OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le FN se renforce en captant un nouveau vote utile http://owni.fr/2011/03/28/cantonales-le-fn-se-renforce-en-captant-un-nouveau-vote-utile/ http://owni.fr/2011/03/28/cantonales-le-fn-se-renforce-en-captant-un-nouveau-vote-utile/#comments Mon, 28 Mar 2011 13:48:19 +0000 Eric Dupin http://owni.fr/?p=53874 Gare aux erreurs d’interprétation. Confirmant globalement un équilibre droite-gauche favorable à l’opposition dans les départements, le second tour des élections cantonales se caractérise aussi par une nouvelle progression de Front national. Le parti de Marine Le Pen n’est certes parvenu à faire élire que deux conseillers généraux, à Brignoles (Var) et à Carpentras-Nord (Vaucluse). Le sort du suffrage universel demeure cruel pour une formation extrémiste privée d’alliance dans le cadre d’un scrutin majoritaire. Mais un examen des résultats dans les 400 cantons où le FN restait en compétition dimanche montre que ce parti a encore élargi son influence.

Le parti d’extrême droite a recueilli 11,7% des suffrages exprimés au second tour. Mais son score moyen s’élève à 35,1% des voix dans les cantons où il demeurait présent. Il y est passé de quelques 620.000 à 915.000 voix. Autrement dit, le FN a gagné 50% de nouveaux électeurs, d’un tour à l’autre, dans ses zones de force. La stratégie dite du “front républicain” a été boudée par de très nombreux électeurs.

Deux défaites symboliques

Le léger surcroît de participation enregistré dans ces cantons, malgré une abstention toujours massive, semble parfois avoir plutôt profité au FN. En règle générale, l’électorat de l’UMP a voté, dans une proportion notable, pour le candidat d’extrême droite là où il demeurait seul à s’opposer à la gauche. Dans le canton de Perpignan-9 (Pyrénées-Orientales), Louis Aliot, vice-président du Front, est certes battu par le PS avec 46,2% des suffrages exprimés. Mais on relève qu’il gagne quelques 800 voix d’un dimanche à l’autre – le nombre de suffrages qui s’étaient portés au premier tour sur les candidats UMP et divers droite – alors que les votants supplémentaire ne sont que 400.

L’autre défaite symbolique d’un dignitaire du FN confirme l’importance de l’appoint de l’électorat de droite dans son score final. A Montigny-en-Gohelle (Pas-de-Calais), les gains de Steeve Briois sont limités : 44,7% des voix contre 35,9% le 20 mars. Le secrétaire général du parti ne disposait toutefois que de faibles réserves à droite, le candidat de l’UMP n’ayant recueilli que 2,7% des suffrages au premier tour. Il parvient tout de même à conquérir environ 700 électeurs supplémentaires, soit plus que l’accroissement du nombre des votants.

Dans certains cantons, comme celui de Lens-Nord-Est (Pas-de-Calais) ou de Lorris (Loiret), une fraction de l’électorat communiste semble aussi avoir préféré le FN au PS. Là où l’extrême droite restait en lice face à l’UMP, les électeurs de gauche ont contribué à la défaite du FN mais sans enthousiasme excessif. Dans le canton de Nice-11 (Alpes Maritimes), par exemple, le candidat de droite ne recueille que 3.500 des 5.000 voix qui s’étaient portées sur les “partis républicains” au premier tour. A l’inverse, celui du FN engrange 900 voix supplémentaires et bondit de 32,6 à 48,2% des suffrages exprimés.

Misère de l’anti-lepénisme

Au vu de ces chiffres, la focalisation du débat public, la semaine dernière, sur la tactique électorale à adopter face à la poussée du FN a quelque chose de dérisoire. L’électeur contemporain se joue des consignes de vote et la stratégie de diabolisation de la formation lepéniste semble vouée à l’échec. Une enquête Ipsos montre que les Français sont majoritairement convaincus que le FN est un “parti d’extrême droite” (72%) et qu’il est “dangereux pour la démocratie” (57%) mais 54% d’entre eux considèrent simultanément que c’est un “parti utile”.

Cette “utilité” est éclairée par une autre enquête, due à BVA, qui établit qu’une majorité de sondés (52%) voit désormais la formation lepéniste comme “un parti comme les autres” tout en se déclarant en désaccord avec ses propositions. Le FN apparaît, plus que jamais, comme un vecteur de manifestation des préoccupations populaires. Le “vote utile” des électeurs frontistes exprime un message de mécontentement profond où se mêlent questions sociétales (insécurité, immigration) et socio-économiques (rejet du libre-échange et de la mondialisation). Le nouveau discours de Marine Le Pen parvient à conjuguer ces deux thématiques et à rentrer ainsi en résonance avec l’opinion d’une large fraction de la population.

Trois couches électorales

Un succès électorat agrège toujours un public divers. Celui du FN résulte de l’addition de trois couches relativement distinctes. Le parti mariniste a d’abord conservé l’électorat frontiste le plus ancien, celui qui est apparu au milieu des années quatre-vingt. Il s’agissait d’électeurs de droite radicalisés par l’arrivée de la gauche au pouvoir, souvent issus des couches non salariées (petits commerçants, artisans etc.) C’est sur le pourtour méditerranéen que le FN a implanté ses premiers bastions. Il les conserve aujourd’hui.

Dans un deuxième temps, au tournant du millénaire, le parti de Jean-Marie Le Pen s’est enraciné dans la France du Nord-Est souffrant de la désindustrialisation. Il a alors conquis un électorat populaire et ouvrier. Nicolas Sarkozy avait su le séduire en 2007. Profondément déçu par l’absence de résultats du président de la République, ce public est massivement revenu dans le giron du FN.

L’originalité de Marine Le Pen aura été d’ajouter une troisième couche d’influence. Grâce à un discours socio-économique aux accents protestataires décomplexés, le FN a enregistré de spectaculaires poussées dans des zones qui ne lui étaient guère favorables. Sa nouvelle géographie électorale s’étend dans la France de l’Ouest, notamment dans des zones rurales où vivent des couches populaires chassées des villes par le prix de l’immobilier. Le parti d’extrême droite obtient des scores impressionnants dans des départements traditionnellement réputés pour leur modération comme le Loiret où il participait, dimanche, à huit scrutins de ballottage sur vingt.

L’argument moral jeté à la face de ces divers électeurs, ou encore les démonstrations idéologiques, ont peu de chance d’être efficaces. Seules des réponses apportées à leurs préoccupations concrètes par les partis républicains pourront convaincre cette France en crise qu’elle a mieux à faire que de crier sa colère en votant à l’extrême droite.

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Crédits photo: Flickr CC Clémentine Gallot, Nicolas Patte, Kristin Brenemen

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La performance du FN piège les partis républicains http://owni.fr/2011/03/21/elections-cantonales-fn-front-national-piege-partis-republicains/ http://owni.fr/2011/03/21/elections-cantonales-fn-front-national-piege-partis-republicains/#comments Mon, 21 Mar 2011 15:27:37 +0000 Eric Dupin http://owni.fr/?p=52530 Les absents ont toujours tort. La règle vaut aussi en matière électorale. Une majorité de Français appelés dimanche aux urnes pour le premier tour des cantonales a manqué à l’appel. Le taux d’abstention, de 55,6%, a battu tous les records pour ce type de scrutin. Mais saluons aussi le civisme de la petite moitié du corps électoral qui a participé à une compétition négligée par la plupart des médias et privée d’enjeux palpables…

Plutôt que de faire parler des abstentionnistes dont le message est, par définition, assez confus, écoutons donc ces courageux électeurs. Leur vote exprime l’état d’esprit de la partie politiquement la plus mobilisée de la population. Une indication qui n’est pas négligeable à un an de l’élection présidentielle de 2012 où le camp le plus vaillant disposera d’un avantage décisif.

Effondrement de l’UMP

L’identité du principal perdant de ce premier tour ne fait aucun doute. Tout l’art des additions du ministre de l’Intérieur n’y changera rien : le parti présidentiel essuie un échec humiliant. Avec 17,1% des suffrages exprimés, les candidats de l’UMP enregistrent un résultat exceptionnellement faible pour un parti au pouvoir. La chute est d’environ quatre points par rapport au premier tour des cantonales de 2004 . L’électorat populaire l’a quitté. Au total, la droite modérée doit se contenter de 31,9% des voix, ce qui n’a rien de glorieux et augure mal, pour elle, des prochaines échéances.

Le froid verdict des chiffres est également sévère pour le Modem qui ne recueille que 1,2% des suffrages, soit une baisse de trois points par rapport au score de l’UDF d’il y a sept ans. Dans un contexte de très vive hostilité à l’encontre du pouvoir, le résultat du principal parti d’opposition n’est pas non plus très glorieux. Avec 25% des voix, le PS ne retrouve pas, à un point près, son résultat de 2004. La performance n’est pas fameuse pour ce parti d’élus généralement à l’aise dans les élections locales. Mais le Front de gauche s’en tire un peu mieux avec 9% des voix (plus un point).

Les socialistes ont vraisemblablement subi la concurrence de candidats écologistes à l’offensive. Rassemblant 8,3% des suffrages exprimés, ceux-ci progressent de quatre points au regard du scrutin de référence. Mathématiquement, ce sont les écologistes – qui ont pu être portés par le contexte du drame nucléaire japonais – qui apparaissent comme les premiers vainqueurs de ce scrutin. Politiquement, c’est autre chose. Le Front national ne gagne, lui, que trois points mais son score national de 15,2% représente un succès qui ne doit pas être sous-estimé. Soulignons que ce progrès est mesuré par rapport à sa performance aux cantonales de 2004, lorsque le FN était porté par son succès du 21 avril 2002. Aux cantonales de 2008, ce parti n’avait recueilli que 4,8% des voix. C’est dire si le redressement est vigoureux.

Un Front nationalisé

Parti encore mal organisé, le FN n’était présent dimanche que dans 71% des cantons. Son score national est énorme pour une formation totalement dénuée d’implantation cantonale. L’extrême droite ne dispose d’aucun conseiller général sortant. Là où il participait à la compétition, son pourcentage est d’environ 20% des suffrages exprimés. Cela ne signifie pas que son audience nationale est d’un tel niveau dans la mesure c’est généralement dans ses zones de faiblesse que le FN n’avait pas réussi à présenter de candidat.

Ses résultats n’en sont pas moins impressionnants dans des régions qui étaient autrefois des terres de mission pour l’extrême droite. C’est le principal enseignement du scrutin de dimanche. Le vote frontiste s’est désormais largement nationalisé, avec des avancées notables dans une France rurale qui a cessé d’être paysanne pour héberger une large fraction des classes populaires .

Les départements traditionnellement modérés et conservateurs de l’Ouest, naguère rétifs aux séductions lepénistes, accordent ici ou là de beaux résultats au FN. Dans le canton rural d’Allonnes, en Maine-et-Loire, son candidat obtient ainsi 22,7% des voix. Citons encore le canton de Château-la-Vallière en Indre-et-Loire (21,1%) ou celui de Sainte-Mère-l’Eglise dans la Manche (22,3%). En Ile-et-Vilaine, ce parti n’était présent que dans un quart des cantons. Mais dans deux cas sur six, il a réussi à être qualifié pour le second tour.

Le FN retrouve encore des couleurs dans ses bastions un moments perdus. A Vitrolles (Bouches-du-Rhône), son candidat est en ballottage contre celui du PS avec 28,2% des voix. Il est en tête à Nice 10 (Alpes-Maritimes) avec 33,7%. Même position à Calais-centre (Pas-de-Calais) où son score est de 26,9%. Le Front de Marine Le Pen ne retrouve pas l’audience de celui de son père en Seine-Saint-Denis même s’il se redresse là aussi. Mais il cartonne dans la France pavillonnaire de la Seine-et-Marne. Dans le département de Jean-François Copé, le FN devance à la fois l’UMP et le PS. Il enregistre aussi des résultats flatteur dans les régions en proie à la désindustrialisation du nord-est de la France. A Saint-Dizier-Ouest (Haute-Marne), ville en lutte contre le déclin démographique, le candidat frontiste culmine à 38% des voix. C’est toute une partie de la France qui souffre qui regarde aujourd’hui du côté du Front national.

Le dilemme du « front républicain »

Arrivé en tête dans 39 cantons, le FN sera présent au second tour dans pas moins de 399 compétitions. Ces duels insolites, qui opposeront dans la moitié des cas une candidat d’extrême droite à un socialiste, posent de redoutables problèmes à la classe politique.

Pour être parée de vertus morales, la stratégie dite de « front républicain » (appels de la droite ou de la gauche à voter pour son adversaire face au FN) n’est pas sans inconvénients. Elle offre, en effet, à la formation lepéniste un avantage symbolique de poids : celui de pouvoir faire la démonstration qu’il est le seul véritable adversaire de partis de gouvernement finalement complices. L’argument de l’union sacrée anti-fasciste perd quelque peu de sa force de conviction dés lors que Marine Le Pen prend soin d’éviter le dérapages sulfureux de son père et tient un discours qui n’est pas celui de l’extrême droite traditionnelle.

Le refus de l’UMP de choisir la stratégie du « front républicain » ne s’explique toutefois pas principalement par ce type de considérations. Le parti sarkozyste est d’abord soucieux de ne pas se couper d’électeurs frontistes dans la perspective de la prochaine compétition présidentielle. Le président sortant escompte visiblement un bon reports des voix du FN au tour décisif. D’où l’impératif de ne pas braquer cette partie du corps électoral. Les socialistes ne sont pas prisonniers de pareils calculs. Ils ont, à l’inverse, tout intérêt à défendre une ligne qui isolerait la droite de son extrême.

>> Illustrations CC flickr Clementine Gallot ; staffpresi_esj

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