nouveaux titres qui se créeraient sur des bases de productions légères et rénovées.

Il n’y en a plus. Prétendre le contraire ne peut plus relever que de l’ignorance volontaire, du déni de réalité, ou de l’agitation manœuvrière sur fond de croyance vaudou en la survivance d’un pouvoir électoral inné des journaux… Ou bien des trois à la fois, comme c’est à l’évidence le cas dans le dossier de cette vente du Monde qu’un euphémisme comptable fait qualifier de « recapitalisation ».

Comme à Drouot…

À la veille de cette vente annoncée, on peut gloser tout à loisir sur les mérites ou inconvénients des « offres » (encore un bien joli mot ! ) respectives des deux trios de repreneurs en compétition. On peut bloguer des kilomètres d’analyses sur la maestria bancaire des uns, la compassion budgétaire des autres. On peut (on doit) se moquer de l’ambitieuse prophétie d’un ancien Observateur, Claude Perdriel, expert en indépendance ici épaulée dans sa démarche reprenante par l’élyséen mécénat de France Télécom, qui croit « voir » à l’horizon un Nouveau Monde qui se vendrait à 400 000 ou 500 000 exemplaires. Pas moins ! et pourquoi pas un million ?

Ce cas de figure, ignore ou néglige Claude Perdriel, n’aurait de chances de se produire que par ce qu’il faudrait bien appeler le miracle d’une vente forcée. Autrement dit, si l’abonnement au Monde était demain joint d’office à une offre de « forfait illimité » d’Orange. Sinon : non. Même pas en rêve.

On peut, on doit, railler le populisme haut-de-gamme des repreneurs d’en face où on ne compte plus les dizaines de millions d’euros gaillardement mis sur la table pour l’achat, comme d’une commode à Drouot, d’un Journal-Empire exsangue. Un quotidien d’Époque révolue, à la Société des rédacteurs duquel Pierre Bergé croit judicieux d’annoncer qu’il restituera, comme en offrande, ce hochet d’actionnaire désargenté qu’on appelle « minorité de blocage ». Hochet dont il n’est pas un seul exemple d’entreprise de presse où ce soit-disant verrou, cette artificielle ceinture de chasteté garantissant l’indépendance, ait jamais servi à quoi que ce soit d’autre que d’éterniser, dans les rédactions, d’accablantes professions de foi ou engueulades lors d’assemblées générales préfigurant l’abdication. Si l’inverse avait été vrai Le Monde n’en serait pas là où il est, et Libération serait encore la propriété de ceux qui le font chaque jour. Avec des si…

Fièvre et démence acheteuses

Mais, au-delà des contorsions séductrices de candidats, on doit s’interroger sur l’intrigante en même temps qu’inutile fringale de ces hommes pour Le Monde. Pour cet objet d’un désir aussi obscurément coûteux que sans espérance imprimée rentable. Estimé il y a encore quelques semaines à 50 ou 60 millions d’euros, le prix de cette affaire (il n’y a pas d’autre mot ! ) atteint ces derniers jours le provisoire et faramineux montant de 130 à 150 millions d’euros. Peut-être plus… C’est sans doute faire injure à l’intelligence supposée des repreneurs, mais c’est aussi un fait qu’il est temps de rappeler : il est des formes de démence commerciale, de fièvre et de furie acheteuses moins onéreuses.

Mais la surdité, choisie, est ici de règle. Bardés des certitudes de qui ne voit pas plus loin que le bout de son chéquier, ces généreux « recapitaliseurs » en sont à se dire que, même s’il est cher, ce jeu de dupes en vaut après tout la chandelle puisqu’ils achèteront là bien plus qu’un simple titre de presse. Ils prendront le contrôle d’une « Marque » ! D’un Logo-Héros de l’histoire de la Presse… Le tout sans considérer une seule seconde deux ou trois choses qui pourraient, ou devraient, au moins, les inciter à la prudence.

  • La première est que cette « marque » de presse, comme toutes les autres, est condamnée à se déprécier par la chute amorcée de son fonds de commerce « papier », et par les interminables conflits sociaux et autres « restructurations » qui accompagneront ce déclin. Dans l’histoire récente, s’il en fallait un, Libération se pose en amer exemple de ce simplisme hallucinogène : là où Édouard de Rothschild crut, lui aussi, avoir fait l’acquisition d’une « marque » prometteuse, cinq ans et quelques dizaines de millions d’euros plus tard le « retour sur investissement » se fait cruellement attendre…
  • La deuxième c’est qu’un prix aussi élevé pour empocher Le Monde n’aurait de sens que s’il avait pour fonction, en lieu et place de combler des trous, rembourser des banques, payer les factures d’une inévitable « clause de cession », que de servir à inverser la pyramide sur laquelle repose aujourd’hui (avec sa base de papier et son sommet numérique) la valeur de cette marque. En clair, s’il s’agissait de mettre au plus vite un terme aux coûts exorbitants de production d’un journal « papier » (qui ne peut plus générer que des pertes) pour donner toutes les chances à cette marque d’avoir une seconde vie numérique rentable sur Internet. Pour être plus précis encore, la seule et unique partie du groupe à vendre qui peut justifier effort et coup d’audace financiers, c’est LeMonde.fr. Le reste est bien mauvaise littérature.
  • La troisième chose, c’est que, compte tenu de la nouvelle donne technologique, et avec beaucoup moins que 130 millions d’euros, il serait aujourd’hui possible, en partant de rien, de créer sur Internet un nouveau groupe d’information de qualité (avec radio, télévision, et même, un jour, qui sait, un nouveau quotidien de papier qui, n’étant pas criblé de dettes à sa naissance, aurait quelques chances de survivre en kiosque). L’actuelle montée en puissance et notoriété, malgré des moyens très modestes, de nouveaux venus sur le terrain d’une information de qualité (Mediapart, Rue89, Slate.fr, pour ne citer qu’eux…) devrait donner à réfléchir aux candidats. Mais, c’est vrai, pourquoi réfléchir, faire sobre et novateur quand on a les immenses moyens de se précipiter, de faire bancal et passéiste ?

Un talisman d’isoloir ?

Par certains aspects (stratégie erronée, foi infantile dans le pouvoir politique du média qu’on achète cher, défaillance des mécanismes d’alerte sur les dangers encourus) le comportement et l’avidité « Mondiale » des repreneurs en présence n’est pas sans rappeler la bouffée capitalistique délirante qui conduisit, en 1991, un capitaine d’industrie apparemment sain d’esprit, Jean-Luc Lagardère, se croyant lui aussi « sauveur », à racheter pour une fortune la totalité des pertes d’une chaîne de télévision condamnée à la faillite (La Cinq). On dira, pensant évacuer le problème, que c’était il y a vingt ans, que Lagardère, somme toute, était un illuminé… Peut-être, mais ce sont ici les mêmes logiques de fatuité absolue, d’orgueilleuse inconscience ou de chevaleresque naïveté qui sont à l’œuvre.

L’acquisition du Monde, à ce tarif-là, est davantage qu’une folie passagère. C’est un non-sens durable, qui ne sauvera rien, hormis les immédiates apparences de continuité d’une entreprise qui se sait en fin de vie. Car comme tous les quotidiens nationaux de France, Le Monde serait -est déjà, virtuellement- mort sans la morphine vitaminée des aides et subventions que perfuse l’État à une presse française sous haute dépendance économique.

Acheter le groupe Monde dans son entier, en l’état, c’est délibérément acheter une affaire où, à rebours de ce que psalmodient des conseilleurs qui ne seront jamais les payeurs, il n’y a à gagner que des pertes. C’est se bercer de l’extatique illusion qu’en possédant Le Monde on « fera » le prochain président de la République. Faut-il être à ce point déconnecté des réalités du pays, et des modalités nouvelles d’information et de formation des opinions, pour croire qu’un quotidien, demain modifiera d’un iota les intentions de vote des Français…

Que le microcosme de l’Élysée, mentalement captif d’un âge d’or médiatique évanoui (en gros : l’ORTF surcontrôlé) et celui des élus (souvent ignorants de l’économie des médias) continuent à y croire, passe encore… Mais que des hommes d’affaires réputés avisés s’imaginent acheter là un fatal talisman d’isoloir, voilà qui laisse pantois. Il en est pourtant ainsi.

Foudroyés par une compulsive envie de dépenser, envoûtés par un appât du gain électoral qui ne peut qu’être inversement proportionnel au gigantisme des sommes qu’il va leur coûter, ces valeureux « investisseurs » ont la faim du Monde au ventre et la rage d’en payer la fin matérielle à prix d’or.

Billet initialement publié sur Rue89 sous le titre Pourquoi cette rage à vouloir s’offrir un Monde finissant ?

Image CC Flickr just.Luc et martin_robinson

]]>
http://owni.fr/2010/06/30/le-monde-honni-soit-qui-mal-y-reprenne/feed/ 3
How to ruin your career on Twitter: 20 easy tips http://owni.fr/2010/05/12/how-to-ruin-your-career-on-twitter-20-easy-tips/ http://owni.fr/2010/05/12/how-to-ruin-your-career-on-twitter-20-easy-tips/#comments Wed, 12 May 2010 15:55:20 +0000 Olivier Ravard http://owni.fr/?p=15422 Quand on aime, on ne compte pas. Pire: parfois, on traduit. Cet article de MrOlivier (sur Twitter) nous délivre une formidable leçon de personal branding.

L’original (en français, donc) est disponible par ici.


Your opinion leader friends, if you have any, keep saying it at every single social occasion: Twitter is THE place to be.

No wonder, just take a look at this chart:

For those of you who were asleep in the past 18 months, Twitter is a microblogging service that enables you to send 140-character messages to your “followers”. This term designates the people who chose to listen to whatever it is you have to say.

If you publish quality content, you’ll surely be noticed by a great number of people. Your followers’ count will grow in less time than it takes to tweet “Myspace has become a nice piece of shit”, since you’ll get loads of retweets (i.e. relays) in less time than it takes to say “Is it just me or is Jason Mraz really boring?”

If you don’t get the previous paragraph, I’d suggest you go to this nice webpage that will explain everything in details.

Allright.

Attention: Now, this article is for everyone.


If you aren’t everyone, you could read something else, like the hilarious french Babillages.net (“le blog des beauty addicts”).


Twitter turns out to be a formidable communication tool, blah blah blah, since everything there is fast, short and essentially viral.

Twitter turns out to be a formidable weapon of self destruction, since everything there is fast, short and essentially viral.

How can you ruin your career in a few weeks with Twitter?

Very easy.

In order to exemplify the arguments of this otherwise very serious article, let’s take the emoboring band I Hate Fucking Mondays as an example (copyright Thomas VDB). That’s a 5-year-old fictional band with a solid fan base gained through many concerts, gallons of sweat, interviews and all that.

The band I Hate Fucking Mondays has decided to open a Twitter account.

From the start, thanks to its solid fan base and for the needs of the example, our fictional band already has 500 followers.

Quite good but not so great.

Now, let’s look at how the band I Hate Fucking Mondays dealt a fatal blow to its own career through unwise Twitter choices.

COMPLETE BEGINNER LEVEL: BE UNINTERESTING

1. Choose a challenging username

The band I Hate Fucking Mondays chose ihatfuckmondays.

The result: The Twitter account of the band I Hate Fucking Mondays is available at http://twitter.com/ihatfuckmondays

Notice how hard it is for a normal human being to remember this name, to type it without any mistake and, first and foremost, to tell it to his friends.

It’s a very good way to succeed in failing your start on Twitter.

Choose the longest possible username.

We’ll see how this choice will bring about more funny usage troubles.

2. Use Twitter’s default avatar

Using this technique is dead easy. Twitter allows you to upload an image or a photo so you can create a visual identity that’s immediately recognizable, so as to reinforce your personal brand. Don’t do it! Choose the default Twitter icon instead (a stylized bird on a color background), it will help you to remain absolutely anonymous.

3. Personalize your Twitter page

Even though many clients are available on all platforms, numerous people still access twitter via the web. For them, Twitter allows you to customize your page (colors, background image). Use this opportunity to kill readability and upload this horrendous JPEG image you like so much, preciously ugly and misfit for the job.

Now you’re sure to make a bad first impression.

4. Oversized tweets

A classic. It just can’t fail. A tweet longer than 140 characters will give your followers the opportunity to silently insult you. If you manage to put the important bits of information at the end of the tweet, you make maximal impact.

5. Help no one

You follow at least a few hundred Twitter accounts. These are people you are relatively interested in. Twitter being a social network, it’s normal that these people will ask questions, look for ideas and solutions.

You have the answer?

Don’t start a conversation giving it. Keep your answer for yourself.

Each answer you keep is a ruined opportunity to make contact.

It’s a very good way to remain anonymous and to arouse interest from yourself only.

6. Never share anything interesting

Thanks to Twitter, you can share pieces of news, links, images and other type of data that could be of interest for your network of followers. Keep all that for yourself.

On the other hand, let’s not forget that you can share insignificant information concerning YOU:

7. Never contribute to a conversation in an interesting way

You’ll see conversations building up between Twitterers you follow. If you selected them wisely. These conversations will be of interest to you. You’ll even have an opinion or a bit of information you could bring in, allowing for the debate to go further.

Don’t say anything.

People might get interested in your Twitter activity.

On the other hand, don’t hesitate to pinch in deep debates in order to bring your 2 cents to people who would gladly ignore them. You’ll look like a real ignoranus in no time:

8. Don’t EVER EVER retweet

The most important technique.

Retweet (one of your followers liked your message and tweets it further) allows for you to gain in visibility and attract interest from new followers.

In order to really stagnate, it’s necessary to avoid it at any cost.

Your oversized username already limits the very desire to think about retweeting, for it’s more complicated to relay the entirety of your messages. Nevertheless, if you want to be sure to NEVER get retweeted, take care when applying techniques 4, 6 and 7.

MEDIUM LEVEL: LOOSING FOLLOWERS

9. Be unintelligible

It’s simple, short and makes no sense.

Nobody knows JP.

And those who know him won’t be sure you’re talking about THIS JP in particular anyway.

Nobody knows what’s going to please him, let alone why. That’s a message none of your

followers will be able to understand: A matchless technique to fill your network’s timeline with noise. That’ll probably piss them off enough for you to loose them.

Don’t hesitate to share more of these!

Any theme is fair game. The only important thing is that no one shall understand what you’re talking about.

10. Useless tweets

Talk about nothing, or not much. Don’t share anything essential and focus on topics that only you are interested in.

For example:

Useless tweeting has absolutely no purpose, of course. As a rule of thumb, if a message is boring even for you: share it!

With time, you’re guaranteed to lose a good chunk of your followers, who couldn’t care less about your daily life.

11. The delayed tweet

Twitter is fast. Very fast. Too fast for you?

Very good.

Tweet about overused topics. Give your opinion on last week’s news. Ask dated questions. You’ll bore all your followers, who will silently be embarrassed before they stop following you.

12. The stupid tweet

Asking stupid questions on the fly is a very good way to look like an idiot. The stupid tweet allows you to do just that in less than 140 signs (and to lose a few appalled followers in the process).

In the very unlikely case where someone does answer one of your stupid tweets, don’t thank your benefactor. If you’re lucky, he’ll point it out.

Moronic statements are also a good way to look stupid.

Select examples:

13. The automated tweet

There’s something magical in the fact that you can connect your Twitter account with any application going from useless to privacy-invasive. They’ll tweet for you, at a sometimes frenzied rate.

The list could get long, but I’ll quote only the most used ones:

- Foursquare: It’ll make you look tiresome as it displays all the places you get into. Painstakingly boring if used intensely.

- Last.fm: Thanks to last.fm, you can find anything you listened to. Well-configured, your last.fm account will show the whole of your followers what you listen to in real time, your favorites, your weekly Top3, etc. If you intensely use the service, you’ll occupy the whole timeline to share your musical experiences. And most of us, frankly, couldn’t care less.

- Facebook: You can easily automate your Facebook statuses through Twitter. All your tweets become statuses. You can also do the reverse: each new Facebook status becomes a tweet. Such a configuration will help you share totally irrelevant bits of information.

Example of an automated Facebook update on Twitter:

Even better:

If you’re good enough, you can easily create a permanent loop between your tweets and your Facebook updates. Each one will mutually publish the other.

Not only is it unbearable, but it will block your Twitter account as it becomes overactive.

A great victory.

14. Never answer the public messages sent to you

On Twitter, you can converse in public. In this case, looking like a douche is amazingly easy. You simply have to not answer.

For example:

At this point, don’t answer ANYTHING. 100% certain it’ll work. In a few hours, your image in the eyes of the person talking to you will go from ‘nice band’ to ‘pesky boneheaded bot’.

Even better, you could get this:

You’ve just lost a follower AND a potential fan (and a few appalled followers). But Twitter’s power, thanks to the miracle of the retweet and CC’ing will enable you to optimize the negative outcome of your action:

ADVANCED LEVEL: TAKING CARE OF A LOUSY REPUTATION

Pay attention: for optimal results, these techniques should be applied if your followers’ count hasn’t fallen with techniques 1 to 14. The impact will only be stronger.

At the height of your tweeting activity and in a few simple steps, you can manage to get a pretty lousy reputation in less than 12 hours.

15. The overly promotional tweet

Twitter is a social, hence horizontal medium? Use it vertically. You’ll see it quickly for yourself: it’s as efficient as getting a nail through a marshmallow.

THE secret trick: excessive self-promotion.

A formidable technique, the efficiency of which has been proven many times: Talk only about yourself.

Always. At a sustained rhythm. Your followers will leave you in less time than it takes to write “I’ll be on tour on the 12th at…”

Excessive self-promotion is at its best when it’s your only form of tweeting. Don’t get ahead of yourself with fruitless discussions, useful links and other socially acceptable tweets. Talk only about yourself. Be a bitch.

Again and again.

Yeah, just like that.

Don’t be shy : repeat the same message over and over again. A simple copy/paste is the perfect tool for the job.

Share these messages at least 10 times a day.

Interesting variant: point your twams (portmanteau for tweet + spam) to untargeted prospects who haven’t asked anything. 100% guaranteed antipathy. Using imperative phrases is even better.

Send the same message to 100 Twitter accounts)(minimum)

16. The aggressive tweet

Simple example:

You’re certain to piss off the close network of the person you’re talking to in less than 140 characters.

Another good option, more radical: Insult the whole of your followers (preferably at a time of maximum affluence: 3 or 4 pm on a weekday)

17. Plunder the tweets of opinion leaders

It’s easy, you just have to copy/paste interesting, thoroughly researched tweets and publish them as your own, WITHOUT quoting your source.

You’ll very quickly (less than 3 hours) be frowned upon as a reckless plunderer (what you’ll be, by the way). The feedback will be quick to come, either from the plundered herself or from one of her many followers.

Of course, the plundered person underlines the matter further, if need be:

18. Publish a private message

Twitter isn’t only a great public forum. It’s also a classical instant messaging service. The Direct Message allows you to talk discreetly. That’s handy.

It’s a great opportunity to strike a big blow to your followers.

Answer a – very – private message with a public one. It’ll be appreciated:

Even better, answer a – very – private message with a public one and manage for lots of opinion leaders to hate you (aim at those with more than 1000 followers):

You’ve just launched a baaaaaad buzz.

On the matter, read the funny experience of David A., a famous french journalist with more than 5000 followers.

It’ here: “How I fought over my private life on Twitter”.

19. Making a fool of yourself

Just like I Hate Fucking Mondays, you’re very confident in your immense talent. Maybe you’re wrong and some more work would do you good. Now, thanks to Twitter, you can post a direct link on this controversial movie clip you’re so proud of.

Awesome: You’ve just shot yourself a Scud in the foot. In less than 2 hours, you’ll see yourself reaching the trending topics (what people talk about) thanks to serial retweets overtly making a fool of yourself.

Don’t laugh, it happens every day.

You’ve reached the other side of bad buzz. You’re becoming a running gag.

That should be enough to burry your career once and for all.

20. Shamelessly try to bribe opinion leaders

The most lethal weapon: Go for the large Twitter accounts with more than 2k followers. Now you’re playing with the big boys, you’ll have to be ready.

The technique is a simple one: A sorry attempt at public corruption (some music companies try it behind closed doors, what a poor strategy) that will bounce back in your head in less than an hour.

Of course, this attempt will be seen by everyone…

You certainly have a lot of other tricks to commit suicide on this amazing social tool, Twitter. Nevertheless, let’s bet that the implementation of this advice will allow you to sink in the depths of the unknown in a record time. Or, better, to remain in your network’s memories for a long time as a mean buffoon.

]]>
http://owni.fr/2010/05/12/how-to-ruin-your-career-on-twitter-20-easy-tips/feed/ 0
Le blogueur le plus lu au monde est chinois http://owni.fr/2010/05/04/le-blogueur-le-plus-lu-au-monde-est-chinois/ http://owni.fr/2010/05/04/le-blogueur-le-plus-lu-au-monde-est-chinois/#comments Tue, 04 May 2010 16:07:10 +0000 John Kennedy http://owni.fr/?p=14484 Titre original:

Chine : le blogueur le plus lu et le plus influent

Le fait d’être le blogueur le plus lu dans le monde semble avoir fait de Han Han un candidat pour la liste des cent personnalités les plus influentes en 2010 du magazine américain Time, un choix qui, dans une certaine mesure, n’est probablement pas si étonnant étant donnés les autres prétendants chinois de cette année.

La plateforme de blogs de Han, Sina.com, a traité cette nomination en sujet « vedette » plus tôt dans la semaine, et beaucoup d’autres comme le rival QQ ont consacré un espace [en chinois] au débat sur le degré d’influence de Han. Han lui-même a écrit un billet sur le sujet, traduit ici [en anglais] par Xiao Qiang du China Digital Times :

Je me demande souvent quelle contribution j’ai pu apporter à cette société déjà remplie de mots sensibles ? Peut être qu’en fin de compte, toute ma contribution se résumera à cet autre mot sensible qu’est mon nom. C’est tout. Je me lève tous les jours vers midi, je gaspille souvent de l’argent dans des gadgets numériques, et je suis très difficile sur la nourriture. Dieu merci, je n’ai pas ajouté de fardeau ou de péché à cette société, du moins jusqu’à présent. Je ne suis pas un grand visionnaire, je veux seulement que les départements de référence traitent mieux l’art, la littérature et les médias des nouvelles, afin que lecteurs, auditeurs, public, internautes, habitants urbains et citoyens puissent tous en profiter. Je n’ai pas le talent nécessaire pour écrire de grandes choses, mais d’autres l’ont. Mais vous ne devriez pas censurer les gens ou glorifier ceux qui ont été censurés.

Le blogueur (sur Sina.com) et professeur d’université Xie Yong a cherché à déterminer [en chinois] la source de l’influence perçue de Han :

必须承认,我是韩寒的粉丝,所以,当看到《广州日报》4月5日韩寒进入美国《时代》杂志全球最具影响力候选名单的报道,我实在是有些惊奇:不是惊奇韩寒入选名单,而是惊奇新闻的标题,惊奇新闻标题最后那个有些刺眼的问号。

Je dois admettre que je suis moi-même un fan de Hanhan. Lorsque j’ai lu dans « le quotidien de Canton » le 5 avril que Hanhan allait entrer dans la liste des 100 personnes les plus influentes dans le monde du magazine Time, honnêtement, j’ai été un peu surpris. Non pas qu’il figure dans cette liste, mais surtout du titre de l’article, et du point d’interrogation quelque peu ironique qui le terminait.

我不知道《广州日报》是出于什么考虑,用疑问句的方式书写这个标题,也许他们想要转述部分“网友”的质疑:韩寒什么时候具 有全球影响力了?在这部分网友看来,作为青年作家和赛车手的韩寒,他的名字进入榜单,与世界政治家企业家放在一起,会影响实力榜的“权威性”。可能在这部 分网友眼中,“中国”并非“世界”一部分,这块土地上生活着的十几亿人口,并非“全球”的有效组成,所以,即使韩寒已经成为我们今天最有影响力的青年人, 成为当下“公民”社会的象征,他的影响力也不足以具有“全球”性。或者,只有政治家与经济精英入选《时代》,这位网民心中的权威感才能落实……

Je ne sais pas pourquoi le Quotidien de Canton a utilisé une question comme titre, peut être qu’ils voulaient rapporter les doutes des internautes : depuis quand Hanhan a-t-il une influence internationale ? Du point de vue de ces internautes, le fait que le nom de Hanhan, jeune écrivain et pilote de course, rentre dans une liste aux côtés de politiciens et d’hommes d’affaires du monde pourrait affecter l’ « autorité » de cette liste de pouvoir. Peut-être que du point de vue de ces internautes, la Chine ne fait pas partie du « monde », les quelques centaines de millions d’habitants vivant sur ce bout de terre ne sont pas une composante valable du « monde ». C’est pour cela que, même si Hanhan est devenu l’un des jeunes qui ont le plus d’influence aujourd’hui, ainsi qu’un symbole de notre société actuelle, son influence est encore insuffisante pour être considérée comme « mondiale ». Autrement dit, les internautes de cette trempe ne reconnaîtront l’autorité de cette liste que si elle est composée uniquement d’hommes politiques et de l’élite économique.

实际上,韩寒有没有影响力,在我看来已经基本上不成为“问题”,前不久,张鸣先生在深圳讲演时曾经提出,“现在的中国大学 教授加起来对公众的影响力,赶不上一个韩寒”。这话自然有些情绪色彩,但在某种程度上也算是真相一种。也许,在今天需要进一步思考的是,韩寒的影响力究竟 从何而来?

En fait, de mon point de vue, la question de savoir si Hanhan a ou non une influence ne se pose pas vraiment. Il y a peu de temps, lors d’un discours à Shenzhen, Mr. Zhang Ming a fait remarquer que « l’influence de tous les enseignants d’université chinois réunis n’égalerait pas celle d’un Hanhan ». Ces paroles sont un peu exagérées, mais contiennent une part de vérité. Peut être que la question qu’on devrait se poser aujourd’hui est : d’où vient réellement l’influence de Hanhan ?

很自然,会有一种说法,韩寒没有什么了不起,他说得不过是“常识”,他拥有的不过是俊朗的外表和同样俊朗的文字表达,他之 所以能有今天的“影响力”,是传媒界“炒作”的某种成果:新概念作文让韩寒一夜成名,新浪网让韩寒成了草根名博,然后南方报系让他成了“公民韩寒”,再一 步步进入“世界主流媒体”,成为美国媒体塑造的文化英雄、拥有世界影响力的中国青年……

Naturellement, on peut se dire que Hanhan n’a rien d’extraordinaire, après tout, il ne dit rien que tout le monde ne sache déjà, il n’a rien de plus qu’une belle apparence et une tout aussi belle écriture. L’influence qu’il peut avoir aujourd’hui est donc surtout due au battage médiatique. L’écriture « nouveau concept » a rendu Hanhan célèbre du jour au lendemain, Sina .com en a fait un incontournable de la blogosphère, et enfin le Southern Media Group (Nanfang Baoxi) en a fait le « citoyen Han », puis l’a petit à petit introduit jusqu’aux principaux médias grand public du monde, et transformé en un héros de la culture modelé par les médias américains, un jeune Chinois d’influence mondiale…

微博上面流传有一段十年前的视频,那是韩寒当年参加央视的节目,与“专家学者”,以及某位“品学兼优”的好学生进行对话, 看了当年那个节目,我们不难发现韩寒影响力的真正来源,韩寒领先于他的时代,因为他立足常识,反对体制以及体制为这社会绝大多数人准备的评价体系。而这个 体系一直到今天还在规则者人们的生活。而另一方面,通过那段对话我们不难感觉到,在今天中国,常识是多么稀缺可贵,在现实中要获得常识,不仅仅需要勇气, 更需要智慧。

Une vidéo d’il y a une dizaine d’années circule sur les microblogs. Elle montre Hanhan lors d’une émission de CCTV, participant à une discussion avec un “érudit spécialiste” et un étudiant «remarquable à tous points de vue ». En voyant ce programme, on voit très facilement la source de l’influence de Hanhan. Hanhan est en avance sur son temps, il se base sur le sens commun pour s’opposer au système ainsi qu’aux principes d’évaluation préparés par ce système pour la plupart des gens de cette société. Or, ces mêmes principes continuent jusqu’à aujourd’hui de réguler la vie des gens. De plus, nous pouvons sentir à travers cette vidéo à quel point, dans la Chine d’aujourd’hui, ce sens commun est une qualité rare et précieuse, car il faut pour l’acquérir non seulement du courage, mais encore plus de sagesse.

当然,我们也可以说,韩寒的影响力在某种程度上是时代造就的,不过,这种“造就”是以某种奇妙的方式完成的:当社会造就大 批缺乏常识,心灵扭曲的人们,却又依稀让这些人看到真正世界的时候,当这个社会通过种种方式让我们都跪下又在一定程度上渴望站立,一个站立的,健康的,生 机勃勃的脱离体制并有可能与体制作对韩寒就拥有了影响力。这样看来,韩寒的影响力,不是什么媒体给他们的,更重要的是,他个人奋斗与粉丝如我的双向选择的 结果,是一种“共谋”的产物,而且,只要有体制继续存在,韩寒的影响力就不会衰竭,只要体制继续膨胀,我们内心不断纠结,韩寒的影响力也会继续扩大下去。

Bien sûr, nous pouvons aussi nous dire, dans une certaine mesure, que l’influence de Hanhan est un produit de son temps. Mais ce genre de « produit » a été réalisé de manière admirable : lorsque la société produit en masse des individus manquant cruellement de sens commun et à l’esprit étriqué, tout en leur laissant entrevoir les ombres du monde réel, lorsque la société nous plie, nous met à genoux par tous les moyens possibles tout en nous inspirant un ardent désir de nous redresser, c’est debout, plein de santé et de vie, que Hanhan a pu s’écarter du système, peut être même s’y opposer et être en mesure de l’influencer. De ce point de vue, l’influence de Hanhan ne vient pas de quelconques médias, mais plus certainement d’une sorte de « conspiration » résultant de ses batailles et des choix faits par des fans comme moi. Du reste, tant que le système continuera d’exister, l’influence de Hanhan ne pourra s’épuiser. Tant que le système continuera de s’étendre et la confusion d’envahir nos cœurs, l’influence de Hanhan continuera de s’accroître.

Bien que certaines choses restent à tenter et à définir, l’écrivain sino-américain Wang Boqing est sûr d’une chose :

美国《时代》周刊一年一度的100位“全球最具影响力人物”评选,前天公布了“全球最具影响力人物”的200名候选人名 单,作家韩寒代表中国入选榜单。韩寒对我有影响,不是因为他是作家,这几十年来中国的作家多去了,不管他们自己感觉怎么样,我不看他们的东西,因为作品里 没有东西。所以,我也没看韩寒的作品,他有什么文学作品我也不知道。我被影响不是因为他常发网络言论,网上发言的多去了,从芙蓉姐姐到什么哥哥,忙碌的大 多数谁关心?网络代表啥民意?网络最不代表沉默的大多数。我被影响是因为他一个八零后,关心民间的正义与公平,他敢于表达自己的观点,分析深刻、语言鲜 明,能一下抓住人性和人心。很多 50-70后麻木得连自己的权利都不关心。

韩寒的确有影响,不仅影响了我这个不受影响的人,还正在影响海外的华人。这次回美国,参加朋友聚会,都是定居美国的中国老留学生,唯一谈到的中国人 物是韩寒,大家很注意这个人。我记不清在最近十年那个知识分子被这样关注过。排开幕式的张艺谋?他算吗?那些诺贝尔奖的华人,甲乙丙丁没人知道!科学有 限、思想无敌。

L’hebdomadaire américain Times sélectionne chaque année 100 personnes pour sa liste des « 100 personnes les plus influentes dans le monde ». Avant-hier a été publiée une liste de 200 noms, et l’écrivain Hanhan a été choisi pour y représenter la Chine. Hanhan m’influence, non pas parce qu’il est écrivain, il y a eu de nombreux écrivains chinois ces dernières décennies, et peu importe ce qu’ils peuvent en penser, je ne lis pas leurs œuvres, parce qu’il n’y a rien dedans. Je n’ai donc pas non plus lu les écrits de Hanhan, je n’ai même aucune idée de ce qu’il a pu écrire. Il ne m’influence pas non plus à travers son blog, nombreux sont ceux qui tiennent des blogs, de “grande soeur Fujong” à je ne sais quel “grand frère”, de toute façon, qui a le temps de s’en soucier ? En quoi Internet est-il représentatif de l’opinion publique ? Les personnes les moins représentées sur Internet sont la majorité silencieuse.
Non, ce qui m’influence, c’est qu’un jeunot né dans les années 80 se préoccupe de justice sociale et d’égalité, qu’il ose exprimer son point de vue, avec une analyse profonde, un langage vif, et puisse ainsi gagner la sympathie et le cœur des gens. Beaucoup de gens nés entre 1950 et 1970 sont tellement indifférents qu’ils ne se soucient même pas de leurs propres droits.L’influence effective de Hanhan n’a pas seulement influencé le grand insensible que je suis, mais elle influence également les chinois d’outre-mer. La dernière fois que je suis retourné aux États-Unis, j’ai participé à une réunion entre amis, tous des anciens camarades chinois venus étudier aux États-Unis, et qui s’y sont finalement installés. On ne parlait que de Hanhan, son cas passionnait tout le monde. Je ne me rappelle pas un seul intellectuel ces dix dernières années qui aie suscité autant d’intérêt. Peut être Zhang Yimou, avec la cérémonie d’ouverture des JO ? Ces Chinois d’outre-mer affublés d’un Prix Nobel ? Personne n’en a même entendu parler ! La science a ses limites, la pensée, elle, n’en connait aucune.

Hanhan est peut être à présent considéré comme un dissident, ou le sera s’il monte assez haut avant le 1er mai pour supplanter quelqu’un comme Bo Xilai. Voici un extrait de l’un de ses billets,« lettre d’un inconnu » , daté du 5 avril à 3h du matin, le jour où le Times a publié sa nomination :

我们国家有一个部门,叫做信访办。古代老百姓受了当地官员的冤屈以后,就会上京告御状,运气好的还能拦到当官的轿子,运气 最好的能遇见微服私访的皇帝,这些小概率事件乃是支持整个社会对公平正义向往的精神支柱。到了现代,领导们都换上了好车,不能再用拦轿子的方式自杀了,更 大的领导由于电视曝光率很高,也不能微服私访了,就算下乡,最多也是去一些当地领导特地安排的影视基地,和一些农民艺术家们进行表演,但那都是影帝们在飙 戏,和老百姓的关系不大,信访办是很多遭受了不公正待遇的人们唯一的出路。

Il y a un département dans notre pays qui s’appelle le bureau des pétitions. Autrefois, lorsque les gens du peuple pensaient que leurs droits avaient été bafoués par les autorités, ils devaient aller jusqu’à Pékin pour faire juger leur cas par l’Empereur. S’ils avaient de la chance, ils croisaient le palanquin d’un fonctionnaire et lui barraient la route pour l’arrêter. Ceux qui avaient vraiment beaucoup de chance croisaient l’empereur lui-même, sorti incognito de son palais. Bien que la probabilité que cela arrive soit extrêmement faible, c’est ce qui portait le soutien moral et les espoirs de la société entière en matière d’égalité sociale. Aujourd’hui, les dirigeants ont de grosses voitures, on ne peut plus se jeter dessous, ce serait du suicide. Les dirigeants encore plus haut placés, très exposés par la télévision, ne peuvent plus non plus sortir incognito. Même s’ils se déplacent en province, la plupart iront seulement voir la diffusion d’un film ou un spectacle de paysans artistes organisés spécialement par un dirigeant local. Ils ne sont au final que les acteurs d’un spectacle tourbillonnant qui n’a plus grand-chose à voir avec les gens du peuple, et, dans la plupart des cas, le bureau des pétitions est le seul recours à la portée de ceux qui ont subi des traitements injustes.

当然,很明显,他们想的太天真了,在一个司法不独立的国家,你怎么能指望突然会有一个政府部门为你出头呢,一个小朋友打你 一下,他妈妈骂你一句,他爸爸还揍你一拳,你去他爷爷那里举报他儿子和孙子,你明显是还欠踹你一脚。虽然他们那挑高三十米的办公楼大堂里可能挂着诸如为你 服务等文字,但人家是把这个当书法作品在欣赏,你怎么能把这个误会成人家的行动纲领呢。

Bien sûr, il est clair que les gens sont trop naïfs. Dans un pays où la justice n’est pas indépendante, comment espérer qu’un département du gouvernement se mobilise pour vous ? Si un enfant vous tape, sa mère vous insulte, son père vous frappe, si vous allez ensuite chez le grand-père pour vous plaindre de son fils et de son petit-fils, vous cherchez vraiment à recevoir des coups en plus ! Même si, dans le hall de leurs immeubles de bureaux de 30 mètres de haut sont affichés quelques slogans prétendant qu’ils sont là pour vous aider, ce ne sont en réalité que de belles calligraphies placées là pour décorer les murs, comment avez-vous pu croire qu’il s’agissait de leurs principes de travail ?

于是,在明白了上访乃是自投罗网主动进入黑名单以后,越来越多的人碰壁以后想到了媒体,追求公正就变成了和追求女人一样, 只要搞大了,这事就成了。毫无疑问,中国的媒体人和中国的公务员是有着本质区别的,每个职业都有每个职业的追求和素养,媒体人基本上是有自己的媒体理想和 新闻追求的,虽然他们也不能违反每天下发的禁令,但是只要在他们的能力范围以内,他们都是嫉恶如仇的。再比如车手,职业追求就是开的快,演员,职业追求就 是演的好,但是我始终无法知道公务员们的职业追求是什么,是办公务么。也许他们的职业追求就是好吃好喝,游手好闲,察言观色,见风使舵,最终顺利变成官 员,可以有权有势有灰色收入。恰恰因为他们没有正当的职业追求,所以他们没有职业素养。基本上,上访者在他们眼里都是没有大局观的刁民。

Donc, lorsqu’ils comprennent enfin que ce bureau des pétitions n’est qu’un piège dans lequel ils se jettent et qui les laisse sur une liste noire, de plus en plus de gens, après s’être pris la tête dans le mur, se tournent vers les médias, et se lancent dans une quête de justice comme on cherche à séduire une femme : il suffit que le jeu soit suffisamment spectaculaire pour obtenir ce que l’on veut. Sans aucun doute, il y a une différence fondamentale en Chine entre les gens qui travaillent dans les médias et les fonctionnaires, chaque métier a sa propre culture et ses propres objectifs. Les gens des médias ont fondamentalement leurs propres idéaux concernant les médias et leurs propres aspirations quant aux information, bien qu’ils ne puissent pas non plus tous les jours transgresser les interdits, mais si c’est dans leur domaine de compétences ils lutteront contre le diable jusqu’au bout. Prenons un conducteur, son objectif de travail est de conduire vite, celui d’un acteur de bien jouer, mais je ne vois vraiment pas quel est l’objectif d’un fonctionnaire du service public. Peut être que c’est simplement de bien manger et de bien boire, de mener une vie oisive, de s’adapter à leur interlocuteur, de retourner sa veste quand les circonstances y sont propices, pour finalement obtenir une promotion, du pouvoir et de l’argent. Comme leur travail n’a justement aucun objectif concret, ils n’ont aucune culture particulière. A leurs yeux, les gens qui viennent faire des réclamations sont essentiellement des petits malins qui ne considèrent pas l’intérêt public.

很多受到了不公正待遇的朋友们把我当作了媒体,在杂志的稿件和我每天收到的信中,有不少都是希望我主持正义,帮他们写一 写,让他们的遭遇引起媒体的关注。我每封信都认真的看了,但是我非常的无奈,这些事情在你们家庭的身上是个沉重的负担,但是对于新闻媒体,这已经失去了新 闻价值,我相信就算我为你写一些什么,也不会有传统媒体的关注。而一件事情的解决,往往需要很多传统媒体的帮助才可以,领导才会出来装腔作势的急群众所 急,想群众所想。信中最多的是某个小区交房质量很差,某个小区边上是个垃圾站或者变电站,还有最多的就是我被强拆了。你如果被强拆了,那不是新闻,那是生 活。如果你本人没有烧焦,还能收发邮件,全家老小全部健全,那就是幸福生活,你应该感谢国家。

Beaucoup de personnes qui ont subi des injustices me voient comme un de ces médias, au milieu des articles de magazines et des lettres que je reçois chaque jour, beaucoup ont l’espoir que je soutienne une certaine justice, que j’écrive quelque chose sur leur histoire ou que j’attire l’attention des médias sur eux. Je lis attentivement chacune de ces lettres, mais je n’ai aucune ressource, car bien que ce qui vous arrive soit un fardeau écrasant pour votre famille, pour les médias d’aujourd’hui, cela n’a plus aucune valeur d’information. Je pense que même si j’écris quelque chose pour vous, les médias traditionnels n’y porteraient pas plus d’attention. La résolution d’un seul problème nécessite l’attention de beaucoup de médias traditionnels, pour que les dirigeants sortent et fassent semblant d’avoir les mêmes inquiétudes, les mêmes pensées que le peuple. La plupart des lettres sont à propos de la piètre qualité des bâtiments dans certains petits quartiers ou de déchetteries ou centrales électriques à proximité de leur quartier, les plus nombreuses sont les expulsions. Si vous êtes expulsé, ce n’est pas de l’information, c’est la vie. Si vous n’avez pas été immolé, que vous pouvez toujours envoyer et recevoir du courrier, si votre famille est encore entière et en un seul morceau, estimez vous donc heureux et remerciez votre pays!.

最惨的一封来信来自于一个外地来的朋友,所有的材料都很全,内容是一家人被强拆了,还有人受伤,家里的大部分面积被算成了 违章建筑,他们去北京上访,结果材料被退回到省,省退回到市,市退回到县,县退回到村,然后每逢国家重大节假日,他们一家都被联防队监控起来,以防破坏和 谐气氛。最后他们告到了法院,法院居然受理了。

天哪,法院居然受理了,法院难道不是政府的一个服务机构么,怎么会受理此案呢?我迫不及待了翻到了下一页。

在这一页里,法院居然很快判决了,判决的结果是原本政府要赔受害者二十万的,现在政府只需要赔十万。

La lettre la plus tragique que j’aie reçue venait d’une personne qui n’était pas de Shanghai. Il y avait tous les documents, Sa famille avait été expulsée de force, certains avaient même été blessés. Le terrain sur lequel était bâtie la maison a été déclaré comme « construction illégale ». Ils sont allés à Pékin pour faire une réclamation, mais la réclamation a été renvoyée au niveau provincial, la province l’a renvoyée au niveau régional qui l’a renvoyée au niveau municipal. Depuis, durant chaque période de fêtes, toute la famille est surveillée par la police pour éviter qu’ils « troublent l’esprit harmonieux de la fête ». Ils sont finalement allés au tribunal, qui a accepté leur plainte.
Mon Dieu ! Le tribunal a accepté la plainte? Mais, le tribunal n’est-il pas une institution gouvernementale? Comment a-t-il pu accepter cette plainte ? J’ai fébrilement tourné la page, je brûlais de connaître le fin mot de l’histoire.
Sur cette page, le tribunal a très rapidement jugé l’affaire, et, au final, l’indemnisation de 200 000 Yuans qui devait être versée par le gouvernement a été réduite à la somme de 100 000.

在我收到的这些信件中,我并不能公布的另外一个重要原因是我并没有核实过,但是我个人又没有能力去核实这些。虽然我相信大 部分都是真实的,甚至全部都是真实的,最多就是在艺术上多写了一些对自己有利的内容,但是对事情的大局上并无影响,操蛋的肯定是对方。对于这些需要帮助的 信件,我觉得自己非常的无力。当然,他们并不是希望我能够为他们带来曙光,他们只是在不停的向所有他们能想到的渠道尝试。

Une des principales raisons pour lesquelles je ne peux pas publier les lettres que j’ai reçues est que je n’ai pas vérifié la véracité de leurs propos, ce que je ne suis d’ailleurs pas en mesure de faire. Bien que je croie qu’une grande partie de ces histoires soient vraies, peut-être même toutes, la plupart ont été un peu enjolivées pour être plus à l’avantage du plaignant, mais cela ne change rien au fond, les « méchants » sont forcément ceux d’en face. En ce qui concerne les lettres demandant de l’aide, je suis totalement impuissant. Bien sûr, ils n’espèrent pas que je puisse les sauver ou quoi que ce soit, ils tentent juste toutes les voies de recours auxquelles ils peuvent penser.

Pour en savoir plus sur Hanhan, visitez ces liens :

Wandering China, Novelist Han Han:A City Built on a Heap of Money Won’t Shine

Danwei, Han Han on Google leaving China (billet censuré en Chine)

Article initialement publié sur Global Voices

Illustration CC Flickr par Fenng(dbanotes)
Illustration CC Flickr par Fenng(dbanotes)

]]>
http://owni.fr/2010/05/04/le-blogueur-le-plus-lu-au-monde-est-chinois/feed/ 4
Paie ton RT: la banque des gazouillis http://owni.fr/2010/03/31/paie-ton-rt-la-banque-des-gazouillis/ http://owni.fr/2010/03/31/paie-ton-rt-la-banque-des-gazouillis/#comments Wed, 31 Mar 2010 16:00:57 +0000 Marie-Andrée Weiss http://owni.fr/?p=11267 Image CC Flickr Ivan Walsh

Image CC Flickr Ivan Walsh

Que vaut votre réputation sur les réseaux sociaux ? Plusieurs sites permettent de la monétiser, comme Whuffie ou TwitBank, qui mesurent la valeur en monnaie virtuelle.

Cher Lecteur,

Merci de lire mon article. Vous pouvez me rendre plus riche. Si, après avoir lu ma prose, vous désirez suivre, presque journellement, le flot de mes pensées, suivez moi sur Twitter, retweetez mes tweets, et contribuez ainsi à ma santé financière.

Les banquiers de la réputation

C’est ce que propose une jeune pousse, Whuffie, un site à but non lucratif qui se propose d’être la banque qui monnaye et échange un bien de plus en plus précieux, notre influence sur les sites de réseaux sociaux. Grâce à un algorithme, Whuffie mesure notre influence sur le réseau Twitter, en attendant de le faire pour d’autres sites, dont Facebook. Il est intéressant de noter que, comme toute monnaie, le whuffie peut être échangé ou donné.

Le terme whuffie a été inventé par Cory Doctorow, qui décrit dans son roman de science-fiction Down and Out in the Magic Kingdom, traduit en français sous le titre Dans la dèche au royaume enchanté, un monde où la monnaie est basée sur la valeur de la réputation. Il y est possible de connaitre rapidement le nombre de whuffies au capital de toute personne rencontrée en utilisant une commande ping. Le nombre de whuffies de notre interlocuteur s’affiche alors sur un HUD (Head Up Display), un affichage tête haute, terme emprunté à l’univers du jeu vidéo qui permet au joueur de connaitre son statut.

Selon Jules, le héros du livre de Cory Doctorow, le whuffie « a recréé la véritable valeur de l’argent » car cette unité mesure « votre capital personnel avec vos amis et vos voisins » et vous permet ainsi « d’évaluer au mieux votre succès ». Nos amis, nos voisins ? Il s’agit bien de notre réseau, dont la valeur même dépend du nombre de connections.

L’idée d’une monnaie basée sur la réputation est reprise en France par la TwitBank, qui utilise la « monnaie de remerciement » exploracoeur. Ouvrir un compte à la TwitBank permet de faire des transferts d’exploracoeurs par le biais de Twitter, et d’en recevoir.

Les autres monnaies virtuelles

L’idée d’une monnaie créée par le biais d’un site Internet n’est pas nouvelle. Le site Second Life a sa propre monnaie, le Linden dollar, que les avatars utilisent pour acheter ce dont ils ont besoin, ou envie, dans ce monde virtuel. Second Life a son propre marché d’échange, le site Lindex, qui permet de convertir des Linden dollars en dollars américains, selon un taux de change fluctuant.

Comment calculer la valeur d’une réputation ?

Second Life fonctionne selon une économie de marché traditionnelle, où le prix d’un bien est en rapport avec la demande, mais le whuffie et l’exploracoeur sont des monnaies basées sur la réputation d’une personne sur les réseaux sociaux, et fluctuent en raison de la confiance accordée ou non à cette personne.

Première difficulté : comment évaluer la valeur de notre influence sur les sites de réseaux sociaux ? Au nombre d’amis et d’internautes qui nous suivent ? Apparemment, ce n’est pas si simple : une étude publiée récemment par des chercheurs internationaux démontre que le nombre de personnes suivant nos tweets n’est pas un indice de mesure fiable de l’influence. Il est vrai que l’on peut suivre quelqu’un, mais ne pas lire ses tweets. A cet égard, le nombre de fois que les tweets sont retweetés est un indicateur de valeur bien plus fiable.

Le site Tweetlevel propose aux utilisateurs de Twitter de calculer leur influence en leur donnant un score. Pour ce, le site détermine trois facteurs différents. Tout d’abord, il calcule l’influence, mesurée par le nombre de retweets. Ensuite, vient la popularité, calculée en fonction du nombre de personnes suivant le compte. Enfin, l’engagement personnel, plus ou moins élevé selon que la personne participe aux débats et aux conversations, et ne se contente pas de publier ses tweets.

La banque Whuffie utilise un système similaire afin de calculer la valeur de la réputation. Whuffie prend en compte quatre facteurs : le nombre de fois où la personne est retweetée, le nombre de fois où la personne retweete les messages des autres, si la personne est suivie par une personne elle-même très influente, c’est-à-dire très riche en whuffies, et enfin si les messages de la personne qui sont retweetés contiennent ou non un lien. Les messages sans lien ont plus de valeur que les messages contenant un lien, car ils sont souvent entièrement le fruit de leur auteur.

Pourquoi ne pas vendre notre réputation ?

Est-il possible de vendre notre réputation ? Nous avons vu que l’économie des mondes virtuels et l’économie du monde réel peuvent être liées, un phénomène désigné en anglais par le terme « real money trading » ou RMT. Il est possible de vendre des biens virtuels, ou même un compte joueur, à un acheteur nouveau venu qui souhaite partir d’un bon pied en bénéficiant des points accumulés par un joueur plus expérimenté, si le site le permet toutefois. Par exemple, les joueurs de World of Warcraft ne peuvent transférer leur compte, et passer outre à cette interdiction entraîne l’exclusion du site.

Nous utilisons souvent notre véritable nom sur les réseaux sociaux, et Facebook interdit même à ses usagers d’utiliser un pseudonyme ou un avatar. Cela rend ces comptes difficiles à vendre. Un site américain, tweetervalue.com, propose néanmoins de calculer la valeur en dollars de notre compte Twitter. Plutôt que d’acheter le compte et de l’utiliser à notre place, on peut imaginer utiliser ce chiffre pour négocier la valeur de nos tweets, et accepter de promouvoir différents produits auprès des personnes qui nous suivent. En ce cas, la Federal Trade Commission, une agence fédérale américaine, considère qu’il s’agit d’un endossement publicitaire qui doit être publiquement révélé.

En droit français, seules les « choses qui sont dans le commerce » peuvent être l’objet d’une convention (article 1128 du Code civil). Les droits de la personne sont incessibles : l’honneur et la réputation sont des biens hors commerce.

La valeur de notre réputation est-elle imposable ?

Qu’elle soit considérée comme une monnaie d’échange ou un bien que l’on peut vendre, est-ce les gouvernements appliqueront bientôt un impôt sur la valeur de notre réputation ?

Selon le Code des impôts américain, est passible d’impôt tout revenu, quel que soit son origine. Julian Dibbel, spécialiste des mondes virtuels, avait gagné d’importantes sommes dans le monde réel en vendant des biens virtuels sur le site eBay, pratique désormais limitée. M. Dibbel tenta de déclarer ces revenus à l’administration fiscale, qui lui suggéra de déclarer ses revenus en tant que revenus de troc. Les utilisateurs de Second Life résidant dans l’Union européenne doivent déjà s’acquitter de la T.V.A. sur certaines transactions, tel l’achat de terrains.

En France, l’article 1 A du Code Général des Impôts inclut dans le calcul de l’impôt sur le revenu les « plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature ». Il peut s’agir de biens corporels comme de biens incorporels, tels les produits de la propriété industrielle et de la propriété intellectuelle. Le législateur pourrait à long terme choisir de considérer la réputation comme un bien immatériel, peut-être similaire au know-how, ou à une marque, ce qui nous permettrait à la fois de protéger la marque « Moi » et de profiter financièrement de notre micro-branding.

Quoiqu’il en soit, ne pas payer l’impôt sur notre réputation et sur les revenus qu’elle pourrait engendrer aura un impact négatif sur nos whuffies et nos exploracoeurs. Profitons encore pour quelque temps du caractère non imposable de notre réputation…

> Illustration par mallix sur Flickr

]]>
http://owni.fr/2010/03/31/paie-ton-rt-la-banque-des-gazouillis/feed/ 1
The Weekly Best #11: Sélection des Aaaliens & Best-of d’Owni /-) http://owni.fr/2010/02/26/the-weeklybest-11-selection-aaaliens-bestof-owni/ http://owni.fr/2010/02/26/the-weeklybest-11-selection-aaaliens-bestof-owni/#comments Fri, 26 Feb 2010 15:47:35 +0000 Admin http://owni.fr/?p=9091 flying

Ces rdv sont trop rares et les bonnes résolutions trop rarement tenues! Ce billet est donc d’une densité exceptionnelle pour ce 11° #Weeklybest .

Nous vous proposons ici un best-of éditorialisé des articles les plus lus et et les plus partagés sur Aaaliens depuis près de deux mois, ainsi que les dix articles les plus lus sur la soucoupe ces dernières semaines. Détachez vos ceintures – bon surf /-)

#Aaaliens :

Journalisme

Bilan 2009, perspectives 2010

2009 aura consacré les réseaux sociaux comme de nouveaux médias de masse, et l’arrivée de l’Internet sur soi (et non plus seulement chez soi), tandis que les médias traditionnels restaient sur la défensive.

2010 devrait confirmer l’essor de l’information en mobilité (smart phones, tablette Apple, lecteurs ebook & encre électronique, téléphones Google….), du journalisme en temps réel avec recours à la géolocalisation et à la visualisation de données, mais aussi voir se développer de nombreuses nouvelles petites unités éditoriales. Côté médias classiques, le payant sur le web va être testé une nouvelle fois, sur fond d’alliances plus nombreuses entre anciens frères ennemis. Parions aussi qu’un vif débat autour de l’utilisation des données personnelles va enfin surgir.

Pourquoi les hebdos parient sur le Net

Le principal défi reste cependant de se distinguer dans l’univers bouillonnant des sites d’informations
Ces sites d’information, gratuits et basés sur la publicité, sont toujours sources de pertes pour leurs maisons mères. De nouveaux modèles économiques sont à l’étude, mais les hésitations se font sentir.

La presse hexagonale regarde passer l’ innovation technologique

Depuis les débuts de la numérisation massive, les industries françaises de contenus – musique, presse, édition, vidéo – regardent passer les innovations en ruminant de l’anti-américanisme primaire et en gémissant sur l’indifférence que les audiences – le peuple, en somme – osent manifester à l’égard de leur offre fade et monotone.
Elles ont contribué au torpillage du réseau français Cyclades qui, en 1978, intéressait énormément les pionniers américains d’internet (1). Elles n’ont pas vu arriver le CD audio, donc le DVD, preuves palpables que tout est numérisable. Elles n’ont pas vu arriver l’ADSL. Elles n’ont pas vu arriver le MP3. Elles n’ont rien compris à Napster. Elles n’ont pas vu arriver Google. Elles n’ont pas vu arriver Youtube. Elles ne voient pas ce qu’auraient pu leur apporter les lecteurs et tablettes électroniques…

Le futur des magazines sur iPad

“La tablette d’Apple bouleversera-t-elle le monde de l’édition ? L’attention s’est surtout tournée vers les livres et quotidiens. Mais il me semble que ce sont les magazines qui seront les plus transformés par l’interface.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Wired version iPad

Personne ne pense un seul instant qu’il devrait payer pour son journal

Entre vouloir faire payer l’information à l’internaute et y parvenir, il y a un pas. Il ne pourra s’agir que de revenus complémentaires. Déjà, les médias de masse ont toujours été financés en partie par la publicité et l’impôt. Et il y a incompatibilité entre l’information sur le web et le payant. Les groupes de média essayent de s”ortir d’un modèle totalement « ouvert » et hyper-compétitif, ou le « gratuit » est dominant, pour se construire des refuges, des niches, où ils pourront contrôler l’accès et le mode de paiement (modalités et montant).”

Séisme, mensonges et vidéo

Intox, mode d’emploi. D’un côté, des individus réactifs et fin connaisseurs du web. De l’autre, des journalistes pressés et mal formés à la vérification en ligne. La vidéo présentée par des médias comme celle de “l’ambassade de France à Haïti pendant le tremblement de terre”, capturée à la va-vite sur des plateformes, passe pour un cas d’école.

“L’avenir de la presse est dans les réseaux” par Jeff Jarvis / video – fr

À l’heure d’Internet, l’erreur des médias est de vouloir préserver leur ancien modèle économique, estime le blogueur Jeff Jarvis. Celui-ci préconise la mise en place d’un nouveau webjournalisme, basé sur la sélection et l’enrichissement de contenus. Un entretien majeur, en français / et qui en éclairera plus d’un sur ce que nous sommes en train de monter /-)

2056874722_49defbc5b6_o

“Les effroyables imposteurs” sur Arte, Hadopi, Loppsi2: la revanche des anti-Internet

“Les journalistes seraient plus inspirés de trouver leur place dans ce nouvel écosystème plutôt que de faire perdre l’argent à la télévision publique à tenter de démontrer avec des ficelles aussi grosses que des gazoducs que le web est dangereux.
Ils devraient la jouer “Journalistes+amateurs” plutôt que “journalistes contre amateurs”.
Se battre contre l’effroyable amateur en brandissant le sceau divin de sa carte de presse, ce n’est pas à l’honneur d’une profession qui, au fil du temps, a toujours sur prouver qu’elle était capable de s’adapter au bouleversement permanent du monde et des usages.”

Les Français commencent à lire leurs journaux sur l’iPhone

Comme sur Internet, l’enjeu est désormais de monétiser cette audience.

La culture populaire à l’abordage des sites d’infos français

Si la ligne éditoriale d’un site d’infos et les goûts des internautes ne coïncident pas toujours, il y a au moins une chose qui fait l’unanimité. C’est gagné quand l’article véhicule ou suscite une émotion, comme le montre cette étude sur les articles les plus envoyés du New York Times. Et cela reste valable même si l’article parle de cosmologie.

En anglais

BBC tells news staff to embrace social media or leave

BBC journalists must keep up with technological change – or leave, the director of BBC Global News Peter Horrocks says.

Demand Media May Be Bad for Social Media, but Not for Journalism

Production of SEO optimized content is not just a matter of “gaming” Google; It plays to the notion of tweaking the purpose of social media for marketing. In this, Demand is also neutral. Demand’s intention is not to trick consumers of corporate social media efforts into believing someone’s there to listen to them. Rather, Demand’s intent is driven by the social media plan of the corporation that commissions the content.

For newspapers, Demand’s edited, optimized content could be beneficial. As newspapers continue to downsize, many will not be able to afford freelancers for the supplemental publications that have been helping some newspapers to stay afloat. If a newspaper receives edited, optimized evergreen content at reasonable cost it will not need to end supplemental publications.

There is no new revenue model for journalism

There are three ways – and only three ways – that publishers can make money from their content: 1. Direct purchases, such as subscriptions, copy sales and tickets 2. Advertising 3. Donations, including direct contributions and grant funding.

Société numérique

3410613401_64be710cc3_o

Le monde de la culture sombre-t-il dans la diabolisation de Google et de l’Internet?

“Tous ces éléments mis ensemble manifestent l’angoisse presque désespérée avec laquelle les acteurs de la Culture en France accueillent la révolution numérique. Son extension progressive à chacun des secteurs concernés a été vécue comme une montée progressive des périls. Elle touche aujourd’hui le dernier bastion, le coeur sacré du temple culturel : le livre et cela n’est pas sans importance pour expliquer la violence des réactions actuelles qui, de l’indifférence et du mépris semblent évoluer maintenant vers la haine.”

Les blogs “extimes” : analyse sociologique de l’interactivité des blogs

Le premier objectif de cet article est de mieux comprendre les motivations initiales des blogueurs de blogs personnels.Le second est plus fondamentalement d’expliquer la perception globalement positive qu’ont les blogueurs des réactions des internautes. Finalement, l’engouement que cette nouvelle activité suscite fait ressortir quatre types de motivations : témoigner, dévoiler sa personnalité (éventuellement créative), donner son avis, écrire. Ainsi, le succès des blogs extimes tient alors en partie à leur capacité à prendre en charge des besoins d’expression variés dans la population. Mais il tient aussi au caractère jugé « valorisant », « enrichissant » des réactions reçues par les blogueurs à la lecture de leurs billets.

Web : Les adolescents se détournent des blogs

“Aux Etats-Unis, le nombre de jeunes de 12 à 17 ans tenant un blog a été divisé par deux depuis 2006. Ils préfèrent les mises à jour de statuts sur Facebook, mais ignorent Twitter.”

Les surprises des pratiques des 8-18 ans

Jean-Michel Salaün revient sur une étude de la Kaiser Family Foundation sur les pratiques des médias des 8-18 ans aux Etats-Unis. Le temps d’exposition aux médias reste toujours élevé (4h29 en moyenne en 2009) au profit de la télé surtout. Télé pour laquelle si la pratique diminue, le visionnage différé augmente.

Les jeunes et les médias : un stagiaire du Figaro répond à Morgan Stanley

“Toute la City avait tremblé, cet été, après la publication par Morgan Stanley du rapport d’un de ses jeunes stagiaires, Matthew Robson, 15 ans et 7 mois, sur la manière dont les jeunes consomment les médias. Une de ses trouvailles édifiantes – les adolescents n’utilisent pas Twitter – avait fait douter les plus sérieux financiers de la pertinence de ce service.”

Education : Facebook doit entrer à l’école

Comment les enseignants peuvent-ils introduire les réseaux sociaux dans la salle de classe ? Pour commencer, les jeunes peuvent parler de ce qu’ils font sur Facebook et cie, présenter les façons dont ils opèrent des connexions entre eux, et partager les vidéos et les logiciels qu’ils ont créés. Une fois la conversation engagée, les enseignants identifient quels étudiants ne participent pas et doivent trouver les façons d’accroître la capacité d’implication de ces étudiants pour les mettre à niveau. Les enseignants peuvent gérer le projet en sélectionnant le contenu et les conversations les plus intéressantes et en les intégrant dans les troncs communs du curriculum. Si un étudiant a créé une entrée sur Wikipedia pour un groupe de musique ou une équipe sportive locale, d’autres pourraient travailler en équipe pour réviser sa contribution ou pour l’incorporer dans un projet plus large sur l’histoire locale.

La génération « post-micro »

La génération des digital natives n’est pas si à l’aise que cela avec l’informatique, explique Jean-Noël Lafargue, qui voit arriver des “étudiants « post-micro-informatique », relativement malhabiles face aux logiciels bureautiques ou de création, auxquels ils ont pourtant eu accès au collège.” Cette nouvelle génération, à l’image de celle que pointait du doigt l’étude sur les jeunes off-line et la fracture numérique, publiée récemment par la Fondation Travail et Technologie de Namur, a une connaissance de l’informatique limitée aux outils de pure récréation. Pour Jean-Noël Lafargue : “Les outils cessent d’être des vecteurs d’émancipation lorsqu’on n’en a aucune maîtrise.”

Facebook comme bac à sable

L’ubiquité, la toute puissance, l’unité enfin accomplie, la victoire contre les instances parentales, la liberté enfin retrouvée, le contact permanent avec les « bons » objets.. Mais Facebook est juste un bac à sable et les châteaux de sable que nous y construisons ne nous appartiennent pas. Tout ce que nous y produisons est tributaire des outils que Facebook nous donne.

4300931777_586f7f1c9f_o

Comment les nouvelles règles de Facebook vont modifier le comportement des utilisateurs

Si vous êtes utilisateur de Facebook (et il y a toutes les chances pour que vous le soyez, comme 15 millions de Français) alors il y a deux choses que vous devez savoir :

Vous êtes propriétaire de vos données personnelles mais Facebook se réserve le droit de les utiliser à sa guise (cf. les nouvelles CGU : Facebook’s Great Betrayal). Si vous ne modifiez pas les paramètres de confidentialité, vos données personnelles sont maintenant accessibles à tous et indexées dans Google. Oui vous avez bien lu : Facebook n’est officiellement plus un réseau social fermé mais une plateforme sociale ouverte où n’importe quel internaute peut parcourir votre profil et les informations qui y sont affichées.

Vie privée : le point de vue des “petits cons”

Pour Josh Freed, célèbre éditorialiste canadien, c’est la plus importante fracture générationnelle depuis des décennies, qu’il résume ainsi : d’un côté, nous avons la “génération des parents”, de l’autre, la “génération des transparents”.

La vie privée n’est pas ce que l’on croit

Je vais encore une fois jouer les vieux cons, mais je trouve parfaitement superflue l’agitation actuelle autour de ce qui serait la fin de la vie privée.

Les médias sociaux et le décès de Lhasa de Sela

La frontière entre la sphère publique et la sphère privée est flexible et mince. Les gens qui utilisent les médias sociaux n’ont pas encore le réflexe de tenir compte du fait que si leur profil est ouvert, ça devient accessible publiquement. Même avec un petit nombre de contact dans ses réseaux, une “fuite” peut arriver très rapidement. Je constate qu’il y a le besoin fort de l’humain de s’exprimer et de partager ses émotions avec ses proches. Dans ce cas-ci, les deux statuts sur Facebook ont été fait sur la sphère publique parce que les profils étaient libres d’accès. Dans le cas de Mike Pincus, il avait un réseau de 29 amis, alors que Jules Beckman avais un réseau de 318 amis. Ainsi, l’effet viral de l’information et de la rumeur était déjà enclenché. Par la suite, l’information est passée dans l’univers de Twitter et en français. De là est apparue cette explosion de la nouvelle et la création de la rumeur qui est présentée plus haut.

Le Vatican évangélise le “continent digital”

2009 aura donc marqué un tournant dans l’histoire digitale du Vatican, mais le plus dur reste à faire : l’évangélisation du continent digital, tout comme à l’époque des missionnaires, prendra beaucoup de temps. L’Eglise en a conscience et s’engage dans une stratégie de petits pas qui ne fait pas peur à une institution séculaire. Mgr di Falco la résume en quelques mots : “Pour terminer, permettez-moi de citer un écrivain français, Jules Renard : « Quelques gouttes de rosée sur une toile d?araignée, et voilà une rivière de diamants. » Puissent les quelques gouttes de rosées que nous déposons sur l?immense toile internet la transfigurer aux yeux de tous en rivière de diamants”

Le flux – NT2

Le laboratoire NT2 vient de livrer une intéressante introduction au concept de flux, plus particulièrement dans l’art hypermédias. Mais ceux qui s’intéressent au sujet pourront y puiser bien des références, dans ce flux, concepteur fondateur de la culture web.

danah boyd : Ce qu’implique de vivre dans un monde de flux

L’article revient aussi sur la conférence de danah boyd au Web 2.0 : d’accord avec JM Salaun en commentaires qui estime qu’il y a [peut y avoir] contresens dans sa perception que “Dans le modèle de la distribution de l’attention en réseau, il y a encore une forme de distribution qui ne passe pas directement par les créateurs, mais par d’autres intermédiaires?”. Retour aussi sur son expérience de backchaneling via le mur Twitter public (twitterwall) durant sa conférence : la vidéo ne montre pas grand chose. Le lynchage en ligne par la foule sur Twitter serait baptisé “Tweckle” par Marc Parry…Hubert Guillaud appelle très justement à la mise en place d’une sorte de savoir-vivre ou faire dans ce type de rencontre “Il faut mettre en scène la rencontre entre le back et le front channel”

danah boyd : “Voyez-vous ce que je vois?”

Puisque nous réfléchissons à la société numérique que nous sommes en train de créer, je vous invite à réfléchir à la visibilité. Que pouvez-vous voir que vous ne pouviez pas voir avant ? Quelles réactions cela provoque en vous ? Et qu’allez-vous faire à ce sujet ? Il est peut être temps pour nous de nous colleter à la visibilité et de prendre un moment pour regarder. Prenez un moment pour voir. Et, plus important que tout, prenez un moment pour agir.

Secousses syntaxiques et tremblements motorisés : Google, Twitter et Haïti.

Face à la catastrophe de Haïti, retour sur les logiques en cours sur Google et sur Twitter qui renvoie à la structuration de l’information.

Ingénieries de la sérendipité

Quels sont les procédés de la sérendipité, ces découvertes que l’on fait sans s’y attendre, en se baladant sur la Toile ?

Twitter ou la société d’adoration mutuelle

“Dans cette production tous azimuts de contenus par tout un chacun est surgi un phénomène tout particulier avec des plateformes de réseautage social comme le blogue, Twitter et Facebook: la diffusion de soi pour obtenir la reconnaissance de soi. Ces outils sont de fantastiques machines de promotion de soi. Et les gens ne se gênent surtout pas pour les utiliser, et c’est très bien ainsi. C’est à qui fera le plus possible la promotion de lui-même afin de rejoindre un public de « suiveurs » et d’admirateurs. Seth Godin, quant à lui, appelle ça votre « tribu ». (…) Une fois que la tribu est constituée, se développe alors une société d’adoration mutuelle.”

2424995848_bdb1768987_b

L’Internet comme miroir des exclusions

Internet une “merveilleuse” méritocratie ? Pas vraiment expliquait danah boyd au dernier Personal Democracy Forum, en montrant comment la répartition des populations américaines sur MySpace et Facebook relève de mécanismes d’exclusion sociale. Facebook s’est peuplé depuis les universités et les grandes écoles au détriment de MySpace qui rapidement été ostracisé, à la manière des quartiers de banlieue. Au final, les deux espaces s’ignorent totalement. Pour danah boyd, il est clair que l’internet est le reflet de nos sociétés, que c’est un espace public qui appartient d’abord aux classes dominantes. Etre sur un réseau social c’est indiquer à quelle population on s’intéresse et à laquelle on ne s’intéresse pas.

Soyons sérieux, jouons ! (1/5) : Prendre le jeu au sérieux

L’actuelle vogue des “jeux sérieux” doit beaucoup à la montée en puissance des ordinateurs et à la perfection des simulations. Du coup, le jeu sérieux quitte ”école pour investir d’autres domaines. L’entreprise, bien sûr, mais aussi la santé, voire l’action militante, car certains de ces jeux ont moins pour ambition d’éduquer sur un sujet que faire passer des idées : c’est ce qu’on appelle les “jeux persuasifs”.

Mais le progrès technologique ne résout toujours pas la difficulté, le paradoxe du “jeu sérieux” : une simulation n’est pas un jeu, comme nous le rappelle Second Life ! Or, la dimension ludique reste nécessaire pour permettre l’immersion : on ne s’investira pas dans la meilleure des simulations si l’on s’y ennuie à mourir.

Google Chrome : les 10 meilleures extensions pour les blogueurs

Comme son titre l’indique.

Politique

menottes_pour_enfants1

Hadopi, Loppsi: les censeurs du Net s’organisent

Il eut été plus juste et plus rassurant, touchant au domaine des libertés numériques et de l’usage d’Internet, de commencer par garantir les droits des internautes. Ce n’est pas le parti pris par nos gouvernants…

La disparition du secrétariat d’État à l’Economie numérique est-elle programmée ?

Derrière la rumeur, un bilan intéressant, car contrasté, du passage de NKM à l’Economie numérique.

Les solutions pour contourner Hadopi de plus en plus qualitatives

Comment contourner Hadopi ? Le ReadWriteWeb liste les solutions et souligne que la mutation des usages est déjà en cours et qu’elle ne va toujours pas se faire au profit des auteurs et des artistes. Hélas.

Réseaux sociaux politiques : tout le monde veut son MyBarackObama.com

Nicolas Vanbremeersch fait le point sur la floraison des sites politiques sociaux à la veille des régionales : “Les créateurs de possibles, par son ignorance de la sociabilité, et la Coopol, par sa fermeture, ignorent que l’important est ailleurs. Il est là : sur le web non comme outil d’organisation, mais comme territoire réel, comme lieu de rencontre, de circulation des idées, de partage, de mobilisations de pair à pair, sans gros site qui nous mâche le travail.”

Economie

Deezer, ou les raisons d’un beau gâchis

“L’avenir du streaming ne passe manifestement pas par le Web 2.0 mais, au contraire, par la fourniture d’un juke-box logiciel léger, puissant et ergonomique. Apple a déjà montré la voix avec iTunes. Spotify ne fait que confirmer cette tendance de fond. Jonathan Benassaya ne pouvait pas ne pas l’avoir perçu. Mais avait-il seulement les moyens de changer de stratégie ? La réponse est non.”

Neo-experts, post-gourous et wannabe consultants digitaux

Vous aussi ?! Alors pourquoi ne pas vous renseigner sur l’expert digital ou l’agence avec qui vous allez bosser ?

* Un expert en blog ? Il est où son blog ? Il fonctionne ? Combien de commentaires par articles, combien de lecteurs estimés ? Depuis combien de temps existe-t-il ? A-t-il une véritable ligne rédactionnelle ou est-ce un blog “seo-oriented” ?
* Un expert Twitter ? Combien de followers ? 300 ? Ben dites donc, ça doit être un expert de niche ou alors il se fout de votre g*. Lisez Self-Proclaimed Social Media Gurus on Twitter Multiplying Like Rabbits.
* Un expert en e-notoriété ? Googlisez son nom et analysez les résultats. Sa e-réputation se doit être nickel. Et ça vous permet de tester la longevité du bonhomme. Quoi ? Seulement 3000 résultats ? Il a découvert le web avant-hier ou quoi ?

Devenir influent ?

L’influence s’adapte à la loi du média : d’une stratégie du message standardisé, massif et persuasif à de multiples tactiques d’alliance, réseaux, reprise, réputation, adaptées aux configurations changeantes du nouveau Web.

Sciences

2703681565_4f27bfe3b8_o

Les vertiges de la technoscience. Façonner le monde atome par atome

” Pour B. Bensaude-Vincent, la technoscience est bien plus que l’avènement d’un nouveau champ pour la connaissance, c’est un véritable changement de régime, qui nous appelle à réévaluer toutes les notions et les distinctions sur lesquelles s’est fondée la découverte scientifique. Mais on peut penser qu’une telle manière de juger de l’histoire des sciences cède trop facilement aux mirages du postmodernisme”…Transhumanisme, nanotechnologies, convergence…

> Le best-of d’Owni (via PostRank) :

> Le dernier Best-Of publié sur la soucoupe

> Tous les (trops rares ;) ) WeeklyBest

> Les Top d’Aaaliens (fonctionne sur n’importe quel mot-clef)

> Le prochain WeryBest intégrera la sélection de la rédaction /-)

> Vous souhaitez partager un lien ? n’hésitez pas à le faire ici en commentaire !

Pour les fans : une page de photos volées qui sera actualisée en temps-réel, photos d’un chantier de design auquel nous vous inviterons ; celui de la V2 d’Owni !

Crédits Images (dans l’ordre d’apparition)

[image CC Fesoj]

[image CC topgold]

[image CC laurenlemon]

[image CC Balakov]

[image CC Brajeshwar]

[image Copyright Geoffrey Dorne sur jaffiche.fr]

[image CC Belgapixel's]

]]>
http://owni.fr/2010/02/26/the-weeklybest-11-selection-aaaliens-bestof-owni/feed/ 0
La fin du marketing, le retour de la propagande http://owni.fr/2009/12/02/la-fin-du-marketing-le-retour-de-la-propagande/ http://owni.fr/2009/12/02/la-fin-du-marketing-le-retour-de-la-propagande/#comments Wed, 02 Dec 2009 08:56:13 +0000 Pierre-Alexandre Xavier http://owni.fr/?p=5884 Le marketing est mort.

Après s’être d’abord préoccupé de conditionner le produit, marquant une influence sur le design, il a été repoussé par la technologie, par le savoir technique, permettant aux designers de générer des usages.

Avec l’émergence forte des technologies numériques dans le design, le marketing s’est orienté vers le conditionnement de l’offre et du produit. Mais l’émergence des technologies numériques de la communication ont rapidement atomisé le marketing produit. Le produit et l’offre sont rapidement devenus transparents et propriété du public, lui permettant de faire des choix échappant au conditionnement.

Alors, le marketing s’est concentré (sa vocation première) sur le conditionnement de l’acheteur en inventant une taxonomie (qui n’était qu’une question de point de vue) artificielle pour le faire entrer dans des catégories de valeurs. L’expansion massive du réseau mondial et l’appropriation des outils numérique par l’acheteur a explosé ces représentations marketing.

De ce point de vue, le marketing comme notion et même comme technique de modelage de l’offre est devenu obsolète. Le choc du futur étant très rapide et très sec, les acteurs du marketing sont comme un boxeur K.O. debout. Ils sont sonnés et ne parviennent pas à réaliser que le match est terminé. Ceux qui restent sur le ring risquent bien de recevoir un déluge de coups…

Alors que reste-t-il ? La propagande.

C’est la propagande qui domine le monde numérique. Le message le plus lu, vu, cru est celui qui l’emporte mais pour un temps très court. C’est la propagande pure et dure qui fabrique le consensus, déclenche l’adhésion, forge la fidélité. Le marketing disparaît au profit de techniques anciennes et de quelques usages nouveaux : la communication d’influence, l’intelligence économique, la médiation 101, l’économie de l’attention, le profilage progressif, la chronologie, le tracking, la mémoire collective… La technologie numérique vient soutenir, articuler et renforcer ce dispositif donnant naissance à une société numérique.

Enfin, ce qui revient en force, c’est l’obligation de créer une véritable culture de la confiance. Désormais, c’est la confiance qui créé le temps et donc la longévité d’un produit, d’un service, d’une idée, sans se soucier de son efficacité, de son avantage qualitatif, de sa « vérité ».
Et le produit lui-même n’est plus seulement un objet. Il est également une utilité qui connaît une inscription dans le temps. Même l’alimentation (terme désuet et en passe d’oubli) ou le divertissement (autre terme de l’ancien monde) se conçoivent comme des utilités durables et abondantes échappant aux cycles de l’éphémère.

En attendant, les résistances sont encore nombreuses. La transformation est en cours et à moins d’une catastrophe à l’échelle planétaire, elle est inéluctable. Car la société numérique s’impose partout. Sa force ne vient pas d’une dématérialisation du monde, mais de sa capacité à révéler ce qui était jusque là invisible. Et c’est ce que le marketing et la publicité de masses n’ont su qu’imaginer jusqu’à présent.

» Article initialement publié sur la soucoupe, chez temps futurs

»  Image de Une via Soniasonia sur Flickr

]]>
http://owni.fr/2009/12/02/la-fin-du-marketing-le-retour-de-la-propagande/feed/ 3
La mesure de l’influence sur Twitter : on refait le point http://owni.fr/2009/11/29/la-mesure-de-l%e2%80%99influence-sur-twitter-on-refait-le-point/ http://owni.fr/2009/11/29/la-mesure-de-l%e2%80%99influence-sur-twitter-on-refait-le-point/#comments Sun, 29 Nov 2009 21:49:13 +0000 François Guillot http://owni.fr/?p=5824 Un des trucs fascinants sur Twitter reste la faculté que l’on a à bidouiller des scores d’influence à partir des indicateurs disponibles : nombre de followings, de followers, de tweets, nombre de RT…

Dernier exemple du genre, le TweetLevel d’Edelman qui a un triple mérite : explorer, communiquer sa formule et ne pas prétendre à lire l’influence seulement à travers les chiffres (voir le “about“).


La lecture de l’influence, entre le simpliste et le complexe

Mais finalement, dans nos pratiques de webologues et de consultants, j’ai un peu l’impression que la lecture de l’influence sur Twitter se fait de façon paradoxale :

- soit de façon simplificatrice à travers le choix d’un indicateur seul : par ex le nombre de followers, le nombre de listes auxquelles le compte a été ajouté…

- soit de façon ultra-sophistiquée à travers un indicateur complexe – comme le TweetLevel qui va attribuer une note sans réelle signification (mais qui permet de hiérarchiser)

L’un comme l’autre ne me satisfont pas :

- un indicateur seul – type le nombre de followers — est réducteur et facilement manipulable (cf. la méthode Thierry Crouzet qui montre que l’on peut se constituer une audience ahurissante… principalement constituée de robots et de comptes spam)

- les indicateurs complexes me semblent souvent vouloir intégrer trop de données et s’éloigner de la rigueur intellectuelle au profit du plaisir des calculs mathématiques (exemple pour les blogs : le Power 150 d’AdAge qui s’est rationalisé autour de 5 critères après en avoir compté… beaucoup trop)

Tous les indicateurs ne se valent pas et ce n’est pas parce que des données quanti existent qu’il faut toutes les intégrer dans une analyse d’influence. 3 exemples d’indicateurs que l’on est tenté d’intégrer dans un calcul « complexe » et qui pour moi n’ont pas de signification véritable :

- le nombre de following : pourquoi serait-il un élément dans un calcul d’influence : plus je suis de comptes, plus je suis influent ? Non, il n’y a aucune raison.

- le nombre de tweets seul, qui montre si je suis actif ou pas mais qui n’est pas pertinent non plus : plus je tweete, plus j’ai de chances de noyer mes tweets et qu’ils ne soient pas lus. Même si plus je tweete, plus j’augmente mes chances d’avoir de nombreux followers…

- l’analyse du contenu des tweets pour mesurer le niveau d’engagement d’un utilisateur. L‘influence, c’est la capacité qu’on a à se faire écouter, à la limite peu importe ce que l’on raconte. (ce que je raconte ne préjuge pas de la réaction de mes publics)


L’influence, c’est quoi ?

La question de la pertinence des indicateurs d’influence sur Twitter est hyper complexe. Pour la traiter, j’en reviens à la définition de l’influence: « pouvoir social qui amène les autres à se ranger à son avis », de mémoire, dans le petit Robert. Autrement dit, l’influence renvoie à la question des opinions.

Mais plus précisément, il y a à mon avis 4 composantes de l’influence — que l’on parle de Twitter ou juste de son influence sociale. Il y a une progressivité dans ces 4 composantes de l’influence, on pourrait donc les représenter sous forme de pyramide avec de bas en haut :

  1. La capacité à produire un contenu : c’est à dire la capacité à se constituer un avis, à forger une analyse, à rapporter des faits, à les mettre en forme. Ce qui renvoie à l’éducation de l’individu, à sa consommation de médias, à son expertise, à son métier, etc.
  2. La capacité à prendre la parole. C’est à dire le fait de rendre public le contenu. (je ne suis pas influent si j’ai des avis sur tout mais que je ne les communique pas). A la limite, peu importe ce que l’on raconte, mais on ne peut pas être influent si on n’est pas « vocal » (même si la rareté de la prise de parole peut être une stratégie)
  3. Le fait d’avoir une audience (sur Internet en particulier, on peut tout à fait prendre la parole dans le désert)
  4. Le fait d’être écouté et de bénéficier d’une reconnaissance de la part de tout ou partie de cette audience (qui peut se mesurer par le fait d’être cité, repris, linké…), où l’on touche réellement à la question de l’influence, mais qui n’est pas possible sans les 3 composantes qui précèdent.

(Pour ceux qui aiment ce type de réflexion, voir les travaux très intéressants du Guardian pour démontrer que ses lecteurs sont des influenceurs).


Et dans Twitter ?

Si l’on relit ces critères d’influence par rapport à la logique de Twitter, il y a plein de choses à dire :

-       la capacité à produire du contenu ne se lit pas dans Twitter : si je publie dans Twitter, je suis déjà au deuxième niveau de la pyramide : la prise de parole

-       la capacité à prendre la parole se lit bien dans Twitter : c’est le nombre ou la fréquence des tweets. Mais Twitter pose le problème de la trop grande fréquence de publication chez certains utilisateurs. Est-ce intéressant pour moi qu’un utilisateur avec 10 000 followers publie un lien vers mon blog, s’il tweete 100 fois par jour ?)

-       le fait d’avoir une audience se lit également bien dans Twitter : c’est le nombre de followers. Mais cette audience dépend aussi de la visibilité de mes tweets : c’est à dire de la faculté que ces followers vont avoir à lire mes tweets (et oui : si mes followers ont tous 2000 following hyperactifs, mes tweets ont des chances de passer inaperçus…)

-       le fait d’être écouté et de bénéficier d’une reconnaissance se lit dans Twitter essentiellement grâce aux citations : RT, @fguillot.

Et finalement, fait-on de l’opinion sur Twitter ? En 140 caractères, on émet peu d’avis et on les argumente encore moins. Twitter fonctionne beaucoup comme distributeur d’informations, mais sa logique est-elle celle d’un lieu d’influence ? Au fond, non : le pouvoir de Twitter c’est de me recommander des lectures, et ces lectures vont m’influencer ou non. Mais c’est rarement ce que je lis à l’intérieur de Twitter qui influence mes opinions. Twitter n’est pas un lieu d’influence, mais un outil d’influence.

Cela rejoint aussi le point de Cédric Deniaud : “L’expert ne peut pas être une personne qui seulement lit, relaie et tweet une information”. J’ai envie de remplacer le mot “expert” par “influenceur”.


5 critères plus pertinents et utiles (mais non sans limites)

Donc, en considérant tout ce qui précède et après avoir pas mal retourné la question des indicateurs d’influence dans Twitter dans ma tête, j’en vois 5 principaux, pertinents et utiles :

1. Un indicateur d’audience : le nombre de followers. (renvoie au point 3 de la pyramide de l’influence : l’audience)

Il reste un moyen simple et rapide de se faire une idée de l’audience potentielle d’un compte.

Problème : il peut être manipulé et reste fortement réducteur. Le nombre de followers ne fait pas l’influenceur (mais un petit peu quand même).

2. Un indicateur d’audience : le nombre de followers de mes followers. (renvoie au point 3 de la pyramide de l’influence : l’audience)

Etre suivi par 1000 personnes qui ont chacun 5 followers, c’est a priori moins bien que d’être suivi par 10 personnes qui ont chacune 10 000 followers. Et si possible, il faudrait mesurer le nombre de followers dédupliqués, puisque sur Twitter on tourne beaucoup en rond.

3. Un indicateur de visibilité : le nombre de following de mes followers. (renvoie aux points 2 et 4 de la pyramide de l’influence : la capacité à prendre la parole ET la capacité se faire écouter)

Je le disais plus haut, si je suis suivi uniquement par des utilisateurs qui suivent 1000 comptes, j’ai peu de chances d’être visible dans leur timeline. Moins mes followers ont de following (et moins ces following sont actifs), plus mes tweets sont visibles.

Problème : si mes followers ont des timelines peu actives, c’est probablement qu’ils sont peu actifs eux-mêmes dans Twitter.

4. Un indicateur de réputation : le rapport entre nombre de followings et nombre de followers. (renvoie au point 4 de la pyramide de l’influence : la capacité à se faire écouter)

J’en avais déjà parlé, plus la différence entre followers et followings est importante, plus cela montre que l’on s’intéresse à moi. Quand on voit que Francis Pisani a 2150 followers et 31 followings, cela montre assez bien qu’on s’intéresse à lui : il n’a pas besoin de s’engager dans Twitter pour avoir une audience.

Il est déjà un influenceur en dehors de Twitter, et parce qu’il est un influenceur, ses tweets bénéficient d’une attention sans doute supérieure à la moyenne.

Problème : les utilisateurs qui ont une politique de following très active sont pénalisés dans cette méthode. L’usage que l’on fait de son compte peut « gêner » la lecture de cet indicateur.

5. Un indicateur d’écoute et de reconnaissance : le rapport entre nombre de citations (RT, @) et nombre de tweets. (renvoie au point 4 de la pyramide de l’influence : la capacité à se faire écouter et reconnaître)

Le fait d’être retweeté ou plus exactement cité dans des tweets (@fguillot) reste un bon indicateur de reconnaissance : on parle de moi, donc je compte. C’est le type d’indicateur assez classique dans la mesure d’influence, en quelque sorte l’équivalent du lien entrant pour les sites et les blogs.

Reste à savoir comment le mesurer et plutôt que de regarder un simple nombre de retweets ou de @ (qui peut masquer une hyperactivité peu efficace : si je tweete 100 000 fois et que je suis cité 1000 fois, vous conviendrez que je ne suis pas très influent), il me semblerait très intéressant de voir pour un compte Twitter quel est son ratio « citations » / « nombre de tweets ».

Si on regarde un compte comme @thisissethsblog, qui est dans une pure logique de diffusion (broadcast) avec 0 following, on voit que chaque tweet est retweeté plusieurs dizaines de fois… ce qui témoigne de la grande influence de Seth Godin.

Et mieux : de la même façon que pour les blogs, l’autorité mesure le nombre de blogs différents qui ont mis un lien, l’indicateur que l’on recherche ici devrait mesurer le nombre de citations provenant de comptes différents, rapporté au nombre de tweets. (si je suis très fréquemment cité par 3 utilisateurs, je suis sans doute influent auprès de ces 3 utilisateurs mais pas au-delà).

Variante de cet indicateur : le ratio nombre de followers / nombre de tweets.


Un champ de recherche très vaste… mais pour quel ROI ?

On pourrait voir d’autres indicateurs dans cette « short list » : le nombre de listes auxquelles un compte a été ajouté, voire mieux le nombre de followers des listes auxquelles le compte a été ajouté… mais je m’arrête là car le but de cet exercice est justement de limiter le nombre d’indicateurs qui font réellement sens par rapport à la question de l’influence. Autrement dit, si je devais construire un TweetScore, je le ferais à partir de ces 5 indicateurs.

On peut aussi imaginer un méta-indicateur qui fasse une mise en abîme des données (mon score d’influence serait le résultats des scores d’influence de mes followers…), à la façon des classements en tennis (pour ceux qui connaissent ;-)…

Il y a évidemment beaucoup à explorer, mais se pose tout de même assez fortement la question de l’intérêt à investir dans ce type de recherches : on peut avoir très envie d’automatiser des calculs parce que Twitter donne envie de le faire, mais avoir un score d’influence ne permet pas de lire l’influence réelle d’un compte (mais juste de se faire une idée et de hiérarchiser les utilisateurs entre eux).

Cela restera de toute façon un calcul : très pratique pour les communicants quand on attaque la question du ROI, mais qui ne remplace pas la lecture qualitative des phénomènes d’opinion.

D’autant plus que Twitter n’est pas massivement utilisé : il reste pour beaucoup un outil d’éditeurs (journalistes, blogueurs).

D’autant plus que Twitter ne vit pas indépendamment du reste du web et du système médiatique. Il leur est au contraire très fortement interconnecté et dépend d’eux. La mesure de l’influence dans Twitter seul est passionnante, mais a ses limites. Un pur exercice intellectuel ?

» Article initialement publié sur Internet et Opinion

» Illustration via bendodson sur Flickr

]]>
http://owni.fr/2009/11/29/la-mesure-de-l%e2%80%99influence-sur-twitter-on-refait-le-point/feed/ 6
Qui a gagné la bataille Hadopi ? http://owni.fr/2009/10/27/qui-a-gagne-la-bataille-hadopi/ http://owni.fr/2009/10/27/qui-a-gagne-la-bataille-hadopi/#comments Tue, 27 Oct 2009 11:41:02 +0000 La Quadrature du Net http://owni.fr/?p=4955 Le 22 octobre 2009, Nicolas Sarkozy jubilait dans un communiqué de presse : « Le Président de la République se réjouit de la prochaine entrée en vigueur de la loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet [dite Hadopi 2], après la décision du Conseil Constitutionnel qui en valide le contenu. »1. Alors que quatre mois et demi plus tôt, des couronnes mortuaires célébraient en liesse la mort de la loi Hadopi2, la première mouture de la loi étant jugée anticonstitutionnelle. Comment deux opinions qui se sont affrontées durant près de deux ans peuvent-elle de concert clamer victoire ? Laquelle de ces parties peut de bon droit exulter ? Au final, qui a gagné la bataille Hadopi ? Au moment où est publié un livre retraçant cette bataille3, nous nous proposons de répondre à cette ultime question.

Une victoire législative pour Sarkozy

Pour déterminer le vainqueur de la bataille Hadopi, il convient en premier lieu de bien préciser en quoi a consisté cette bataille. Et tout d’abord, que signifie ce nom « Hadopi » ? Loin d’être le théâtre des opérations où l’affrontement s’est déroulé – Hadopi n’est ni Waterloo, ni Austerlitz4 – cet acronyme désigne avant tout la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet. Une autorité administrative mise en place par la loi n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet. Une loi elle-même communément appelée « Hadopi ». Censurée une première fois par le Conseil constitutionnel, le gouvernement a proposé dans la foulé un nouveau texte, rapidement surnommé « Hadopi 2 ». Le terme « Hadopi » désigne ainsi le corpus législatif promis par le président Sarkozy le soir de son élection à ses amis des industries du divertissement, présents lors du fameux dîner au Fouquet’s.

Couronnées pendant des décennies de succès économiques, les industries du divertissement connaissent effectivement depuis une dizaine d’années une crise telle que leur survie est remise en cause. L’unique responsable de ce constat serait, selon ces industries, l’accroissement exponentiel du partage d’œuvres sans autorisation sur Internet. Si l’on ne vend plus de disques ou de films, c’est la faute au « piratage » ! Et l’ennemi est désigné : le « pirate ». Parvenu au pouvoir, le président Sarkozy promet aussitôt une loi pour éradiquer cet ennemi afin que puissent à nouveau fleurir les profits de ses amis des industries du divertissement.

L’élaboration de la loi ne fut cependant pas sans encombre. Les lois Hadopi reposent en effet sur le rapport rédigé par une mission ad hoc chargée de légitimer les mesures législatives qui allaient être prises : la mission Olivennes, du nom de son président, Denis Olivennes, alors patron d’un des principaux revendeur de produits de divertissement, fut mise en place dès la fin des vacances estivales, le 5 septembre 2007, et son rapport rendu le 23 novembre 2007. Mais alors que l’adoption de la loi était prévue avant l’été, le projet de loi n’est présenté en Conseil des ministres que le 18 juin 2008. Et si son adoption au Sénat se déroule sans encombre – en deux petites séances seulement, les 29 et 30 octobre 2008 – il faut attendre le 11 mars 2009 pour que le projet de loi soit examiné par les députés, le travail parlementaire étant fortement ralenti en raison de l’inflation législative. Les débats houleux en hémicycle, durant lesquels de courageux députés de tous bords martèlent les arguments juridiques et techniques5 qui finissent par laisser la ministre Albanel et le rapporteur Riester à court de toute réponse, ne s’achèvent que le 2 avril 2009.

Premier véritable camouflet, le 9 avril 2009, les députés de la majorité rechignant à venir voter un texte litigieux, le texte issu de la Commission mixte paritaire – CMP, chargée d’harmoniser les divergences entre les votes du Sénat et de l’Assemblée nationale – est rejeté à la surprise générale. Une disposition de la Constitution est alors dépêchée à la rescousse pour que le texte soit représenté au plus tôt aux députés6, sommés cette fois-ci d’avaliser la loi sans l’amender. Ce qui fut finalement fait le 12 mai 2009. Et le texte définitif fut adopté dans la foulée par le Sénat le 13 mai 2009.

Mais la promulgation de la loi Hadopi devait encore attendre. En effet, le texte est soumis à l’examen du Conseil constitutionnel, qui, le 10 juin 2009, censure tout pouvoir de sanction à Hadopi. En moins de quinze jour, un nouveau projet de loi Hadopi 2, confiant les sanctions à l’autorité judiciaire – réduite à sa plus simple expression, nous y reviendrons –, fut donc élaboré en hâte et présenté en Conseil des ministres le 24 juin 2009 par des ministres nommés la veille. Après une adoption rapide au Sénat durant la seule séance du 9 juillet 2009, le texte est envoyé à l’Assemblée en vue d’une adoption avant la trêve parlementaire. Toutefois, craignant de ne pas bénéficier de majorité à la veille des vacances estivales, le gouvernement renvoie le vote final sur la loi Hadopi 2 au 22 septembre 2009.

Cette fois-ci le Conseil constitutionnel a validé la quasi totalité du texte. Les lois Hadopi peuvent enfin être promulguées. En cela, Nicolas Sarkozy peut en effet s’estimer vainqueur. Il a obtenu – dans la douleur et aux forceps – ce qu’il voulait : une loi réprimant le partage d’œuvres sur Internet !

Une défaite juridique pour la riposte graduée

Mais la bataille sur le plan législatif n’est pas le cœur du sujet. L’arsenal législatif n’est qu’une arme privilégiée par le pouvoir exécutif, en tant qu’initiateur des projets de loi. Certes, une loi existe. Encore faut-il que ses dispositions permettent d’atteindre l’objectif auquel la loi était censée répondre. En l’occurrence : les lois Hadopi permettent-elles d’éradiquer – ou tout au moins, endiguer – les échanges d’œuvres sans autorisation sur Internet ? Et les industries du divertissement gagneront-elles un centime de plus avec l’application de ces lois ?

Sans revenir sur les nombreuses raisons de l’inefficacité technique chronique des lois Hadopi7, force est de constater que la détection d’échange d’œuvres sans autorisation sur Internet – une détection automatique que la loi Hadopi a confié à diverses sociétés de perception de droit (SACEM, SACD, etc) et aux organismes de défense professionnelle – est d’ores et déjà jugée obsolète, les moyens d’y échapper étant d’ores et déjà de notoriété publique.

Mais, c’est surtout l’amputation du principe même de la réponse imaginée par la loi, qui condamne Hadopi à demeurer inopérante. En effet, les échange d’œuvres sans autorisation sur Internet sont une pratique de masse. Pour circonscrire cette pratique de masse, la loi Hadopi proposait une réponse reposant sur des sanctions massives : la fameuse « riposte graduée ». Le stade ultime de cette riposte consistait à suspendre jusqu’à un an la connexion Internet des citoyens présumés coupables, qui auraient auparavant été avertis par courriel, puis lettre recommandée, de la menace pesant sur eux. En confiant à une autorité administrative le soin d’appliquer chaque étape de la riposte graduée – y compris la sanction de suspension de l’accès Internet – la loi Hadopi 1 tentait d’endiguer un phénomène de masse en ne s’encombrant d’aucun obstacle.

Mais il n’a pas échappé au Conseil constitutionnel que ce qui était vu comme obstacles à l’application de sanctions massives ne constituait ni plus ni moins que le respect de droits et libertés fondamentaux : séparation des pouvoirs, droit à un procès équitable, droits de la défense, respect du contradictoire, présomption d’innocence et nécessaire arbitrage entre droit d’auteur et liberté d’expression et de communication. Ainsi sa décision du 10 juin 2009 a porté un coup fatal à l’efficacité de la riposte graduée : les sanctions devant être prononcées par un juge, il n’est plus question qu’elles soient massives.

La loi Hadopi 2 tente bien de limiter ces contraintes en réduisant l’intervention du juge à sa portion congrue : recours aux ordonnances pénales et au juge unique, peine complémentaire de suspension de l’accès Internet et contravention pour « négligence caractérisée ». Mais ces artifices de procédure peuvent – et comment imaginer qu’il en soit autrement devant l’absence de preuve des constats établis par la Hadopi ? – être récusés par le juge et en dernier lieu contestés par le prévenu qui peut demander à bénéficier d’un procès en bonne et due forme.

Et, s’il n’a pas voulu infliger à nouveau une censure cinglante à la loi Hadopi 2, le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de rappeler tout au long de sa décision ce rôle central du juge : c’est au juge de décider de la suffisance ou non des éléments de preuves8, de refuser le prononcé d’ordonnances pénales en cas d’incertitude, de prendre en compte toutes les circonstances empêchant éventuellement qu’une peine soit applicable, de décider d’appliquer ou non une peine complémentaire et de contrôler – pour ce qui est des juges du Conseil d’État qui auront à contrôler la légalité des décrets d’application – les éléments pouvant constituer une « négligence caractérisée ».

Enfin la loi Hadopi 2 elle-même souligne le pouvoir d’appréciation du juge, qui « pour prononcer la peine de suspension [de l’accès à Internet] et en déterminer la durée, la juridiction prend en compte les circonstances et la gravité de l’infraction ainsi que la personnalité de son auteur, et notamment l’activité professionnelle ou sociale de celui-ci, ainsi que sa situation socio-économique. La durée de la peine prononcée doit concilier la protection des droits de la propriété intellectuelle et le respect du droit de s’exprimer et de communiquer librement, notamment depuis son domicile ».

Ainsi, devant autant d’obstacles à franchir, l’application de sanctions massives devient illusoire et tout espoir d’efficacité de la riposte graduée s’en trouve neutralisé. Et si l’on considère que « Hadopi » désigne le dispositif destiné à endiguer le partage d’œuvres sans autorisation sur Internet, les opposants à la loi sont donc pleinement justifiés lorsqu’ils célèbrent leur victoire.

Une victoire idéologique des opposants à Hadopi

Qu’une loi promulguée soit en réalité inappliquée – car inapplicable – n’est hélas pas une exception. Il est une autre facette de la bataille dont l’importance semble primordiale – tout au moins pour l’actuel chef de l’État : que l’opinion soit convaincue de la nécessité des mesures instaurées par la loi. Ainsi, Hadopi a constitué – avant tout ? – une bataille idéologique.

La ministre de la culture chargée du projet de loi Hadopi 1 l’avait avoué en hémicycle : « l’important est surtout de créer […] un cadre psychologique qui permettent de juguler le milliard de téléchargements illégaux qui s’effectuent chaque année, essentiellement sur les sites de peer-to-peer ». Et la même ministre de la Culture de l’époque était allée jusqu’à préciser en quoi consistait ce « cadre psychologique » : « J’ai le sentiment que l’on crée, grâce à cette loi, un cadre juridique intéressant, mais aussi un cadre psychologique porteur du message selon lequel les créateurs, les artistes, les cinéastes, les musiciens ont le droit d’être rémunérés pour ce qu’il font. Il est important de dire à tous nos concitoyens, et notamment à tous les jeunes, que, s’il ne leur semble pas très grave de télécharger illégalement tel ou tel morceau de musique, cet acte n’est pas anodin puisqu’il produit des catastrophes en amont dans la profession. ».

Ainsi, le but – fondamental ? – d’Hadopi aurait été de convaincre l’opinion publique du bien-fondé du postulat, émis par les industries du divertissement et avalisé par le président de la République, à l’origine des lois Hadopi : les échanges d’œuvres sans autorisation sur Internet seraient responsables de la crise des industries du divertissement et il serait impératif de lutter contre cette pratique. Sur ce plan, il est assez simple de déterminer qui a remporté et qui a perdu la bataille : il suffit de constater si le message est passé ou non.

Les instruments traditionnels de mesure de l’opinion que sont les sondages n’ont pas été nombreux sur le sujet – peut-être parce que les commanditaires habituels des sondages se situent plus du côté des promoteurs d’Hadopi et que les résultats d’enquête d’opinion auraient été contraires à leurs intérêts ? Cependant les quelques enquêtes ayant mesuré l’impact d’Hadopi sur l’opinion sont sans appel. Ainsi, un sondage pour 01.net réalisé le 3 mars 2009 auprès de 10000 internautes indique notamment qu’à une très large majorité la loi Hadopi est jugée totalement inacceptable, que les avertissements envoyés par courriel n’ont pas d’incidence sur les habitudes de téléchargement, qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place des sanctions pour lutter massivement contre le « téléchargement illégal » et que ce dernier n’est absolument pas la principale cause du déclin du marché du disque9. De même, selon un sondage réalisé par BVA pour BFM et La Tribune, les 12 et 13 juin 2009, auprès d’un échantillon de 1.006 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus10, 60% des Français approuvent la censure de la loi Hadopi 1 par le Conseil constitutionnel.

Il est encore plus révélateur de considérer l’impact médiatique des opinions sur la bataille Hadopi. Alors que les moyens mis en œuvre par Nicolas Sarkozy et son gouvernement pour influencer l’opinion publique étaient conséquents, ce sont les critiques et les doutes sur les lois Hadopi qui ont trouvé le meilleur écho dans la presse. Chaque prise de parole contre Hadopi a été abondamment relayée11. Les divers revers des lois Hadopi — le rejet du texte de la CMP par les députés, la censure du Conseil constitutionnel ou les votes à répétition du Parlement européen d’un amendement condamnant la riposte graduée – ont fait les unes des quotidiens, journaux télévisés et radiophoniques.

À l’inverse, le site de propagande mis en place par le ministère de la Culture a davantage fait parler de lui lorsqu’il a dû être coupé suite à des attaques informatiques12 ou lorsque son principal objet – une pétition de soit-disant 10000 artistes soutenant le projet de loi – a été démonté13. Et la communication officielle du ministère de la Culture s’est surtout illustrée dans la presse ou sur Internet par les railleries sur ses maladresses, par exemple lorsque qu’une dépêche AFP a tenté de décrédibiliser les opposants de la Quadrature du Net en les qualifiant de « cinq gus dans un garage », ou quand la ministre de la Culture a étalé son incompétence technique en évoquant les « pare-feux d’OpenOffice », etc. Alors que les opposants à Hadopi ont multiplié les créations originales en tout genre14 pour soutenir dans le fond et la forme leurs points de vue.

De même, pressentant l’incompatibilité des lois Hadopi avec les engagements communautaires de la France, les industries du divertissement et le président Sarkozy ont tenté d’introduire une légalisation de leurs plans au niveau de l’Union européenne. Bien mal leur en a pris, puisque le Parlement européen a, par cinq fois, affirmé sa ferme opposition à une régulation d’Internet mettant à mal les droits et libertés fondamentaux. Ce que la presse n’a d’ailleurs pas manqué de relayer.

Au-delà, l’échec le plus patent sur le plan idéologique des promoteurs d’Hadopi est sans doute l’émergence dans le débat public de propositions constructives imaginant des financements alternatifs pour les biens culturels en ligne15. Preuve que le message selon lequel les sanctions des lois Hadopi seraient indispensables pour financer la création n’est pas passé.

Bref, la bataille médiatique et idéologique a sans conteste été remportée par les opposants à Hadopi. Et le lancement du livre « La bataille Hadopi » au Fouquet’s le 29 octobre 2009 vient clôturer en pied de nez leur victoire dans cette bataille.

Bilan : un grand perdant, l’État de droit

Ainsi, après analyse, le seul point où les partisans d’Hadopi – et en premier chef, le président Sarkozy – n’ont pas connu de défaite, est d’avoir obtenu une loi – et même deux ! Maigre consolation qui cache le fait que les objectifs initiaux de cette loi ont été neutralisés et que la véritable victoire appartient bel et bien aux opposants.

Il serait cependant réducteur de conclure que les lois Hadopi n’auraient rien changé, ni que la bataille Hadopi n’occasionnerait aucun dommage collatéral. Car ce qui a été mis en lumière durant cette bataille est particulièrement préoccupant quant aux principes fondamentaux de l’État de droit.

On a pu en effet observer durant cette bataille Hadopi que la loi pouvait servir de prétexte à un chef d’État capricieux, dédaigneux de toute opinion contraire. Qu’importe que de telles opinions proviennent des autorités de référence du domaine telles que l’ARCEP et la CNIL ou de représentants des citoyens comme le Parlement européen. Qu’importe si le prix à payer est le sacrifice de principes constitutionnels tels que la séparation des pouvoirs, la liberté d’expression et de communication ou la présomption d’innocence. Le chef de l’État insiste à tout prix pour obtenir l’objet de ses caprices.

Le pire, c’est que ces caprices révèlent en creux une volonté qui est loin d’être innocente : celle d’affaiblir ou d’asservir tout contre-pouvoir à l’omnipotence présidentielle. Pour l’Élysée, l’espace d’expression que constitue Internet doit coûte que coûte être muselé. Le pouvoir législatif doit suivre scrupuleusement les instructions de l’exécutif. L’autorité judiciaire doit être contournée par tous les moyens…

Au final, le risque est grand que la Loi – avec une majuscule et pas seulement les minuscules lois Hadopi – soit décrédibilisée. Certes, il est probable qu’en l’occurrence nul juge n’applique jamais la peine de suspension de l’accès Internet sur la base des accusations de l’Hadopi. Mais que penser lorsque l’on peut, après des siècles de civilisation, réintroduire dans le droit les principes ancestraux du Talion: qui a volé par la main gauche se verra couper la main gauche, qui a « volé »16 par Internet se verra couper Internet ? De même, il est vraisemblable qu’aucune condamnation ne soit prononcée pour contrefaçon ou « négligence caractérisée » par le biais d’ordonnances pénales, puisque celles-ci pourront être contestées par le Parquet, le juge ou le prévenu. Mais comment comprendre qu’on puisse trouver légitime d’appliquer une justice expéditive à tout délit, simplement au vu de l’ampleur quantitative des infractions ?

Ainsi, malgré l’inapplicabilité des lois qui en ont découlé, il faudra retenir de la bataille Hadopi qu’elle aura été le théâtre d’un recul de l’État de droit. Ce recul se poursuivra-t-il jusqu’à la bascule ? Ou parviendra-t-on à inverser le mouvement ? Rendez-vous aux prochaines batailles !


» Article initialement publié sur La Quadrature du Net

]]>
http://owni.fr/2009/10/27/qui-a-gagne-la-bataille-hadopi/feed/ 1