OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Usines à contenus : pas une nouveauté http://owni.fr/2009/12/14/usines-a-contenus-pas-une-nouveaute/ http://owni.fr/2009/12/14/usines-a-contenus-pas-une-nouveaute/#comments Mon, 14 Dec 2009 14:47:42 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=6186 (www.briangetsresults.com)

Tout le monde s’affole et tombe des nues avec cette histoire. Je suis mort de rire, j’avais déjà beaucoup ri en lisant l’article de Wired.

Nous sommes des centaines a avoir gagné notre vie avec des usines à contenus, moi en tête, cela depuis dix ans. Je vous passe Wikio. Une farm-links c’était une usine à contenu simplissime pour coincer Google.

Google a rafiné son algorithme. Des petits malins ont cherché des astuces. Alors que nous créions des contenus avec des robots, ils les font créer par des esclaves humains payés au lance-pierre.

Google n’y voit que du feu. Jusqu’à ce qu’il décide à blacklister ces sites comme il l’a fait avec certaines farm-links historique ou a chasser leurs pages dans les bas-fonds de son index. Tout cela nous prouve simplement que Google perd en pertinence mais que tant qu’il sera dominateur, il faussera l’écosystème du Web puisque des gens chercheront à le baiser. C’est de bonne guerre.

Les usines à contenus ne sont pas une révolution mais une constante depuis qu’on peut gagner de l’argent sur le Web. C’est une martingale… C’est vrai que je la maîtrise plutôt bien… et comme il faudrait que je pense à gagner à nouveau un peu d’argent… pourquoi je reviendrais pas dans le jeu. C’est ça ou vous avez intérêt à acheter mes prochains livres.

PS : Que font les blogueurs qui veulent avoir du trafic ? Ils transforment leur blog en usine à contenus.

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Attali n’a pas compris le flux http://owni.fr/2009/12/03/attali-na-pas-compris-le-flux/ http://owni.fr/2009/12/03/attali-na-pas-compris-le-flux/#comments Thu, 03 Dec 2009 20:04:07 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=5913 natmachamaane20046471-450x337

Mon nouveau livre ayant pris une tournure très nomade, j’ai lu L’Homme nomade d’Attali. Les sept premières parties racontent notre histoire du point de vue des nomades. C’est une collection de dates, de noms de tribu, une longue liste de copier-coller de Wikipedia. Un survol sans profondeur qui a le mérite d’éveiller parfois la curiosité, jamais de l’étancher (tout cela sent le travail de quelques nègres).

Attali a repris l’idée d’une Alternative Nomade de Chatwin sans lui apporter aucun crédit. Je suis même pas sûr qu’il l’ait lu. Il liste en passant, avec d’autres, sans s’arrêter, pressé.

Attali part du constat que nous avons été nomades pour l’essentiel de notre histoire jusqu’à la révolution néolithique il y a 10 000 ans. Nous serions à nouveau en train de redevenir nomade. L’état sédentaire n’aurait été qu’un épiphénomène. C’est ni plus ni moins que la thèse que Chatwin a formulée pour la première fois en 1969.

Dans les deux dernières parties, Attali prend enfin la parole et tombe dans son travers habituel : « Il semble aujourd’hui possible de discerner l’avenir le plus lointain sans rien connaître du détail des prochains évènements. » Noter la façon adroite de retomber sur ses pieds pour ne pas être pris en faute flagrante.

J’ai déjà souvent dit combien je trouvais cette rhétorique malhonnête. Jouer à prévoir l’avenir pourquoi pas mais annoncer que c’est une science, c’est insupportable, une façon de berner les imbéciles. En plus ça fait vendre parce que les gens attendent des oracles.

Je suis un popperien. Est scientifique une théorie falsifiable. Les prévisions d’Attali ne le sont pas car il faut attendre l’avenir, toujours situé loin, pour savoir s’il aura raison. Nous ne pouvons nous-mêmes les falsifier et, le jour où ce sera possible, Attali ne sera plus là. Tout le monde s’en fichera. En conséquence, Attali abuse de la technique.

On ne peut prévoir que les évolutions linéaires, celles qui reviennent à prolonger les courbes existantes. Mais face à des bouleversements historiques cette méthode est vaine. Ainsi dans ce livre de 2003 Attali passe à côté de la crise du capitalisme. Il croit que les entreprises dépasseront les États, se déferont d’eux. C’est tout le contraire qui s’est produit avec les banques en 2008 et ça recommencera (est-ce un détail ?).

Attali imagine la fusion des sédentaires et des nomades, il parle de transhumains. Moi je crois que nous basculons déjà dans un état qui intègre et transcende le sédentarisme et le nomadisme. C’est le « transcende » qui est important. Quelle est la nouveauté radicale, celle qui provoque la rupture, celle qui équivaut à la sédentarisation à l’époque néolithique ? Le flux. Le fait que l’information soit en train de devenir liquide.

Attali nous décrit un monde où le flux n’existe pas. Il évoque bien le nomadisme virtuel grâce à Internet mais il ne voit pas que nous avons inventé un nouveau territoire où nous nomadiser, un territoire qui pour nous n’a rien de virtuel. Ce texte est-il virtuel ? Êtes-vous virtuels ?

Pour Attali, l’argent, la foi et la liberté sont les valeurs des nomades. Le sédentaire aurait le sens du long terme et de la nature. N’est-ce pas plutôt le contraire ? La plupart des nomades justement ont souvent attaché beaucoup d’importance à préserver la terre. Attali dit encore que l’éducation, la santé et la protection de l’identité sont le propre du sédentaire. Douteux, contestable, faux.

La liberté vaut pour le nomadisme dans le flux mais l’argent et la foi, je ne vois guère. En même temps, par instant, Attali dit des choses pas absurdes : « […] chacun puisera, pour se construire, une morale personnelle, tout en reconnaissant aux autres le droit d’en faire autant. Sa culture, sa profondeur philosophique, sa morale participeront ainsi à la diversité des éthiques à venir. » Ni plus ni moins que le relativisme prôné par les postmodernes durant les années 1990. Mais pourquoi écrire au futur ?

Attali reste englué dans la démocratie contemporaine comme si elle ne pouvait pas évoluer. Il pense trop à l’Amérique, à la Chine, à l’Islam… comme si à force de lire la presse il ne pensait plus qu’à ce dont parle la presse. À le lire, j’ai l’impression que nous aurions atteint cette fin de l’histoire théorisée par Fukuyama. À force de lister les invasions nomades, Attali croit que c’est de l’extérieur que vient toujours le changement. Il oublie la possibilité de l’insurrection. Je crois ainsi que c’est de l’intérieur que le changement actuel arrive (et je ne parle pas au futur). Les sédentaires se nomadisent. Ils changent de terrain de jeu et de règles de jeu en passant au flux (le flux est-il un détail ?).

» Article initialement publié sur Le Peuple des connecteurs

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Les intégristes de la transparence http://owni.fr/2009/11/09/les-integristes-de-la-transparence/ http://owni.fr/2009/11/09/les-integristes-de-la-transparence/#comments Mon, 09 Nov 2009 17:48:43 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=5335 linternaute.com/nature-animaux/geologie/photo/le-perito-moreno/image/transparence-409227.jpg

Beaucoup de voix s’élèvent pour exiger la totale transparence des données gouvernementales. Je me suis souvent positionné dans le camp de ces intégristes de la transparence avant d’aboutir à une position plus nuancée.

J’ai déjà insisté sur le fait que la transparence totale pour un individu, une entreprise, ou même une communauté open source, n’était pas la panacée, du moins dans une première phase. La transparence totale, c’est-à-dire immédiate, implique la dissolution des données dans l’espace informationnel. Dans certains cas, il faut laisser les choses mûrir avant de les exposer à la critique générale. C’est vrai pour tous les citoyens, élus ou pas.

Cette obscurité qui favorise les mutations créatrices peut favoriser des mutations pernicieuses. Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. En tant qu’auteur, je veux pouvoir travailler mes textes un minimum dans le secret. Je peux m’amuser à tout écrire en direct sur Wave ou sur Twitter comme avec Croisade mais cela reste une expérience. Je n’envisage pas d’avoir une webcam au-dessus de mon clavier en permanence (surtout avec mes horribles fautes d’orthographes).

Donc imaginons qu’un cinquième pouvoir s’installe, qu’ils prennent de l’importance, un pouvoir fait d’individus… il ne pourra pas être totalement transparent car chacun des individus ne pourra pas l’être sous peine de se banaliser. Alors exiger la totale transparence d’un gouvernement centralisé me paraît déplacé, et même utopique. Il suffit de voir Obama qui ouvre d’un côté, s’apprête à verrouiller de l’autre.

Nous devons avoir un droit à la transparence. Par exemple, quand je donne de l’argent à une banque, je dois pouvoir exiger qu’elle me dise exactement ce qu’elle fait de mon argent. Ce serait pas mal de commencer par un tel droit. Mais nous ne pouvons décemment pas vivre dans un monde totalement transparent. Car où commencer la transparence, où la terminer ? Nous nous trouvons dans la fameuse situation du curseur difficile à positionner.

Lorsque tout tend à passer du côté du visible, comme c’est le cas dans notre univers [La sexualité par exemple], que deviennent les choses jadis secrètes ? se demande Baudrillard. Elles deviennent occultes, clandestines, maléfiques : ce qui était simple secret, c’est-à-dire donné à s’échanger dans le secret, devient le mal et doit être aboli, exterminé.

La prohibition du secret ne peut qu’augmenter le nombre de secrets. Sous prétexte de tout montrer, on risque de cacher des choses plus obscures et, pour avoir des choses à cacher, il faudra commettre des actes eux-mêmes peu avouables.

Ce serait la transparence elle-même qui serait le Mal – la perte de tout secret, continue Baudrillard. Tout comme, dans le « crime parfait », c’est la perfection elle-même qui est criminelle.

Il faut donc jouer de la lumière et de la pénombre. Lawrence Lessig attire l’attention vers les dangers de la transparence. Je ne suis pas d’accord avec lui quand il insinue que trop données tue les données et risque d’induire des interprétations douteuses. Je pense que si on nous donne des données, nous apprendrons à les lire. Je ne doute pas de notre intelligence collective, je ne crois pas les experts plus intelligents que les foules.

En revanche, j’imagine bien la situation où dans une ville nous connaissons exactement les chiffres de la criminalité rue par rue, immeuble par immeuble. J’imagine comment les prix de l’immobilier pourraient varier. Comment les zones à risques se transformeraient en ghetto et deviendraient de plus en plus dangereuses. Certaines connaissances peuvent nous faire plus de mal que de bien. Voulez-vous connaître l’heure de votre mort ?

La technologie permet la transparence ce n’est pas une raison suffisante pour tout rendre transparent. Nous avons le droit au secret. Et si nous avons ce droit individuellement, nous ne pouvons faire autrement que de garantir aussi le secret des entités collectives. Cela signifie que nous devons décider des données à rendre transparentes, de celles qu’il est préférable de garder secrètes, tout au moins dans l’instantanéité. A posteriori les secrets ont peu d’intérêt.

Notes

  1. Je n’ai jamais fondé le cinquième pouvoir sur la transparence mais sur notre capacité à décentraliser les pouvoirs. Nous n’avons rien à demander au pouvoir existant, pas même la transparence.
  2. La technologie peut nous apporter le pire comme le meilleur. Nous devons nous battre pour le meilleur tout en évitant le pire.


» Article initialement publié sur Le peuple des connecteurs

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De la civilisation de l’écrit à la civilisation du flux http://owni.fr/2009/10/26/de-la-civilisation-de-l%e2%80%99ecrit-a-la-civilisation-du-flux/ http://owni.fr/2009/10/26/de-la-civilisation-de-l%e2%80%99ecrit-a-la-civilisation-du-flux/#comments Mon, 26 Oct 2009 17:06:37 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=4946 Le Flux

Je commencerai mon prochain livre par quelques définitions comme j’ai pris l’habitude de le faire depuis Le peuple des connecteurs. Suite à vos commentaires, exigeant plus de rigueur, je me propose de définir le plus brièvement possible ce que j’entends par Mythe, Histoire, Flux, Propulseur… Ces définitions sont en chantier et je les modifierai au besoin (et suite à vos réactions). Je complète la définition commune par celle que j’utiliserai ici et dans le livre.

Mythologie 1. Ensemble des mythes et des légendes propres à un peuple, une religion, une civilisation… 2. Étude des mythes. 3. Ensemble des croyances se rapportant à la même idée et s’imposant au sein d’une société : le mythe de la mode décrit par Roland Barthes. Par extension (avec une majuscule) : partie de la vie de l’humanité où les informations se transmettaient principalement par la parole.

Histoire 1. Partie de la vie de l’humanité connue par des documents (écrits, sonores, visuels…). 2. Suite des évènements qui ont marqué une période (pour l’École des Annales tous les évènements sont importants mêmes ceux a priori anecdotiques). 3. Science qui étudie le passé de l’humanité. Par extension (avec une majuscule) : partie de la vie de l’humanité, située après la Mythologie, où l’information se transmet par la parole mais aussi par des documents.

Flux (1306 ; du latin fluxus qui signifie écoulement). 1. Écoulement d’un liquide quelconque hors de son réservoir habituel. 2. Marée montante. 3. Le flux impétueux de la foule. 4. Flux lumineux : quantité de lumière émise par une source lumineuse dans un temps déterminé. Par extension : écoulement de l’information ainsi que l’information elle-même qui évolue en temps réel. Exemple : sur un blog, les commentaires ne cessent d’enrichir le texte initial, notamment quand l’auteur participe à la conversation.

Flux (avec une majuscule). Partie de la vie de l’humanité, située après l’Histoire, où l’information se transmet par la parole, des documents statiques et des documents qui évoluent en temps réels.

PROPULSEUR Qui transmet le mouvement. (1846) Engin de propulsion assurant le déplacement d’un bateau, d’un avion, d’un engin spatial. Par extension : celui qui crée le flux d’information, le met en mouvement, le filtre, le redirige, l’enrichit, le fusionne à d’autres flux… Exemples : commentateur, écrivain, journaliste, éditeur, blogueur, microblogueur, artiste, philosophe, scientifique… tous ceux qui ont quelque chose à dire ou à partager, une grande idée comme un sourire.

L’écrit est à l’Histoire ce que le flux est à la nouvelle époque. Parler d’époque peut d’ailleurs être trompeur. Comme la Mythologie se continua dans l’Histoire, la Mythologie et l’Histoire se continuent dans le Flux (j’espère que mon graphique le fait bien comprendre). De nouvelles possibilités s’ajoutent qui ne font pas disparaître les anciennes.

Quand je propose de sous-titrer mon livre « De la civilisation de l’écrit à la civilisation du flux », je n’oppose pas le flux à l’écrit, encore moins à la parole. Je cherche juste à définir une civilisation par ce qu’elle montre de nouveau. Ainsi durant l’Histoire, même si l’écrit était bien présent, pendant très longtemps les hommes furent illettrés. La Mythologie était toujours là et elle sera toujours là. On ne l’oublie pas en chemin comme on n’oubliera pas en chemin l’écrit.

Par Histoire, je ne parle donc pas de cette science que font les historiens mais d’une « époque ». Je sais bien que les historiens ont cessé de voir le passé comme quelque chose de figé et que, pour eux, il n’est plus gravé dans le marbre. Qu’il faut sans cesse le réécrire en fonction des documents disponibles et des nouvelles analyses effectuées. Dans le Cinquième pouvoir, j’ai consacré un chapitre à ce sujet en discutant de la bataille de Borodino.

L’idée que le passé n’est pas figé dans le marbre remonte notamment à Darwin et aux tenants de la théorie de l’évolution. Le passé a beau s’être déroulé d’une façon donnée cette façon ne nous sera jamais complètement connue. Cette incertitude implique la nécessité de sans cesse revoir sa copie.

Pour ma part, je m’intéresse au temps présent, au temps vécu. Ce n’est pas parce qu’un historien réécrit l’histoire, qu’il lui attribue un caractère liquide, que les hommes qui vécurent dans le passé expérimentèrent le flux (franchement je ne vois pas le rapport). Le flux ne s’éprouve qu’avec le temps réel offert par les nouvelles technologies (c’est la parole et la pensée qui se fixent sans se solidifier).

Il y a l’acte de parler, l’acte d’écrire, l’acte de propulser… c’est de ce troisième acte que nait le flux en renouvellement continu. Écrire correspond à propulser. Si je voulais être rigoureux je devrais dire « De la civilisation de l’écrit à la civilisation de la propulsion ». Ça ne sonne pas bien il me semble.

» L’article original et la conversation qui s’ensuit sur Le Peuple des Connecteurs

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Scoop : Libération en faillite http://owni.fr/2009/10/02/scoop-liberation-en-faillite/ http://owni.fr/2009/10/02/scoop-liberation-en-faillite/#comments Fri, 02 Oct 2009 13:34:36 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=4139 Libération

Vous vous étonnez de perdre sans cesse plus de lecteurs. Vous êtes vraiment surpris ? Mais relisez-vos articles. Pour vous sauver de la banqueroute, vous êtes prêts à diffuser n’importe qu’elle idée qui vous conforte dans l’ancien monde. Plutôt que de vous adapter au nouveau paradigme, vous tentez d’en détourner vos lecteurs pris en otages. Est-ce la bonne stratégie ?

Honte à moi, j’ai lu un de vos articles en ligne : Comment Google contribue au rétrécissement du savoir. L’auteur, Thierry Klein, énonce une théorie surréaliste. Voulant nous persuader que peu de gens cherchent sur le net, il réussit juste à nous démontrer qu’il ne sait pas lui-même chercher (ou qu’il a peur de chercher ce qui le contredirait).

Le savoir disponible, c’est la quantité moyenne de savoir à laquelle un internaute accède réellement – et non pas potentiellement – au cours d’une session, d’une journée, d’une vie, multipliée par le nombre d’internautes. Or cette quantité de savoir réellement disponible, qui n’a d’ailleurs jamais été très élevée sur le Web, diminue structurellement de jour en jour, Google étant l’acteur majeur, bien que probablement involontaire, de ce rétrécissement.

Cette argumentation se base sur quels chiffres ? Vu que le nombre d’internautes ne cesse d’augmenter, que le trafic internet ne cesse de s’accroître, il est déjà facile de montrer que Klein se trompe même si éventuellement la quantité d’information remontée par tête est susceptible de baisser mais notre auteur est silencieux quant aux faits.

Il mélange tout, le programme AdWords de Google avec les résultats des requêtes. Google tente d’afficher les publicités la mieux adaptées aux requêtes tout comme les sites les mieux adaptés. À ma connaissance, personne n’a jamais montré que Google trichait, c’est-à-dire affichait des résultats sans intérêt pour pousser à cliquer sur les publicités intéressantes. Au contraire, dans de nombreux cas, il a puni ceux qui ont joué à fausser les résultats pour glisser leurs sites vers le haut (mea-culpa, j’ai jadis joué à ce petit jeu).

Si Google, faisait baisser la pertinence de son moteur pour augmenter la rentabilité des publicités, il se ferait tout de suite dénoncer par les spécialistes du référencement. D’autre part, les moteurs concurrents se frotteraient les mains et récupèreraient une bonne part de marché. Google n’a aucun intérêt à jouer au chat et à la souris. Il remonte la meilleure réponse possible, pas nécessairement commerciale.

Maintenant bien sûr les référenceurs tentent de placer en bonne position leurs clients mais le jeu devient de plus en plus difficile. Google est de plus en plus vigilent à ce sujet, justement (il y a longtemps que je ne connais plus la martingale miracle).

Si vous cherchez un hôtel, Google est encore un sacré capharnaüm. Mais dès que vous cherchez des informations non commerciales, les sites de contenus arrivent en tête, souvent Wikipedia d’ailleurs.

Google vous incite, en moyenne, à aller vers les pages les plus intéressantes pour les annonceurs, qui sont sa source de revenu.

Oui pour AdWord mais comment oser dire ça pour le reste ? Des tonnes de blogueurs jouent à ce petit jeu mesquin de lancer des accusations creuses. Mais Libération ne devrait-il pas nous offrir mieux ? Pourquoi laisser un auteur énoncer ses vérités sans qu’il fournisse la moindre preuve ?

Prenez un étudiant ou un chercheur. En théorie, il lui suffit d’avoir accès à Internet pour avoir accès à toute la bibliographie dans son domaine. En réalité, s’il va sur Internet, il rentre dans une entreprise de distraction, au sens premier du terme, qui est celui de détournement. Au bout de quelques minutes, il a toutes les chances de se retrouver à faire autre chose que de la recherche (lire la Bourse, les résultats sportifs, tchater sur MSN…). Cette distraction permanente est à comparer à son comportement en bibliothèque, isolé, sans rien pouvoir faire d’autre, dans une cellule avec ses quelques livres – l’avantage de la bibliothèque physique sur Google : l’absence de distraction. […] Même les plus optimistes sont conscients qu’Internet est avant tout une source de distraction et de temps perdu – et toutes les entreprises qui ont étudié le comportement sur Internet de leurs employés le savent.

Encore une fois sur quelles études se base l’auteur ? J’ai lu des dizaines d’études qui montraient justement le contraire, que l’attention se transformait, que les plus jeunes étaient capables de suivre plusieurs flux simultanément. J’ai même pas le courage d’aller les rechercher, ça en vaut pas la peine. C’est la méthode soutenue par Libération que je conteste.

Publions-nous moins de livres ? Non. Publions-nous moins de papiers scientifiques ? Non. Publions-nous moins de brevets ? Non. Nos technologies et nos connaissances se développent à un rythme exponentiel comme l’a montré Ray Kurzweil. Plutôt que freiner ce déploiement, Internet a plutôt tendance à l’accompagner (sans Internet pas de décodage du génome, pas de suivi des pandémies en temps réel…).

Une page qui contient de la publicité sur Internet est « probablement » peu intéressante – l’éditeur du site de ces pages n’a pas pour objectif d’augmenter votre connaissance, mais de vous faire cliquer sur un lien sponsorisé.

J’ai compris. Tout s’explique. C’est donc exactement ce que fait Libération, sur la page même où je lis cet article minable. Il y a partout des publicités et je comprends en fait que cet article n’avait d’autre but que de me faire cliquer. Tous les moyens sont bons. Même publier des insanités.

Mais cet article a-t-il été publié en 2009 ? Je me trompe non ? C’est pas 1999 ? J’ai l’impression que Libération nous a sorti un épouvantail du placard. Je crois qu’il n’a pas du souvent utiliser Google d’ailleurs. Il aurait remarqué que le moteur ne nous envoie pas souvent vers Facebook. Ces fameux gros sites 2.0 que l’auteur évoque ont pour vertu de générer eux-mêmes leur audience. Ils n’ont pas besoin de Google pour vivre contrairement à Libération.

Merci. Ne nous donnez plus jamais de leçon. Ne parlez plus jamais du web. Je vais pas dire que j’attendais mieux de vous mais tout de même. Tout le monde à le droit de penser ce qu’il veut… mais un minimum de rigueur s’impose non ? Aller, je gardais la meilleure pour la fin. Sans commentaire.

Né il y a cent ans, le cinéma qui promettait d’être le nouveau moyen d’expression culturel (sans même parler du cinéma en tant que nouvelle forme artistique) a aujourd’hui presque totalement disparu. Il est devenu un des principaux vecteurs de l’abêtissement général. Internet : le début d’une nouvelle illusion.

PS : J’ai bien sûr remarqué que l’auteur n’est pas journaliste. Mais quelle importance ? Libération l’a tout de même publié. Je me moque du statut de l’auteur. Nous sommes tous des hommes.


> Article initialement publié sur le Peuple des Connecteurs

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