OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’anthropologie, une science? http://owni.fr/2011/01/10/l-anthropologie-une-science/ http://owni.fr/2011/01/10/l-anthropologie-une-science/#comments Mon, 10 Jan 2011 15:50:25 +0000 Daniel Lende (trad. Hicham Sabir) http://owni.fr/?p=33727 Depuis la première publication de cet article, l’Association Américaine d’Anthropologie a publié une nouvelle déclaration « Qu’est-ce que l’anthropologie ?» qui contient les lignes suivantes : « Pour comprendre l’étendue et la complexité des cultures à travers l’histoire humaine, l’anthropologie s’appuie aussi bien sur les sciences sociales et la biologie que sur les sciences humaines et physiques ».

L’AAA a aussi publié le texte AAA Répond à la Controverse au Sujet de la Science dans l’Anthropologie: « Certains media, notamment un article dans le New York Times, a présenté l’anthropologie comme divisée entre ceux qui la considèrent comme une science et les autres, et ont donné l’impression que le conseil d’administration de l’Association Américaine d’Anthropologie estime que la science n’a plus sa place dans l’anthropologie. Au contraire, le conseil d’administration reconnait le rôle crucial que jouent les méthodes scientifiques dans beaucoup de recherches anthropologiques. Pour clarifier cette position, le conseil a publié le document Qu’est-ce que l’Anthropologie? qui a été validé lors de la réunion annuelle de l’AAA le mois dernier, en même temps que le nouveau plan d’action à long terme ».

Nous pensons néanmoins que ce débat est intéressant à suivre.

Titre original : Anthropology, Science, and the AAA Long-Range Plan: What Really Happened

Nicolas Wade a récemment publié un article controversé dans le New York Times « L’Anthropologie est-elle une Science? La Déclaration Creuse le Fossé », en réponse à la décision de l’Association Américaine d’Anthropologie (AAA) de supprimer le terme « science » de son plan d’action à long terme.

Cette décision a réveillé de vieilles tensions entre d’une part les chercheurs des disciplines anthropologiques scientifiques s’appuyant sur des sciences telle que l’archéologie, l’anthropologie physique ou l’anthropologie culturelle et d’autre part les membres de la profession qui étudient les races, l’ethnicité et les genres et qui se considèrent comme les défenseurs des autochtones et des droits de l’homme.

J’ai déjà abordé cette controverse dans mon article « L’Anthropologie et la Science selon l’Opinion Publique », dans lequel j’avais présenté les dernières réactions en date, notamment celles visant l’article de Wade. On y trouvera mes arguments concernant les changements dans le plan à long terme de l’AAA ainsi que les différentes interprétations données par les anthropologues. Aujourd’hui je cherche à défendre l’anthropologie en présentant la controverse d’une façon plus précise que ne l’a fait l’article de Wade.

Pourquoi la controverse a-t-elle éclaté? Un processus interne devenu public.

Nicholas Wade décrit la scission en se basant sur « la lutte interne qui a éclaté après que le groupe le plus actif politiquement ait attaqué le travail réalisé par Napoleon Chagnon, un anthropologue scientifique, et James Neel, spécialisé en médecine génétique, sur le peuple Yanomamo du Vénézuéla et du Brésil ».

Ceci est une interprétation biaisée de ce qui s’est réellement passé : Les questions qui ont lancé le débat sont plus mondaines et d’avantage liées au statut actuel de l’anthropologie que de simples « luttes tribales ». En effet, dans les quelques cinquante réactions qui ont suivi la décision de l’AAA, la controverse d’El Dorado n’apparait que comme une anecdote de second plan.

L’explosion qui a suivi l’abandon du mot “science” a démarré en deux temps:

1) un nouveau document interne a été rendu public

2) les réactions sur Internet ont alimenté une controverse plus large en focalisant l’attention sur les implications possibles du document.

Si je comprends bien, c’est la direction de l’Association Américaine d’Anthropologie qui a décidé la mise à jour de son plan à long terme, dont la dernière modification remonte à 1983. Comme les dirigeants de l’AAA l’ont écrit dans le rapport officiel de planification (après que la controverse ait été lancée) : « Notre plan à long terme devait être mis à jour afin de répondre à l’évolution de la profession et aux besoins des membres de l’AAA. Lors de la réunion du 20 novembre à la Nouvelle-Orléans, le Directoire a précisé, concrétisé et élargi ses objectifs opérationnels afin d’optimiser l’utilisation des ressources de l’association. Les directions des différents départements avaient été consultés avant le rassemblement de la Nouvelle-Orléans et le Directoire a statué en se basant sur leurs recommandations ».

Pour résumer, une commission de planification à long-terme a travaillé sur la révision du plan d’ensemble. Le nouveau plan a ensuite été envoyé aux chefs de sections (les différents sous-organismes au sein de l’AAA) sous forme de note interne. A partir de là, les choses sont moins claires. J’ai entendu dire que toutes les sections n’avaient pas reçu le nouveau document. Je n’ai pas non plus eu vent de réactions de la part des chefs de sections concernant le planning à long terme, avant que l’AAA n’en parle (Voir ce document pour plus d’information). Dans tous les cas, les chefs de sections ont été consultés, et la commission de planification à long terme a ensuite présenté le document revu au Conseil d’Administration pendant la réunion de l’AAA. En considérant que le processus interne avait été correctement suivi, le Conseil d’Administration a adopté par vote les modifications du plan à long terme.

Les changements introduits dans le plan à long terme de l’AAA étaient censées rester internes à l’association. La seule lettre d’information sur le sujet fut un e-mail envoyé par le président de la « Société des Sciences Anthropologiques » à ses propres membres ainsi qu’à ceux de l’AAA qui protestaient contre la suppression de toute mention aux « sciences » et qui craignaient que cette suppression n’entraine la perte de certains appuis dont joui l’AAA. Ce courriel a été envoyé mardi 23 novembre, soit deux jours après la fin de la réunion de l’AAA à la Nouvelle-Orléans.

Le 30 novembre, Inside High Ed publiait un article intitulé « L’anthropologie sans science ». Bien que l’article de Peter Wood dans « The Chronicle of Higher Education » soit paru la veille, en même temps que l’article « Les anthropologues se demandent si la science fait partie de leur mission », cet article de l’Inside Higher Ed est ce qui a vraiment amené la discussion sur la scène publique. La diffusion de l’article sur Twitter par Barbara King, puis sa reprise par de nombreux internautes a fait exploser le débat et vu apparaitre le label #aaafail. C’est aussi à cet article qu’a réagit la direction de l’AAA dans sa déclaration publique au sujet de la controverse.

Pourquoi cet article de l’Inside Higher Ed a-t-il lancé la controverse ? En grande partie parce qu’il cherchait à montrer que les changements mis en place trahissaient une crispation au sein du milieu anthropologiste, et qu’il a ensuite utilisé deux billets pour donner l’image d’une énorme opposition interne.

Certains anthropologues soutiennent aussi en privé que cet incident n’est que le dernier d’une longue série d’exclusions ressenties au sein d’une discipline très hétérogène. Plus généralement, le conflit a révélé à quel point le terrain d’entente est étroit entre des anthropologues qui couvrent un large éventail de sous-spécialités.

Le journaliste Dan Berrett a ensuite utilisé un billet d’Alice Dreger datant du 25 novembre et posté sur le réseau Psychology Today (Pas de science s’il vous plait, nous sommes anthropologues) pour présenter le camp scientifique. Son texte présente « une distinction entre un type farfelu d’anthropologues culturels qui pensent que la science n’est qu’un autre outil de la connaissance et ceux qui prêtent plus attention aux données concrètes, et les suivent là où elles conduisent. »

Barett a ensuite utilisé le billet du 26 novembre de Recycled Mind Views intitulé ANThill : L’anthropologie comme science pour insister sur l’opposition présentée par Dreger. Le texte « défendait l’idée selon laquelle l’utilisation du terme ‘Science’ dans l’énoncé de la mission de l’association était problématique car il renforçait ‘l’état d’esprit conquérant, hautain et privilégié qui continue de miner la discipline’. »

Enjoy Coast Salish - UBC Museum of Anthropology

Opposition? Non ! Un Domaine qui va de l’avant.

L’article de Wade dans le NY Times s’inspire largement de cette série d’oppositions.

Dr. Peregrine a declaré dans une interview que l’abandon de toute référence à la science ne faisait qu’exacerber les tensions entre les deux camps… Il a attribué ce qu’il considère comme une attaque contre la science à deux courants au sein de l’anthropologie : Le premier est celui des anthropologistes dits ‘sceptiques’, qui voient en la discipline une arme de colonisation et donc comme quelque chose qu’il faudrait supprimer. Le second est celui des critiques postmodernistes de l’autorité des sciences. « Ceci ce rapproche fortement du créationnisme par le rejet des arguments rationnels et de la raison. »

Est-ce que ceci est vrai? Non. Considérer l’anthropologie comme faisant partie du colonialisme est de l’histoire ancienne (c’est comme ça que le domaine est né, mais l’histoire a eu une influence négative dont les anthropologues se sont libérés à grands frais). D’un autre coté, les critiques postmodernistes nous ont permis de comprendre les limites de la science et de mieux comprendre comment elle se joue du discours publique et des idéologies, en assimilant par exemple le mouvement universitaire postmoderniste au créationnisme.

Pour reprendre les mots de Lance Gravlee sur Twitter : « Laissez Nicholas Wade opposer les disciplines anthropologiques fondée sur les sciences dures et celles fondées sur l’étude des races». C’est précisément le mélange de science et d’idées critiques sur les races qui a été au centre du travail des anthropologistes depuis Franz Boas ; et c’est en conformité avec cette vision que l’AAA a récemment développé un important projet publique intitulé Races : sommes-nous si différents ?

Depuis cet article de l’Inside Higher Ed, je vois la controverse comme allant dans ce sens : Les anthropologues qui font partie de l’AAA ont lancé sur la toile un débat riche et productif sur la science et notre vision de l’anthropologie. Des gens extérieurs à l’organisation et à la discipline continuent de la présenter comme divisée et déchirée par des ‘lutes tribales’ et font les gros titres d’informations erronées prétendant que les ‘anthropologistes rejettent la science’.

Je n’ai malheureusement pas le temps de démontrer ce point en détail aujourd’hui. Je prendrai simplement pour preuve le dernier commentaire par Catherine Lutz (qui est sans aucun doute une anthropologue critique) sur l’article de l’Inside Higher Ed. Le 8 décembre elle écrivait :

« La plupart des départements d’anthropologie sont heureux de travailler ensemble au quotidien en impliquant un large panel de collaborateurs avec une approche plus humaniste ou plus scientifique. Ils font tous preuve de la plus grande rigueur et ne dénigrent pas leurs collègues, qu’ils soient spécialistes en biochimie ou en littérature française, malgré leur incompréhension des mondes qu’ils choisissent d’étudier… »

Avec un peu de chance, ceux qui parcourent ces commentaires en cherchant à se faire une image de ‘comment la plupart des anthropologues pensent’ ne cofonderont pas la vision souvent polémique et coléreuse publiée ici, avec l’esprit collégial et coopératif de l’anthropologie dans son ensemble.

A lire aussi :

J’explique dans le billet Anthropologie après la controverse sur la science : Nous allons de l’avant que les anthropologues cherchent à cerner tous les aspects de la controverse, aussi bien scientifiques que culturels.

>> Article initialement publié sur Neuroanthropology et traduit de l’Anglais par Hicham Sabir

>> Illustrations FlickR CC : runningafterantelope, Tim in Sydney

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La Russie, une ennemie d’Internet ? http://owni.fr/2010/03/28/la-russie-une-ennemie-dinternet/ http://owni.fr/2010/03/28/la-russie-une-ennemie-dinternet/#comments Sun, 28 Mar 2010 10:59:54 +0000 Gregory Asmolov (traduction Suzanne Lehn) http://owni.fr/?p=11014 3348647713_8a2da0778b

capture-de28099ecran-2010-03-27-a-225307Le degré de liberté de l’Internet russe est matière à débats. Les uns placent la Russie en compagnie de la Chine et de l’Iran sur la liste des “ennemis d’Internet”. Les autres contestent vigoureusement ce genre de généralisation et proclament que l’Internet russe est la sphère publique la plus libérale et la moins contrainte du pays.

Le récent “rapport sur les ennemis d’Internet” de l’ONG internationale Reporters Sans Frontières a tenté de mettre un peu d’ordre quant à la position de la Russie sur l’échelle de la liberté d’Internet. L’organisation a placé ce pays sur la liste des “pays sous surveillance.” Cette position et plus particulièrement la justification donnée par les auteurs du rapport ont suscité discussion et désaccord en Russie.

Le rapport originel affirme :

En Russie, suite au contrôle exercé par le Kremlin sur la majorité des médias, Internet est devenu l’espace d’échange d’informations le plus libre. Mais son indépendance est menacée par des arrestations et poursuites de blogueurs, ainsi que des blocages de sites “extrémistes” qui ne le sont pas toujours. La propagande du régime est de plus en plus présente sur la Toile. Il existe un vrai risque qu’Internet ne se transforme en outil de contrôle politique.

Et de citer une longue liste d’activités en rapport avec l’administration qui ne peuvent passer que pour une limitation de la liberté d’Internet. Parmi ces activités il y a le système de surveillance de la Toile “SORM-2″ qui rend possible la surveillance des contenus en ligne par les services de sécurité. Le rapport a aussi noté le fait que certaines des principales plates-formes de médias sociaux étaient rachetées par des oligarques très proches du pouvoir. “Reporters Sans Frontières” a en outre cité l’affaire du blocage de sites internet d’opposition par le fournisseur d’accès internet WIMAX Yota, les cyber-attaques contre les sites libéraux et les persécutions de blogueurs.

Mais il y a aussi des constatations plus optimistes. Le rapport laisse entendre que “l’Internet est devenu un espace dans lequel les gens peuvent dénoncer la corruption des fonctionnaires russes.” Néanmoins la conclusion est qu’en dépit de cela “l’impact de ces mobilisations en ligne, blogs et nouveaux médias sur la société russe reste relativement limité” et avertit que la censure sur RuNet (l’Internet russe) est susceptible de s’accroître.

Dès la publication du rapport, Radio Free Europe/Radio Liberty, une station financée par le Congrès des États-Unis, a demandé à quelques spécialistes de l’Internet russe de le commenter. Le célèbre blogueur et journaliste Oleg Kozyrev a déclaré [en russe] à RFE/RL:

Мы живем в ситуации, когда любой блогер может стать участником уголовного дела. Но тотального преследования блогеров, конечно, сейчас в России нет. Есть просто эпизодические удары по некоторым гражданским активистам. Я бы разделил ситуацию с блогерами на два типа: собственно преследование государства – силами правоохранительных структур, провластных политических организаций. И когда блоггер подпадает под административные или уголовные правонарушения из-за того, что законодательство его надежно не защитило.

Nous vivons une situation où n’importe quel blogueur peut devenir partie prenante d’un acte criminel. Mais il n’y a pas actuellement de persécution totale des blogueurs en Russie. Il y a simplement quelques coups assénés épisodiquement à des activistes citoyens. Je diviserais la situation des blogueurs en deux séries de cas : la persécution par le gouvernement avec l’aide des structures de maintien de l’ordre et la situation où un blogueur tombe sous le coup d’infractions administratives ou criminelles parce que la législation ne l’a pas protégé efficacement.

Le directeur exécutif de l’agence “Réseaux sociaux” Denis Terehov s’inscrit en faux [en russe] contre l’idée de censure sur RuNet :

О какой цензуре можно вести речь, если на сегодняшний день в Рунете есть 60 млн. аккаунтов сети в “Контакте”, 50 млн. аккаунтов в “Одноклассниках” и 2 млн. дневников в “Лайф Джорнале”. Кто кого контролирует? Кто кому не дает писать? Мы же не в Китае, где цензурируют “Гугл”. Мы же не в Казахстане, где отключили “Лайф Джорнал”. Никто никому не запрещает писать, объяснять свою позицию.

De quelle censure parle-t-on alors qu’il y a 60 millions de comptes sur Vkontakte.ru, 50 millions sur Odnoklassniki.ru et deux millions de journaux en ligne sur Livejournal ? Qui empêche qui que ce soit d’écrire ? Nous ne sommes pas en Chine où ils censurent Google. Nous ne sommes pas au Kazakhstan où ils ont fermé Livejournal. Personne n’interdit à qui que ce soit d’écrire et d’exprimer sa position.

Le président de la “Fondation pour la protection de la liberté de parole” Alexeï Simonov souligne [en russe] la différence entre Internet et les médias traditionnels russes, où les rédacteurs en chefs et les journalistes savent d’avance ce qu’ils ne sont pas autorisés à dire :

Что касается Интернета, то там цензуры не может быть. Цензура – это предварительный просмотр перед публикацией. Но ведь невозможно предварительно посмотреть, например, блог, верно? Вопрос не в том, чтобы не дать этому выйти, а в том, чтобы наказать за то, что уже вышло. А это уже называется по-другому.

En ce qui concerne Internet, il ne peut y avoir aucune censure. La censure, c’est une analyse préliminaire avant la publication. Mais il est pour sûr impossible d’examiner préventivement un blog, pas vrai ? Il ne s’agit pas d’empêcher quelque chose d’être publié, mais de punir pour quelque chose qui l’a déjà été. Et ça porte un autre nom.

“La plus étonnante collection de mythes et de légendes sur RuNet”

Quoi qu’il en soit, au-delà de la discussion si l’Internet russe est censuré ou pas, la façon dont cette affirmation a été justifiée par le rapport sur les “Ennemis d’Internet” a suscité quelques débats et discussions. Alexander Amzin,spécialiste d’Internet à la principale agence d’information en ligne russe Lenta.ru a écrit un article contestant la plupart des faits cités dans le chapitre sur la Russie du rapport de “Reporters sans Frontières”.

A.Amzin écrit [en russe]

Эти шесть страниц – самое удивительное собрание мифов и легенд Рунета последних нескольких лет.

Ces six pages sont la plus étonnante collection de mythes et de légendes sur RuNet de ces quelques dernières années.

Selon Alexander Amzin, certains des faits cités dans le rapport sont connus de longue date. Ainsi, le système SORM-2 fonctionne depuis 2000 et il n’est pas clairement prouvé qu’il ait été à l’origine de la moindre action répressive. En outre, A. Amzin rappelle que la plupart des pays dans le monde ont des systèmes de contrôle du trafic. Autre fait ancien, l’achat de Livejournal par un oligarque russe proche du Kremlin. Il n’y a pas non plus de preuve évidente que cela ait eu un effet sur la liberté d’expression sur la plateforme de blogs la plus populaire du pays.

Alexander Amzin rappelle aussi que le blocage de sites web par l’hébergeur Yota s’étendait à des sites gouvernementaux. Il note que les développements ultérieurs de cet incident ont montré que ce blocage ne résultait pas de la censure mais d’un problème technique. Le spécialiste de Lenta.ru souligne que Vadim Tcharouchev, qui a été interné contre sa volonté dans un hôpital psychiatrique n’était pas le créateur du réseau social VKontakte.ru, comme l’affirme le rapport, mais un militant des réseaux sociaux. A. Amzin conteste également l’affirmation que la loi russe autorise les autorités à intercepter des données sur la Toile sans mandat judiciaire préalable.

Ce qui a le plus indigné Alexander Amzin, c’est l’affirmation du rapport sur un groupe appelé la “Brigade”, composé de gens qui postent des commentaires pro-gouvernementaux (dont certains le feraient contre paiement).

К сожалению, аналитикам “Репортеров без границ” никто не объяснил, что “бригада” является городской легендой Рунета. Говорят, что у всех популярных блогеров есть куратор в органах. Говорят, что все патриоты сидят на зарплате. Говорят, что власти специально организуют распределенные атаки на оппозиционные сервера. Все это слухи одного порядка, для критического анализа которых достаточно бритвы Хэнлона

Malheureusement, personne n’a expliqué aux analystes de “Reporters sans Frontières” que “la brigade” est une légende urbaine de RuNet. On dit que chaque blogueur populaire a un curateur dans les organes [de sécurité]. On dit que tous les patriotes sont payés. On dit que les autorités organisent spécialement des attaques par déni de service contre les serveurs informatiques de l’opposition. Tout cela, ce sont des rumeurs du même acabit, pour l’analyse critique desquelles il suffit d’utiliser le Rasoir de Hanlon («Ne jamais attribuer à la malignité ce que la stupidité suffit à expliquer» ).

Alexander Amzin écrit aussi que l’affirmation selon laquelle la mobilisation en ligne se borne à RuNet ignore la réalité. Cependant, il y a un point qui rencontre l’accord de l’expert russe :

Может создаться впечатление, что отчет состоит из одних ошибок. Это не так. Серьезная часть документа занимает ровно одну страницу. Там перечислены блогеры, которые за свои высказывания понесли уголовную ответственность или просто стали фигурантами уголовных дел. Блогеров действительно сажают, и это действительно очень плохо.

On peut en retirer l’impression que le rapport est entièrement erroné. Ce n’est pas le cas. Il y a une partie sérieuse de ce document qui tient en une page. C’est une liste de blogueurs qui pour leurs opinions ont fait l’objet de poursuites criminelles ou sont simplement passés en procès. Des blogueurs sont certes emprisonnés et certes, c’est très mauvais.

L’article d’A. Amzin a aussi soulevé un débat parmi les utilisateurs de RuNet. Certains ont affirmé que A. Amzin lui-même fait preuve d’un patriotisme exagéré et ont cité des anecdotes très récentes qui avaient fait monter la méfiance envers la zone RuNet, dont la fermeture des sites Torrents.ru et Ifolder.ru. On peut aussi rappeler l’affaire de la fermeture de l’index des blogs Yandex qui a fait disparaître l’une des plates-formes les plus influentes pour un ordre alternatif de l’information sur RuNet.

L’un des commentaires de la critique d’A. Amzin, conteste toutefois [en russe] l’affirmation que la “Brigade” n’est qu’une légende urbaine :

Тролли есть. Все сайты где обсуждается наше родное дерьмо валят тупыми однотипными комментами с целью свести обсуждение на банальные оскорбления. И за это начисляется зарплата. И есть кураторы. Автор, Вы не из них? Истеричное выдергивание ошибок списка “врагов интернета” выдается как необъективность всего списка. Автор считает, что “Репортеры без границ” не в состоянии мониторить инфу про Рунет?

Il y a des trolls. Tous les sites où notre population discute de notre merde débordent de commentaires stupides du même genre ayant pour but de réduire la discussion à des insultes ordinaires. Et pour cela il y a un salaire versé. Et il y a des curateurs. Auteur, êtes-vous un de ceux-là ? La tentative hystérique de liste d’erreurs des “ennemis d’Internet” est présentée comme une preuve du manque d’objectivité du chapitre entier. L’auteur considère-t-il que “Reporters sans Frontières” n’est pas capable de vérifier l’information sur RuNet ?

La polémique sur le chapitre russe des “ennemis d’Internet” du rapport accentue le caractère hautement complexe de la réalité dans le segment russe de l’Internet. Les questions de la nature de l’engagement des pouvoirs publics, de la censure et des limites à la liberté d’expression n’ont pas de réponse simple. RuNet est nécessairement sous surveillance. Inclure la Russie dans la liste des pays préoccupants est certainement justifié. Mais il y faut aussi une approche prudente, capable de distinguer le mythe des faits, essayer d’examiner la complexité, et bannir l’approche “en noir et blanc” qui classe certains procédés comme preuves d’une action répressive de la part des autorités.

Billet initialement publié sur Global Voices

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