OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Artistes, comment fédérer vos fans sur Facebook http://owni.fr/2011/01/19/artistes-comment-federer-vos-fans-sur-facebook/ http://owni.fr/2011/01/19/artistes-comment-federer-vos-fans-sur-facebook/#comments Wed, 19 Jan 2011 09:43:00 +0000 Philippe Dupuis http://owni.fr/?p=29664 Michael Jackson, Lady Gaga, Eminem, Rihanna, Megan Fox ou Vin Diesel sont des stars internationales que vous connaissez certainement. Mais savez vous également que leurs pages Facebook comptent chacune plus de 20 millions de personnes qui aiment ça (Fans) ?

Elles font ainsi partie du Top 15 des pages Facebook. Ces pages sont le parfait exemple qu’un artiste doit devenir une marque pour devenir une star et qu’une marque doit gérer sa relation avec ses fans à la manière d’un artiste pour exister.

Nous sommes donc ici à mi-chemin entre branding et personal branding. Aussi, il est utile d’observer comment ces stars ont pu fédérer d’immenses quantités de Fans en développant leur notoriété puis en gérant leur image et leur e-réputation, dans le contexte d’un territoire de marque bien défini.Voici donc 8 points clés pour fédérer et développer l’audience d’une Fan Page de Star.

Créer une histoire

Avant de faire quoi que ce soit pour se faire connaître, et développer sa notoriété pour fédérer ses Fans autour de sa page Facebook, un artiste doit créer sa propre histoire. Bien entendu aidé de son team, l’artiste doit imaginer son positionnement, ses valeurs, son image, son territoire, ses influences. Il doit aussi délimiter sa sphère publique et sa privée, avant de comprendre comment il va pouvoir se mettre en scène. Pour créer son histoire, l’artiste doit extraire de lui-même ses principaux arguments, son essence principale, sa différence et donc son originalité pour proposer au public ce qui a le plus de chances de lui créer des émotions.

L’artiste doit donc anticiper et créer son storytelling, il doit prévoir la façon dont il va dévoiler sa personnalité et/ou ses œuvres pour rencontrer son public. C’est une phase de réflexion préalable à la phase de séduction.
Lady Gaga qui est sans aucun doute l’artiste vivante la plus connue au monde à l’heure actuelle s’est fait connaître et remarquer en proposant un personnage unique, original, surprenant et imprévisible, en étant provocante sans pour autant dégager aucune agressivité. Cela a rendu sa “rebel attitude” mainstream et bon enfant.

Une fois son storytelling créé, la première des choses à faire est bien entendu de faire connaître l’artiste auprès de sa cible ou de se rappeler à elle, si l’artiste est déjà connu…

Retenir l’attention avec pertinence

Il est indispensable de retenir l’attention du public avec pertinence. Retenir l’attention ce n’est pas très compliqué, il suffit de faire parler de soi, en bien ou en mal. Cela passe bien souvent par la création d’un buzz : développer le bouche-à-oreille autour d’un artiste.

Mais retenir l’attention avec pertinence c’est plus élaboré, plus complexe. Il faut que le point de contact entre l’artiste et sa cible corresponde, soit compatible avec une stratégie de développement de notoriété ou bien être hyper impactante. Cette entrée en contact doit donc être cohérente avec un début d’histoire qui va se construire à moyen terme ou être si marquante que l’artiste sera immédiatement identifié à l’avenir.

Si l’attention n’est pas retenue, ou bien si elle est retenue sans pertinence, ce sera un coup d’épée dans l’eau car rien ne pourra être construit par la suite.

Quoi qu’il en soit, retenir l’attention avec pertinence implique pour un artiste dans bien des cas d’offrir des contenus.

Offrir des contenus

Quel meilleur moyen pour un artiste de se faire connaître et de faire connaître son talent que de diffuser ses contenus, notamment en profitant de la formidable plateforme favorisant la viralité qu’est Facebook ?
C’est par exemple ce que vient de faire BOOBA pour lancer son nouveau clip et relancer l’actu autour de son derrière album, en prenant le soin au préalable de créer un teasing en attendant la 1ère diffusion à une heure précise.

Diffuser un contenu auprès de ses Fans ou simplement de sa cible permet de donner avant de recevoir, l’artiste va pouvoir fédérer ses Fans et recueillir leurs impressions.

Être à l’écoute de vos Fans

Diffuser un contenu présente de nombreux avantages : l’artiste va générer des réactions, du bouche-à-oreille, de la recommandation entre pairs et le public va pouvoir le juger sur pièce. Pour être en phase avec sa cible, l’artiste doit nécessairement être à l’écoute du public. Sans engouement, l’artiste ne provoquera aucune attente, aucune désirabilité.
Plus il suscitera d’engouement, plus il pourra convertir ses cibles en Fans. En donnant avant de recevoir, l’artiste va pouvoir fédérer ses Fans et recueillir leurs impressions pour améliorer, adapter ou ré-orienter sa production, ou bien au contraire, persévérer dans sa direction artistique.

Il est donc indispensable qu’un artiste soit à l’écoute de ses Fans car ce sont eux qui feront ou non son succès. Mais être à l’écoute ne signifie pas pour autant se conformer au desiderata du public. Un artiste doit étonner, surprendre et innover pour créer des émotions.

Etre à l’écoute signifie simplement que l’artiste doit observer les réactions du public. Mais pour aller plus loin, l’artiste a tout intérêt à créer des discussions.

Créer des discussions

Dès lors qu’un artiste parvient à fédérer un minimum de Fans, il a tout intérêt à échanger avec eux. Encore une fois, cela lui permettra de mieux les comprendre et surtout, il créer avec eux un rapport de confiance et d’admiration encore plus fort. Plus ces premiers Fans seront convaincus, plus ils seront vaillants pour aller eux-mêmes évangéliser et recruter de nouveaux Fans. Ils se sentiront investis d’une mission, ils seront les influenceurs et les ambassadeurs de l’artiste.

En outre, créer des discussions génère du débat et donc de la contradiction. Plus une discussion sera ouverte, plus elle aura de chances d’impliquer un grand nombre de Fans déjà conquis ou futurs…

Les discussions permettent aussi de créer une communauté avec des échelons naturels selon l’implication de chaque Fan, une hiérarchie sociale se mettra naturellement en place avec des leaders et des suiveurs.

Bref, la discussion autour d’un thème propre à l’artiste lui sera bénéfique dans bien des cas. Mais il faut bien entendu que cette discussion soit franche et sincère afin de nouer une relation de confiance durable.

Nouer une relation pérenne

En effet, une fois les fans fédérés, il ne faut pas les décevoir. La relation fans – artistes doit se construire de façon pérenne afin que chaque Fan soit susceptible d’être un ambassadeur pour l’artiste. Chaque attention, chaque geste fait en direction des Fans par l’artiste pourra créer un “tsunami d’évangélisation” se soldant par un grand nombre de nouveaux Fans.

Il va de soi qu’une relation pérenne doit se construire dans une confiance réciproque. Aucune trahison ni déception ne sera tolérée sans provoquer de méfiance voire de distance. Les Fans ont besoin d’un artiste fédérateur qu’ils pourront admirer ou auprès duquel s’identifier. C’est LA raison pour laquelle, bien que mort, Michael JACKSON reste l’artiste le plus populaire et celui totalisant le plus grand nombre de Fans sur Facebook.

Michael JACKSON a su créer une relation forte avec ses Fans générant perpétuellement des interactions (bien avant la naissance de Facebook d’ailleurs).

Provoquer des interactions

Sur une page Facebook, il est essentiel de générer des interactions : J’aime / Commenter / Partager. Ces interactions créent de la viralité intrinsèque et déterminent la mise en avant des contenus de la page. Plus un contenu provoquera d’interactions, plus il sera vu, cela accélérera d’autant la croissance de nombre de Fans.

Michael Jackson, Lady Gaga, Eminem, Rihanna, Megan Fox ou Vin Diesel génèrent plus de 20.000 J’AIME et plusieurs milliers de commentaires à chaque publication d’un nouveau statut

Récompensez vos Fans

Enfin, un artiste ne doit jamais oublier ses Fans, il doit aussi souvent que possible les récompenser pour leur fidélité et leur activisme. Un artiste doit donc remercier ses Fans, par des attentions, des mots, voire des cadeaux. Ainsi pour chaque nouveau titre, clip, chaque nouvelle actu, il doit partager cet instant avec ses Fans.

Cela flattera l’ego des Fans et renforcera leur identification ou admiration. Cela donnera aussi un sens fort au fait d’être Fan de sa page Facebook : pour avoir la primeur ou obtenir des avantages exclusifs ou en avant-première, il faut être Fan.

Pour boucler la boucle, récompenser ses Fans passe souvent par des contenus offerts…afin de relancer l’actu, etc !
Voici donc 8 points clés permettant aux artistes de fédérer et développer des audiences de Fans très importantes. Tous ces points sont bien entendu transposables à l’univers des marques, à la différence près qu’une marque ne peut pas être autant personnifiée qu’une star…

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Cet article a été initialement publié sur DarkPlanneur

Phillipe DUPUIS aka WEBENTERTAINER est e-marketer spécialiste de la Génération Y.

Crédits photo CC  Flickr : joshfassbind.com, Laughing Squid, escapedtowisconsin

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Connectez vous à vos fans ! http://owni.fr/2011/01/11/connectez-vous-a-vos-fans/ http://owni.fr/2011/01/11/connectez-vous-a-vos-fans/#comments Tue, 11 Jan 2011 09:27:15 +0000 Chris Bracco http://owni.fr/?p=29507 Vos fans sont l’essence même de votre carrière. Sans eux, elle n’existe pas et la musique n’est rien de plus qu’un passe-temps. Vos fans achètent, ils écoutent votre musique, vous donnent leur avis, vous partagent avec leurs amis, viennent à vos concerts et portent des t-shirts à votre effigie. C’est grâce à eux que vous pouvez devenir musicien à temps plein et vivre la vie d’artiste. Les fans les plus fidèles seront toujours à vos côtés quoi qu’il arrive, continueront à acheter votre musique et vous aideront bien des fois au cours de votre carrière.

Rien de mieux que le début d’une nouvelle année pour montrer à vos fans qu’ils comptent, ça ne peut qu’être bon pour vous. Parce qu’ils méritent plus que des chansons et des t-shirts.

N’offrez pas un simple concert. Offrez une expérience live.

Vos fans ont été assez cool pour payer pour vous voir en concert, le moins que vous puissiez faire pour les remercier est de leur offrir un concert inoubliable qu’ils s’empresseront de relater à leurs amis par la suite. Faites quelque chose d’amusant et unique qui fasse ressortir votre personnalité au mieux et qui marque les esprits. Quelques soient les attentes de vos fans avant le concert, celles-ci doivent avoir volé en éclats à la fin. Éblouissez-les, et offrez-leur en plus que ce pour quoi ils ont payé.


Les possibilités sont sans fin, mais voici tout de même quelques idées pour essayer d’en donner plus à vos fans lors de vos concerts :

- Apprenez au public les paroles de refrain d’une chanson, prévenez les quand c’est le moment et faites-les chanter à votre place.

- Choisissez un fan au hasard pour monter sur scène et chanter à vos côtés (vous pouvez choisir à l’avance s’il le faut, mais restez spontané).

- Racontez une anecdote ou quelque chose qui vous tient à coeur.

- Offrez un CD ou un t-shirt entre deux chansons et faites monter le gagnant sur scène pour venir chercher son prix.

Traitez les abonnés à votre mailing list comme des rois.

Au lieu d’un simple formulaire d’inscription sur votre site, utilisez un service tel que Fanbridge, Hostbaby, Nimbit ou Topspin qui permettent d’offrir automatiquement à vos fans une chanson, un EP, un livret de paroles ou tout autre cadeau numérique. Installez le formulaire sur votre site, indiquez le plus clairement possible que vous donnez quelque chose en échange de l’inscription à la mailing list, et précisez que les informations qu’ils vous soumettront resteront confidentielles et qu’ils ne seront pas spammés.

Une fois qu’ils ont inscrits, offrez à vos fans des informations exclusives sur tout ou presque. Trouvez leur date de naissance et envoyez-leur une carte postale personnalisée avec tous vos vœux. Demandez-leur leur codes postal et annoncez-leur en avance votre venue dans leur région.

Interagissez avec les abonnés mais ne les submergez pas, cela peut vite devenir désagréable. On considère généralement que deux mails par mois est une bonne cadence, mais à vous de trouver ce qui convient le mieux.

Il est bon, de temps en temps, de laisse filer une information à un groupe de fans en particulier, par exemples vos followers Twitter ou vos amis/fans Facebook. En faisant cela, vous pourrez tenter certains individus non-encore inscrits à vous rejoindre et ainsi à recevoir plus d’informations.

Faites aussi simple que possible

Qu’il s’agisse de votre stand de merch ou de votre page Facebook, rendez la navigation aisée pour vos fans. Ne semez pas d’embûches le chemin jusqu’à votre nouvel album, car cela aura pour effet de refroidir les acheteurs potentiels, qui se tourneront vers d’autres artistes à la place.

Le marché est plus que saturé en ce moment, donc la facilité et l’accessibilité vous feront sortir du lot. Voici comment rendre la vie facile à votre communauté :

- Soyez en mesure d’accepter, en plus du liquide, les paiements par carte de crédit à votre stand de merch, en utilisant Square ou un service équivalent.

- Créez une boutique en ligne et vendez votre musique et votre merchandising directement depuis votre site. Encouragez vos fans à acheter directement depuis celui-ci car c’est plus simple que l’argent va directement au groupe et pourra servir à financer des projets futurs.

- Pensez à rendre vote musique disponible sur iTunes, Amazon, eMusic en utilisant CD Baby ou Tunecore par exemple. Certains préfèrent passer par ces sites pour acheter leur musique car ils leur font davantage confiance et s’y sentent plus à l’aise.

Ceci dit,certains groupes ont réussi en rendant exprès leur musique difficile à trouver, ce qui peut s’avérer être une bonne idée si c’est ce que votre fanbase aime. Transformer la découverte musicale en expérience ludique, où les fans doivent trouver des indices et faire des recherches pour arriver à la “récompense” (un inédit, une édition limité etc.) est une manière amusante de fidéliser les internautes et de promouvoir votre album à venir.

DJ Shadow, par exemple a disséminé des vinyles de son dernier projet dans certains magasins de disques, au hasard partout en Europe, afin d’être découvert par des fouineurs chanceux mais ignorant le procédé. Attention cependant, si vos fans n’aiment pas trop ce genre de jeu de piste, cela peut les détourner de vous.

Donnez à vos fans un aperçu de votre univers

L’un des plus grand avantages, de même que l’un des pire désagréments inhérents aux réseaux sociaux et au net en général, c’est que vous pouvez jouer la transparence totale ou le mystère savamment entretenu comme cela vous chante. Si vos fans apprécient de vous voir monologuer sur des vidéos ou de vous entendre râler en concert, il s’agit d’excellentes occasions de montrer votre personnalité et de leur offrir une peu de l’intimité qu’ils cherchent à partager avec vous.

Si au contraire vos fans son intrigués par le mystère qui entoure votre vie , gardez vos distance et partagez seulement quelques détails ici et là. Leur curiosité demeurera et ils en voudront plus (rappelez-vous Gorillaz au début des années 2000).

Si vous n’avez aucune idée de ce que vos fans apprécient… eh bien demandez-leur ! Vous pouvez utiliser un service comme SurveyMonkey pour créer un court questionnaire, et demander les abonnés à votre mailing list d’y répondre pour vous aider à améliorer votre rapport à eux. Vous serez surpris de voir combien de personnes prendront une minute pour vous aider.

Dire merci ne suffit pas

Allez plus loin et remerciez vos fans avec quelque chose dont ils se souviendront, comme un titre gratuit, une bise, une poignée de main, une discussion ou une place de concert pour un concert à venir. Rien ne les oblige à vous soutenir, ils le font parce qu’ils aiment votre musique et parce qu’ils croient en vous. Un simple “merci” peut faire beaucoup, mais dépasser leurs attentes avec un peu plus que ça est une manière plus satisfaisante de leur rendre la pareille. Sans compter que c’est pour eux une expérience inoubliable qui peut déboucher sur une relation durable et plus personnelle.

Récompensez vos fans les plus fidèles

Et par “fidèles” je veux dire ceux qui sont là depuis le premier jour, qui viennent à vos concerts, qui sont là à vos répets, qui vous donnent leur avis et qui partagent votre musique avec d’autres. J’ai vu des groupes essayer un truc que j’aime bien, à savoir des “cartes de fidélité”. Par exemple, si un fan vient cinq fois vous voir en concert, et que sa carte est tamponnée autant de fois, il gagne un prix vraiment sympa, comme des places de concert gratuites, ou l’album avant sa sortie.

Si votre but est de faire carrière dans la musique, il est crucial de toujours penser à vos fans, et à ce que vous faites pour garder intact leur intérêt et pour leur donner envie de revenir vers vous. Les pistes ci-dessus devraient au moins vous donner un peu d’inspiration et vous permettre d’en trouver d’autres encore mieux !

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Cet article a été initialement publié sous le titre de :6 Simple Ways to Give Back to Your Fans

Traduction : Loic Dumoulin-Richet

Crédits Photo CC Flickr : ojkelly, arboreus, enders_shadow1, Libertinus

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http://owni.fr/2011/01/11/connectez-vous-a-vos-fans/feed/ 1
Les dessous de Wikipédia, mode d’emploi http://owni.fr/2010/12/09/les-dessous-de-wikipedia-mode-demploi/ http://owni.fr/2010/12/09/les-dessous-de-wikipedia-mode-demploi/#comments Thu, 09 Dec 2010 08:23:02 +0000 Maud Carlus et Martin Fossati http://owni.fr/?p=37080 logo_ecole_journalisme21.jpg

Cet article est une contribution des étudiants de l’Ecole de journalisme de Sciences-Po.

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Sur Wikipédia, qui repose sur sa communauté de contributeurs, pas de structure pyramidale, ni hiérarchisée. Tout le monde est logé à la même enseigne, et pour cause, tous les contributeurs sont bénévoles. En France, il n’existe qu’un seul salarié dans toute la machine Wikipédia. Il oeuvre pour l’association Wikimedia France, qui vise à promouvoir l’encyclopédie, sans toutefois y intervenir. Par ailleurs, toutes les décisions sont prises de manière collégiale.

Mais qui tranche en cas de guerre d’édition entre contributeurs ? Qui intervient en cas de vandalisme d’une page ? Comment sont gérées les pages dites sensibles ? Détails sur le fonctionnement de la plus grosse encyclopédie en ligne.

Qui veille au bon fonctionnement de l’encyclopédie côté français?

Il existe deux instances de surveillance permanente: d’une part, les administrateurs, sortes de contributeurs “évolués”, au nombre de 188 sur le Wikipédia français. Parmi eux, certains sont des administrateurs dits “techniques”. D’autre part, on trouve également un comité d’arbitrage.

Que font-ils?

Ils peuvent juste entrer dans la discussion – afin de mettre d’accord des contributeurs sur le contenu d’une page, en passant par le blocage d’un contributeur au comportement “malfaisant”, jusqu’au bannissement pur et simple. Un cas “extrêmement rare”, précise toutefois Christophe Henner, de la fondation Wikimedia.

A quoi ressemble une “guerre d’édition”?

Celle-ci consiste en l’affrontement éditorial de deux ou plusieurs contributeurs ayant des points de vue opposés, et qui ne cessent de modifier la page dans l’espoir d’avoir le dernier mot. Dans ce cas, les administrateurs interviennent et entament une discussion avec les personnes concernées afin de mettre un terme aux incessantes modifications sur la page.

Mais là encore, Wikimedia insiste sur la rareté de tels faits. “Les guerres d’édition sans aucune discussion sont rares, car dès qu’elles commencent, un administrateur ou un simple contributeur va entamer spontanément le dialogue et régler le conflit”.

Néanmoins, cela arrive. L’un des exemples les plus célèbres est certainement celui de la page concernant le réacteur pressurisé européen, thème abordé lors du débat entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy lors des présidentielles en 2007. Leurs propos avaient déclenché des discussions enflammées entre les contributeurs, pour savoir, entre autres, si le fameux réacteur était de troisième ou de quatrième génération. Résultat: “ 40 modifications en moins de 2 heures”.

Les querelles se sont soldées par l’intervention d’administrateurs. Afin de trancher, ceux-ci se sont rendus à la source, à savoir, le site Internet d’Areva, constructeur du réacteur.

Lorsque les administrateurs ne parviennent pas à résoudre un conflit, le comité d’arbitrage intervient.

Que se passe-t-il en cas de vandalisme, et qui intervient?

Il arrive que certains contributeurs s’amusent à mettre la pagaille dans des pages, par exemple retirer des informations sur des articles, insérer des blagues ou des éléments erronés… Bref, ils détériorent la qualité de l’encyclopédie.

Une fois que le vandale virtuel est identifié, les administrateurs peuvent le bloquer, donc l’empêcher de contribuer à Wikipédia. Mais Christophe Henner tempère: “Avant de bloquer un contributeur, on va toujours parler avec lui. Si au bout de trois avertissements, il s’obstine, on peut décider de le bloquer pour une durée limitée”.

Dans des cas d’extrême incivilité, l’utilisateur peut être banni de la communauté wikipédienne. C’est alors lecomité d’arbitrage qui prend cette décision. Ce dernier est composé d’une dizaine de contributeurs réguliers élus par la communauté, renouvelé tous les six mois. Il est le dernier recours en cas de litige (guerre d’édition, vandalisme à outrance, bannissement…). Toutes les décisions sont prises par consensus, personne n’est érigé en arbitre ultime.

Comment se passe la gestion des pages dites sensibles?

Il y a plus d’un million d’articles en français sur Wikipédia. Mais seule une petite fraction est sujette auvandalisme, comme le précise Christophe Henner. “Peut-être une dizaine ou une petite centaine de pages posent problème. En termes de volume, c’est peu. Celles qui sont le plus sujettes au vandalime sont celles qui abordent la politique, la législation, ou l’action gouvernementale. Tout ce qui est scientifique est également sensible, par exemple les thèses créationnistes ou évolutionnistes.”

Pour celles-ci, il existe deux types de protection. Les pages “semi-protégées”, au nombre de 404, parmi lesquelles on trouve Jacques Chirac, Jean Sarkozy ou encore Les Télétubbies… Ce type de protection “empêche les utilisateurs non-enregistrés (dont l’adresse IP est le seul élément de leur identité) et ceux avec un compte créé il y a moins de 4 jours de modifier” la page.

Un article est protégé (totalement) lorsqu’il est “l’objet d’un important désaccord entre participants et ne peut temporairement pas être modifié”, tel que cela apparaît sur Wikipédia. On en compte une dizaine.

Un système de surveillance constante est en place permettant aux administrateurs de suivre la moindre modification abusive des pages sensibles. La page de Nicolas Sarkozy est par exemple actuellement soumise à un règlement spécial. En effet, à la suite de récentes guerres d’édition, il est rappelé en tête d’article la règle des trois révocations, applicable à tous les contributeurs. Celle-ci interdit aux utilisateurs de réaliser plus de trois modifications en moins de 24heures sur le même article.

Un arsenal de règles et outils à disposition des contributeurs masqués, afin que Wikipédia ne devienne un immense champ de batailles entre caviardeurs de tous poils.

NB: merci à Moyg pour ses précisions
>> Illustrations CC FlickR : bastique

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Pourquoi ne peut-on pas vandaliser la page Wikipédia de Sarkozy? http://owni.fr/2010/12/09/pourquoi-ne-peut-on-pas-vandaliser-la-page-wikipedia-de-sarkozy/ http://owni.fr/2010/12/09/pourquoi-ne-peut-on-pas-vandaliser-la-page-wikipedia-de-sarkozy/#comments Thu, 09 Dec 2010 07:58:30 +0000 Maud Carlus et Martin Fossati http://owni.fr/?p=37067

Cet article est une contribution des étudiants de l’École de journalisme de Sciences-Po.

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Vous pensiez que la page Wikipédia de Nicolas Sarkozy était surveillée 24h/24 par une équipe chevronnée de l’Élysée afin de traquer la moindre petite critique ? Vous vous trompiez !

Car au pays de Wikipédia, ne modifie pas les pages qui veut. La communauté toute entière garde un œil sur les pages les plus sensibles. D’invisibles soldats de la « wikisphère » écument ces pages polémiques, souvent politiques, et tentent de conserver la plus grande neutralité possible.

Nous avons contacté certains des contributeurs les plus actifs sur des pages polémiques (UMP, Réforme des retraites, Affaire Woerth-Bettencourt…). Ils nous ont raconté comment ils gèrent au quotidien les problèmes liés au vandalisme et à la manipulation des articles politiques.

« Il s’agit pour eux de défendre mordicus une “vérité” »

Turb, contributeur wikipédien depuis plus de six ans, promu au rang d’administrateur et également membre du comité d’arbitrage (sorte d’instance suprême de résolution de conflits), est formel : « Le plus souvent, les gens n’ont pas conscience d’avoir une posture militante : il s’agit pour eux de défendre mordicus une “vérité”, généralement sur les adversaires, souvent grossièrement… La résistance à ces tentatives est maintenant de l’ordre de la routine. » Et il sait de quoi il parle, puisqu’à ce jour, Turb a fait 437 modifications sur la page de Nicolas Sarkozy, même s’il n’est « affilié ni de près ni de loin à l’UMP. »

Cependant, les particuliers, militants ou non, ne sont pas les seuls à intervenir sur les pages de leurs « idoles » politiques. Turb le confirme : « il y a déjà eu des cas où des manipulations d’articles ont été tentées, et où l’on constate que l’adresse IP d’où provient la modification correspond à un ministère, ou une mairie. »

Il arrive aussi que des personnalités politiques, insatisfaites de leur profil, entrent en contact avec les administrateurs. Cela a été le cas de Nadine Morano, en 2007. Voyez plutôt:

Il y a donc bien des garde-fous de la neutralité sur Wikipédia, incarnés par les administrateurs, chargés de lutter contre les tendances militantes de certains contributeurs. Mais qui assure la neutralité des administrateurs, eux-mêmes contributeurs ? Turb, qui déclare être vaguement « centriste » et « libéral », s’appuie sur les trois règles d’or édictées par Wikipédia : la vérifiabilité des sources, la qualité des sources et la pertinence des informations.

Il arrive que des membres de la communauté se laissent aller à du partisanat, et tentent de maquiller certains faits. C’est le cas de Cheep, wikipédien très actif : pas moins de 19.000 contributions depuis son inscription en juillet 2008. Ce sarkozyste revendiqué est intervenu plusieurs fois sur la page « Mouvement social contre la réforme des retraites 2010 ». Ses contributions ont été qualifiées « d’arbitraires » par d’autres utilisateurs : il aurait tenté de réduire l’ampleur de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites en réduisant le nombre de manifestants. Épinglé par d’autres wikipédiens, et après moult discussions, Cheep a finalement accepté les critiques de ses pairs.

« On arrive souvent à un consensus »

Ascaron, étudiant ingénieur automobile, participe depuis près de trois ans à Wikipedia. Il consulte l’encyclopédie en ligne « matin, midi et soir ». Lui aussi constate que les « contributeurs lambda, qui ne cachent pas leur couleur politique, modifient facilement des articles pour les “arranger” à leurs goûts, ce qui mène généralement à des guerres d’éditions. » Proche des idées de l’UMP, ce contributeur estime qu’il est « important de mettre de côté ses propres opinions politiques. Ce n’est cependant pas forcément évident. La page de discussion des articles de Wikipédia permet alors de discuter avec d’autres contributeurs sur le contenu à ajouter à l’article. »

Toutefois, pour se prémunir d’éventuelles tentations, Buisson, autre utilisateur très présent sur la « wikisphère », préconise « d’en discuter avec des contributeurs qui n’ont pas les mêmes opinions dans les pages de discussion des articles et de faire un travail collaboratif. On arrive souvent à un consensus. » Prenant la défense de l’encyclopédie virtuelle, il estime que les « contributeurs réguliers ne sont pas là pour faire de la propagande pour leurs idées. »

HaguardDuNord, qui passe deux heures par jour sur Wikipedia, considère que la neutralité des points de vue n’est de toute façon pas une fin en soi. « La neutralité wikipédienne n’est pas de bannir tout jugement, mais de relayer les jugements pertinents en se basant sur les sources. » Malgré leurs opinions politiques divergentes, les contributeurs wikipédiens semblent, néanmoins partager des valeurs de neutralité, pour une autorégulation.

«Wikipédia fonctionne plutôt bien tout seul»

Autorégulation que les partis politique ont bien intégrée. Droite et gauche s’entendent sur un point : inutile d’intervenir directement sur Wikipédia. « Ça s’autorégule tout seul », explique Benjamin Lancar, président des Jeunes Populaires. « Si on s’amusait à attaquer la page de Martine Aubry, on se ferait censurer tout de suite. Ça ne sert à rien. » À l’UMP, deux personnes sont chargées de contrôler l’image du parti politique sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux. Mais Wikipédia n’est clairement pas leur priorité.

Une opinion partagée par Mathieu Dehgan, l’un des trois community manager du Parti Socialiste. « On jette un coup d’œil de temps en temps, mais ce n’est pas régulier. » Nul besoin de surveiller le site au quotidien : en cas de modifications intempestives, il est vite averti. « Les informations remontent très rapidement. Les militants nous appellent pour le signaler, ou nous contactent sur le compte Twitter du PS. »

Autre argument : l’indépendance de Wikipédia. « Wikipédia n’a aucun lien avec nous », affirme Jonathan Debauve, responsable de la communication sur Internet du Mouvement des Jeunes Socialistes. « C’est une encyclopédie totalement indépendante. On ne peut pas mettre le point de vue que l’on veut dans l’article consacré aux jeunes socialistes ! »

Mathieu Dehgan est du même avis. « Pour le lancement de la Coopol, on souhaitait créer un article sur Wikipédia. On a contacté un administrateur de Wikipédia en France, mais il a refusé. » Motif : le réseau n’était pas assez connu.

Aujourd’hui, le community manager admet ignorer si le PS dispose ou non d’un compte Wikipédia. Et de résumer : « Wikipédia fonctionne plutôt bien tout seul. »

NB : voir aussi la discussion qu’a suscité cet article sur Wikipédia.

Image CC Elsa Secco pour OWNI sur une image CC Flickr quartermane

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Redéfinir les modèles économiques de la musique ? http://owni.fr/2010/11/04/redefinir-les-modeles-economiques-de-la-musique/ http://owni.fr/2010/11/04/redefinir-les-modeles-economiques-de-la-musique/#comments Thu, 04 Nov 2010 10:02:05 +0000 Philippe Astor http://owni.fr/?p=27668 Le journaliste Philippe Astor couvre l’actualité de l’industrie musicale plus vite que son ombre et nous le suivons de près. Il s’est spécialisé dans l’impact des nouvelles technologies sur l’économie de la musique et des médias. Se reposant sur les discours des visionnaires américains Seth Godin et Terry McBride, il nous livre ici un bilan de ce qui avait était prédit et nous éclaire sur les étapes à venir.

Quelle que soit l’efficacité de la loi Création et internet pour endiguer le téléchargement illégal, ou la légitimité du message adressé par les ayants droit aux internautes par l’intermédiaire de cette nouvelle législation – tout créateur doit pouvoir prétendre à une rémunération équitable dès lors que ses œuvres sont mises à la disposition du public ou exploitées, la question d’une redéfinition radicale des modèles économiques de l’industrie musicale à l’heure d’internet reste entière.

Les conséquences de la rupture technologique liée à la révolution numérique et au développement d’Internet, John Perry Barlow, fondateur de l’Electronic Frontier Foundation et ancien parolier des légendaires Grateful Dead, les résumait déjà en des termes on ne peut plus clairs en 2003 :

L’énigme à résoudre est la suivante : si nos biens peuvent être reproduits à l’infini et distribués instantanément dans le monde entier sans le moindre coût, sans que nous en ayons connaissance, et sans même que nous en soyons dépossédés, comment pouvons-nous les protéger ? Comment allons-nous être rémunérés pour le travail de notre esprit? Et si nous ne pouvons être rémunérés, qu’est-ce qui va permettre de poursuivre la création et la distribution de ces biens ?

Le dispositif de riposte graduée mis en place par la loi Création et Internet tente d’apporter une réponse à ce dilemme, en essayant de limiter la manière dont les œuvres peuvent être reproduites et distribuées à l’infini sur Internet, sans l’autorisation de leurs auteurs. Mais ce dispositif souffre déjà de nombreuses failles avant même d’avoir été activé, et tout le monde en est bien conscient, y compris ses défenseurs les plus ardus.

Aux générations successives de réseaux peer-to-peer (P2P), de Napster à BitTorrent, succèdent désormais des systèmes d’échange plus privatifs – d’amis à amis ou friend-to-friend (F2F) -, comme le logiciel open source OneSwarm, qui fait appel à la cryptographie et préserve l’anonymat de ses utilisateurs.. « OneSwarm est capable de résister au monitoring systématique qui est devenu chose courante aujourd’hui sur les réseaux P2P publics », confirment ses créateurs, dont les travaux de recherche sont officiellement supportés par la National Science Foundation et l’Université de Washington aux États-Unis.

Les limites de la riposte graduée

Les canaux empruntés par les échanges de biens numériques entre particuliers se sont en outre largement diversifiés au cours des dernières années : des newsgroups ou forums de discussion du réseau Usenet aux Direct-to-download links (liens de téléchargement directs) vers des plateformes d’hébergement comme Rapidshare, en passant par les logiciels de messagerie instantanée. La liste des protocoles de communication qu’il serait nécessaire de surveiller pour exercer un contrôle efficace sur la circulation des œuvres sur Internet s’allonge de jour en jour.

La surenchère de moyens de surveillance à mettre en œuvre, outre le fait qu’elle est susceptible de soulever de manière récurrente de nombreuses questions relatives à la protection de la vie privée et au respect des libertés publiques, risque d’engendrer des coûts bien plus rédhibitoires à terme que le manque à gagner des ayant droit lié au piratage en ligne. Le seul coût de mise en œuvre de la riposte graduée française, évalué entre 70 M€ et 100 M€, est déjà nettement supérieur à toutes les aides dont bénéficie la filière musicale, qui n’est certes pas la seule concernée.

Pourtant, elle n’en attend pas un renversement miraculeux de la tendance qui a vu ses retours sur investissement se réduire comme peau de chagrin au cours de la décennie passée. « Ce serait irréaliste de penser que cette loi va nous permettre de réaliser + 20 % l’an prochain », nous confiait il y a quelques mois Vincent Frérebeau, président de l’Upfi (Union des producteurs français indépendants) et p-dg du label tôt Ou tard. Tout comme il serait illusoire d’imaginer qu’un retour au statu quo ante, à la situation qui prévalait à la fin des années 90, lorsque l’industrie du disque était florissante, soit encore possible. Car le ressort de cet âge d’or est définitivement cassé.

« Le business du disque était parfait. C’était une industrie parfaite », explique le gourou du marketing en ligne américain Seth Godin dans la transcription, publiée sur le web, d’une conférence donné à l’occasion de la parution de son dernier essai, Tribes, sur les nouvelles tribus du Web. Et d’énoncer tous les ingrédients qui contribuaient à cette perfection : entre autres, un nombre limité de médias, dont toute une partie du spectre était consacrée à la promotion de ce que l’industrie du disque produisait ; quelques puissantes compagnies en situation d’oligopole, incontournables pour produire et distribuer un disque au niveau national comme international ; des chaînes de détaillants qu’elles ne possédaient pas entièrement dévouées à la vente et à la promotion de leurs produits…

Sans parler du florilège de magazines spécialisés dédiés à leur prescription ; d’un système de mise en avant du classement des meilleures ventes favorisant essentiellement le haut de la pyramide ; ou d’un support physique qui ne pouvait pas être copié et avait tous les attributs d’un bien rival, que l’on ne pouvait pas échanger sans en être dépossédé.

Les nouveaux rouages du marketing tribal

Mais la technologie du CD, dont le coût de reproduction était relativement marginal, portait en elle-même ce qui allait précipiter son déclin : le ver du numérique était dans son fruit. “Désormais, si je donne un enregistrement, je le détiens toujours, poursuit Seth Godin. Et ça change tout. Je ne dis pas que c’est mieux, je ne dis pas que c’est pire. Je ne dis pas que c’est moral ou immoral. Je dis seulement que ça change tout et que nous devons l’accepter.”

Pour Seth Godin:

la musique n’est pas en crise. De plus en plus de gens écoutent de plus en plus de musique, comme cela n’a jamais été le cas auparavant dans l’histoire de l’humanité. Probablement cinq fois plus que vingt ans en arrière. [...] Mais l’industrie de la musique est en difficulté. Parce qu’elle se trouve face à un nouveau paradigme.

Les nouveaux médias, comme les détaillants en ligne, prolifèrent sans aucune limite. Le marketing de masse cède le pas à un mode de communication de pair à pair beaucoup plus social. L’accent est mis de plus en plus sur les marchés de niche et de moins en moins sur les hits. Les frontières entre ceux qui produisent la musique et ceux qui la consomment sont de plus en plus perméables. Le cycle de vie des produits de cette industrie est beaucoup plus court. Ses lignes de produits elles-mêmes éclatent et ne sont plus limitées par des contraintes de fabrication mais par l’imagination. Et l’essentiel des investissements porte aujourd’hui sur l’innovation, plutôt que sur la promotion.

« Il n’y aucun moyen de passer de l’ancienne économie de la musique à la nouvelle avec un retour sur investissement garanti et des assurances écrites, ça n’existe pas », explique l’essayiste américain, qui invite les industriels à s’investir dans l’animation de « tribus » de fans, un mode d’organisation sociale hérité d’un lointain passé qui retrouve des lettres de noblesse sur Internet.

« J’ai tous les disques de Rickie Lee Jones, confie-t-il, y compris les bootlegs qu’elle vend. Je les ai presque tous achetés sur son site. Rickie Lee Jones devrait savoir qui je suis ! Ses agents, son équipe, devraient me connaître ! J’attends désespérément qu’elle m’envoie un message pour me dire qu’elle se produit en ville. Je veux qu’elle me demande : ‘Dois-je faire un album de duos avec Willie Nelson ou avec Bruce Springsteen ?’ Je veux avoir cette interaction avec elle. Et je veux qu’elle me dise : ‘J’envisage de sortir un autre bootleg, mais pas avant que 10 000 personnes l’aient acheté’. Parce que je signerais. J’en achèterais même cinq s’il le fallait. Mais elle ne sait pas qui je suis. Elle ne me parle jamais. Et quand son label essaie de me crier quelque chose, je n’écoute pas, parce qu’il pousse son cri dans un lieu [sur MTV, sur les radios du top 40, ndr] auquel je ne prête plus guère d’attention. »

Rupture psychologique

Pour Seth Godin, l’essentiel n’est plus de vendre un disque à un consommateur – « Il peut l’acheter pour 10 balles sur Amazon ou se le procurer gratuitement » -, mais de le connecter à l’artiste et à sa tribu de fans : « Il y a un très grand nombre de gens qui veulent se connecter à cette tribu, et de là où vous vous trouvez, vous avez la possibilité de faire en sorte que cette connexion ait lieu. [...] C’est très important pour les gens de sentir qu’ils appartiennent à une tribu, d’en ressentir l’adrénaline. Nous sommes prêts à payer, à franchir de nombreux obstacles, à être piétinés par la foule, si nécessaire, pour nous retrouver à l’endroit où nous avons le sentiment que les choses se passent. [...] Le prochain modèle, c’est de gagner votre vie en gérant une tribu… des tribus… des silos entiers de tribus ».

Ce changement de paradigme, Terry McBride, le charismatique patron de Nettwerk Records, label indépendant canadien (The Barenaked Ladies, The Weepies, The Old Crow Medicine show, The Submarines…), qui réalise 80 % de son chiffre d’affaires dans le numérique et dans la synchro, avec une croissance annuelle de ses revenus de 25 % dans le numérique, l’a anticipé dès 2002.

« Ce fut quelque chose d’intuitif pour moi, explique-t-il dans une interview accordée au blog américain Rollo & Grady. De toute évidence, le numérique envahissait notre univers depuis trois ans et l’effet Napster se faisait sentir. Étant une petite compagnie, qui travaillait directement avec les artistes, nous avons pu sentir ce qui commençait à se passer. Essayer de l’empêcher n’aurait mené à rien ; il fallait le comprendre et être en mesure de l’accompagner. C’était une véritable rupture psychologique pour nous. Il a fallu plusieurs années pour que le reste de la compagnie et les analystes finissent par se concentrer là-dessus. »

Pour Terry McBride, c’est toujours la pénurie qui crée de la valeur, mais Internet est un photocopieur géant, et « dès qu’une chanson est sortie, elle perd de sa rareté et n’a plus beaucoup de valeur marchande ». Au sein même de l’industrie musicale, il existe cependant de nombreuses autres formes de rareté ou de pénurie à même de créer de la valeur.

L’accès à l’artiste est unique. Et tout ce que vous pouvez organiser autour de cet accès peut créer de nouvelles formes de rareté. Lorsqu’une chanson est sur le point de sortir, elle ne conserve sa rareté que pendant cinq minutes. Mais nous en contrôlons le premier point d’entrée sur le marché, nous pouvons l’introduire de la manière que nous souhaitons, [...] créer une expérience unique à l’occasion de sa sortie, qui peut attirer 10 millions de personnes dans un endroit unique – et essayer de monétiser cette attention. (T. McBride)

Laisser les gens partager

Le patron de Nettwerk, dont le label fêtera ses 25 ans d’existence cette année, rejoint Seth Godin et sa théorie des tribus : « Nous appartenons tous à des tribus, écrit-il sur son blog. Et les membres de votre tribu sont ceux qui vous influencent le plus. Grâce à Internet et à la téléphonie mobile, ces tribus sont plus importantes que jamais et permettent de partager ses passions. Ma conviction est la suivante : laissez les gens partager. Créez un site où il peuvent échanger entre eux, mettez de la pub autour – et désormais, vous pouvez monétiser leur comportement, plutôt que la musique elle-même. Même si c’est sur Youtube. [...] Si je peux amener Avril Lavigne à faire quelque chose sur Youtube qui va la faire passer de 200 millions de connexions à 500 millions, c’est comme vendre un million de disques. »

Un de ses crédos, largement argumenté dans un livre blanc qu’il a co-écrit pour le club de réflexion anglais Musictank (Meet The Millenials ; Fans, Brands and Cultural Communities) est le suivant : « Alors que les infrastructures des labels se rétrécissent, un nouveau paradigme est en train d’émerger, dans lequel ce sont les fans qui constituent leurs nouvelles équipes de marketing, de promotion et de vente ».

Terrry Mc Bride n’en élude pas pour autant le problème posé par les échanges sauvages entre particuliers sur les réseaux peer-to-peer :

Ma conviction est qu’on ne peut pas légiférer pour aller à l’encontre de comportements sociaux, écrit-il dans un autre de ses billets. Le seul endroit où l’on puisse exercer une pression légale ou législative, c’est dans les relations business-to-business. Je pense que les câblo-opérateurs et les fournisseurs d’accès devraient payer une taxe pour rémunérer les contenus qui circulent dans leurs tuyaux. Je ne pense pas que l’on doive couper l’accès à Internet des jeunes, ils ne devraient pas être poursuivis parce qu’ils partagent leur passion pour la musique, même si je considère qu’ils devraient payer pour consommer le contenu produit par d’autres.

Payer sous quelle forme ? Celle d’un montant mensuel forfaitaire, estime-t-il, d’un abonnement aux plateformes des opérateurs ouvrant l’accès à un catalogue étendu. Un modèle auquel se rangent de plus en plus d’industriels de la musique, observe-t-il. « A l’heure où l’industrie se concentre sur 5 % du marché (la part légale du gâteau numérique), l’opportunité de monétiser les 95 % restant se présente. » Mais dans son esprit, fournir un accès étendu aux catalogues pour un montant forfaitaire n’est qu’un premier pas vers l’avenir du business de la musique.

Car une autre rupture technologique est à l’œuvre, qui deviendra selon lui réalité dans les 18 à 24 mois qui viennent. Dès demain, les AppStores d’Apple, de Nokia, de Blakberry, de Google, vont regorger d’agents musicaux intelligents conçus par des développeurs tiers, qui connaîtront les goûts musicaux de chacun et que l’on pourra installer sur les nouvelles générations de smartphones ou de baladeurs wi-fi. Nous pourrons utiliser leurs services d’accès personnalisé aux catalogues pour quelques euros par mois, et ils vont transformer en profondeur le comportement des consommateurs de musique.

Le contexte devient roi

« Il ne sera plus nécessaire de télécharger la musique, ce sera devenu une contrainte, explique Terry Mc Bride. Quantité d’applications vont vous permettre, pour quelques dollars par mois, d’accéder à toute la musique que vous voulez, comme vous voulez, quand vous voulez, à partir de n’importe quel périphérique. Dès lors, pourquoi voudriez-vous télécharger ? Pourquoi iriez-vous sur Internet pour chercher à télécharger cette musique gratuitement ? D’autant que ce que vous allez télécharger gratuitement ne fonctionnera pas nécessairement avec les applications que vous aurez sur votre smartphone. Quelques dollars, ce n’est pas cher payé pour un accès illimité. C’est dans cette direction que vont les choses. »

Pour que toutes ces applications puissent fonctionner correctement, il faudra qu’elles disposent de bonnes métadonnées, avertit le fondateur de Nettwerk Records, à la production desquelles il invite les industriels de la musique à se consacrer.

La valeur ajoutée d’un service de musique, celle que le consommateur sera disposé à payer, résidera dans sa capacité à délivrer un contenu en parfaite adéquation avec un contexte, qui pourra être une émotion ou une circonstance particulière.

Et plus les métadonnées qui accompagneront une chanson ou un morceau de musique seront riches et pertinentes, plus ils auront d’opportunités de ressortir dans un contexte particulier et d’être écoutés.

« A l’heure qu’il est, l’industrie de la musique n’est payée que pour 5 % de la consommation de musique dans l’environnement numérique. Il y a là une formidable opportunité d’augmenter ce pourcentage de manière significative, avance Terry Mc Bride. Ce n’est pas une opportunité d’augmenter le prix de la musique, mais d’augmenter sa valeur. » Un nouveau paradigme dans lequel ce n’est plus le contenu qui est roi, mais le contexte dans lequel il est délivré.

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Cet article a été initialement publié sur Musique Info.

Crédits photo CC flickr : Pieter Baert, virtualmusictv, mathias poujol rost, roberto

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http://owni.fr/2010/11/04/redefinir-les-modeles-economiques-de-la-musique/feed/ 7
ONA Awards 2010: ||l’aventure américaine d’OWNI http://owni.fr/2010/11/01/ona-awards-2010-aventure-americaine-owni/ http://owni.fr/2010/11/01/ona-awards-2010-aventure-americaine-owni/#comments Mon, 01 Nov 2010 12:28:49 +0000 Nicolas Voisin http://owni.fr/?p=34324 Pour gagner un prix, comme pour accrocher au revers de son veston le pin’s de la Légion d’honneur, il faut d’abord concourir. S’inscrire. Postuler. Et comme à tout concours, quoi qu’en ait pensé notre compatriote de Coubertin, participer a beau être essentiel, c’est loin d’être la finalité.


Chaque année depuis dix ans, l’Online News Association organise et décerne les prix les plus reconnus en matière d’innovation et d’excellence journalistique à l’échelle mondiale, avec un (très) fort tropisme américain. Depuis 3 ans que les prix en langue “non-anglaise” existent, seul un projet de l’AFP qui consistait en une couverture originale du Tour de France avait permis à la France de se distinguer en emportant un prix. Rue89 et Blogtrotter avait quand à eux atteint les phases finales. S’il y a peu à y gagner (3 000 dollars pour la catégorie des sites touchants moins d’un million de visiteurs uniques par mois et en langue non-anglaise, dite “non-english small site”) nul journaliste ou “patron de presse” ne niera que les “Awards” de l’ONA sont le principal trophée international du journalisme web.

Vague but exciting

C’est Adriano Farano, associé au sein d’OWNI, actuellement à Palo Alto dans le cadre de la Fellowship de la Knight Foundation, qui a rempli le formulaire en ligne, en mai dernier.

- J’ai fait une première version, j’ai besoin que vous regardiez…

me confia Adriano, avec son accent chantant italien, une heure après s’y être attelé.

La soucoupe étant loin – très loin – d’être un centre de villégiature, ni les développeurs, ni les éditeurs et journalistes et encore moins le directeur de la publication que je suis n’ont véritablement investi d’attention alors à cet ouvrage. Je l’ai biffé à deux endroits. “Chez OWNI, on travaille mon bon monsieur, on a guère le temps pour les concours de miss”, pensai-je intérieurement.

L’axe canado-taïwanais

Il y a un peu plus d’un mois, fin septembre 2010, les centaines de “screeners” qui donnent les premières notes aux sites en compétition ont rendu leurs copies aux juges de l’ONA. Ceux-ci se prononcèrent : nous étions en finale. Nos pairs nous signifiaient que notre travail était de qualité, bien que très dissonant dans le paysage médiatique : pas de publicité, pas d’abonnement, pas d’acte d’achat direct ou de péage ; une rédaction (vingt salariés) sans chefs ni sous-chefs en strates et sous-strates mais dotée d’autant de développeurs et de designers que de journalistes, adossée à une communauté de près d’un millier de blogueurs et auteurs de talent (journalistes, universitaires, professeurs, experts, étudiants…) avec laquelle nous avons des liens véritables : combien sont venus boire un verre, partager un déjeuner…

De cette première bonne nouvelle, nous avons fait une brève – et comme à chaque excuse qui se présente, nous avons trinqué avec force joie!

Les juges allaient donc regarder attentivement les sites des finalistes quelques jours durant afin de se prononcer. Ils sont plus d’une centaine. Des pros. Face à nous : les Canadiens de Cyberpresse.ca et un site taïwanais propulsé par Yahoo, Local Foods Yahoo!Taiwan. Branle-bas de combat au 50ter rue de Malte. Nous devions leur montrer le meilleur de ce que nous aspirons à vous délivrer au quotidien, le plus juste de notre engagement : démontrer que l’on était non seulement un #beaumedia (on y reviendra ;) mais en plus de cela que notre approche était vraiment à valeur ajoutée, citoyenne, pédagogique, économique et culturelle. Il s’agissait de monter en puissance, en exigence, mieux, en audace.

6 octobre 2010, 21 : 30

Un appel téléphonique.

- Allo, c’est XXXX XXXXXXX*

Comme pour les Oscars, un référent parmi les juges doit signifier au gagnant qu’il serait tres bienvenu qu’il n’ommette pas de se déplacer, afin que celui-ci ne soit pas absent le jour J.

- Nicolas, vous devez être à Washington ! Je ne fais que vous en informer afin que vous soyez à tout prix présents. Mais n’en parlez pas.

(ce log a été anonymisé avant publication /-)

Waow ! Notre métier n’est pas de (se) taire. Cela allait représenter une première, rapidement renouvelée. Se taire… Au point de ne même pas pouvoir crier sa joie, partager cette fierté sans précédent, pas même avec ma femme ni avec ceux avec qui je passe 12 heures (voire bien plus) par jour. Se taire. Et pleurer, déjà. De bonheur. Incrédule. Sonné et remonté comme jamais. Je n’ai trouvé qu’un exutoire : écrire le discours qu’il faudrait prononcer ce jour-là, ce 30 octobre en orbite (voir plus bas). Tenter de ne pas perdre authenticité et émotion. Être dans le vrai, ne pas avoir à chercher quelque “spontanéité a postériori” trois semaines plus tard, quand il faudra monter sur scène et dire à tous pourquoi cet honneur en est véritablement un – au-delà de la reconnaissance par les plus grands professionnels de notre écosystème.

Agenda de guerre

Pendant ces folles semaines, notre chemin a croisé celui de Julian Assange, rendant la séquence encore plus complexe. Nos clients, à qui nous livrons des sites de publication en open source et des interfaces de datavisualisation et applications de “journalisme augmenté“, n’ont pas cessé de nous solliciter non plus. L’actualité et les grèves à répétition comme les enjeux de ces rebellions quotidiennes n’ont pas permis de baisser à un seul moment la garde. Mieux ? La dernière semaine, nous avons carrément fait “les trois huit”, une partie de l’équipe étant à Washington dans le plus grand secret, l’autre lançant, en cinq jours, pas moins de trois sites (OWNIsciences, OWNIpolitics et OWNI.eu en langue anglaise et européennes).

Cette période fut d’autant plus folle en terme de pression que ces enjeux en croisaient d’autres :

- le 22 octobre 2010, nous devions (et avons ;) bouclé notre levée de fonds, initiée en août.

- Ce même 22 octobre, nous sortions, sans en avoir maitrisé à aucun moment le calendrier, l’application qui permet à WikiLeaks de donner à qualifier de façon optimale les 400 000 documents classés secrets défense portant sur la guerre en Irak. Peut-être la plus grande fuite de l’histoire de la guerre mais avant tout la plus grande collaboration transnationale de l’histoire contemporaine des médias.

Le media qui vit de l’innovation

Nous étions une entreprise sortie de terre sans aucun moyen financier propre mais douée de la religion de l’indépendance (celle qui a pour “culte” le fait de ne pas perdre d’argent, au risque de perdre alors toute liberté et de fausser toute ambition, et pour “église” un capital et un plan de vol ouverts à nos forces vives, l’essentiel d’entre nous étant associé au sein de la société : Nicolas Voisin, Franz Vasseur, Florimont (Pierre Bilger), cofondateurs et Thomas Wersinger, Aurélien Fache, Guillaume Ledit, Loguy, Adriano Farano, Sabine Blanc, Nicolas Kayser-Bril, Rémi Vincent). Nous étions une structure profitable qui a financé sans subvention ni crédit un nouveau média ; nous devenions aux yeux des plus grands de la profession “le média qui vit de l’innovation”, quand tant d’autres peinent à survivre de publicités invasives, ou d’abonnements excluants…

Remettons donc ces trois semaines dans leur ordre chronologique : WikiLeaks, bouclage de la levée et départ à Washington se sont déroulés sur une période de vingt jours ! Ce n’est pas le plus reposant des scénarios. En même temps – c’est le cas de le dire – si les arbitrages stratégiques à réaliser au quotidien étaient on ne peut plus complexes, je vous mentirais si je vous disais que tout cela ne s’est pas fait dans un esprit rock & roll et sans une tension émotionnelle exceptionnelle.

Together we rock !

En cette fin octobre, Kima Ventures (Xavier Niel), Marc Simoncini, Michele Cerqua, Jean-Philippe Larramendy, Marie-Hélène de Lesquen, Henri Pinon, Pink / Faber Novel (Stéphane Distinguin), mais aussi des membres déjà actifs de la soucoupe (Régis Confavreux, Pierre Romera et Martin Untersinger) sont entrés au capital d’OWNI pour un peu plus de 12% des parts de la société. Toutes les actions émises on été vendues.

Ceci nous garantit d’ores et déjà une force d’investissement et une trésorerie dépassant les 300 000 € (et donne à la soucoupe une “valorisation” de près de 3 millions d’Euros – pas mal pour un nouveau né ;-). Dans la foulée, nous allons à nouveau ouvrir notre capital, et cherchons à réunir, pour porter nos projets d’applications, “d’objet en bois d’arbre” (si, si !) et de R&D (notamment) 1 à 1,5 millions d’Euros, pour 10 à 15% du capital. Ainsi, nous détiendrons toujours plus de 70% de notre compagnie – l’indépendance est à ce prix – mais auront également une force de frappe qui n’aura rien à envier à nos confrères, en particulier d’outre atlantique. Je rappelle, à toutes fins utiles, qu’OWNI est une société qui ne perd, mois après mois, aucun argent, et réinvestit la totalité de sa marge dans le développement de ce groupe de médias européens innovants, bâtis pas à pas. Ce modèle mixte est le cœur de notre liberté. Un point clef de notre originalité.

K Street

Ces derniers jours, nous avons donc pris bagages à main et United Airlines (et ses repas innommables :) direction l’hôtel Renaissance Marriott de Washington où se tenait le meeting annuel de l’ONA, à 300m de l’un des principaux bureaux du FBI et 3 km de l’Intelligence Center de la CIA ; ceci 8 jours après la mise en ligne de l‘application des IraqLogs. Certains nous pariaient 10 ans sans séjour américain… L’imagination n’est pas toujours bonne conseillère !

Arrivés avec 3 jours d’avance, en plein rassemblement de gradés et collectionneurs de pin’s militaires, nous avons installé notre WarRoom & QG-wifi au sein du “lobby” – cela ne s’invente pas, le Renaissance est à l’angle de K street, la rue des lobby, et notre espace de travail, aux sièges capables d’accueillir chacun un cheval, est aussi nommé le lobby !

Le jury a motivé son choix ainsi : “ The judges concluded that OWNI offers, for its size, an ambitious commitment to many of the most innovative uses of digital journalism available. Its clearly designed, superbly functional site is a role model for others in how to generate engagement and produce great journalism at the same time”.

Le 30 octobre 2010, à 22h, soit 4 heures du matin heure française, et après un moment de pression digne d’un James-Bond-ou-presque, les 4 petits français que nous sommes (ici de gauche à droite : Adriano Farano, Nicolas Kayser-Bril, Nicolas Voisin et Franz Vasseur) ont eu l’ultime confirmation de cette victoire… Et ont gravi la scène de ce qu’il est convenu d’appeler les Oscars du journalisme.

La suite tient en des milliers de tweets, une vidéo en live et un discours : ici à 1h14 / ne manquez pas non plus le clin d’oeil du présentateur à 1h21 !)

Les plus attentifs d’entre-ceux qui l’ont entendu ont noté que mon anglais n’a d’égal que la qualité de la restauration sur United Airlines)

Ces 15 jours passés à taire un bonheur et à construire le meilleur ont été une expérience sans pareil.

Vous avez aimé octobre ? Joyeux novembre !

Voici, à nouveau, une profession de foi. Celle-ci dans la langue de Shakespeare (ou presque /-)
Voici le discours “prononcé” ce soir-là.

Washington DC 2010/10/30

(NV) Good evening Washington DC,
Sorry we’re french, we prepared something :)

OWNI is only 2 years old.
It was already a great honor to have been selected by the Online News Association.
And you award us this prize: the honor is doubled.
Above all for the modest French craftsmen we are.

I have thirty seconds to thank my Mom, my wife and eleven-month old Eva.
But let me before introduce another Nicolas (a few years ago it was a trend to be a Nicolas in France) Nicolas Kayser Bril, our head datajournalist.

(NKB) We’d like to thank our bloggers, our 900 authors.
We thank our journalists, datajournalists 
our community editors .
Our five designers 
our illustrators, infographists, artists, and our many, many developers.
All the craftsmen and women who make this beautiful young media group

 .
We’d like to thank OWNI’s twenty full-time employees 
who’re 27 on average.

We’re are WordPress specialists.
We’re Javascript and HTML five addicts.
We’re among the only actors in datajournalism in France (and continental Europe).
We’re social media editors.
While our competitors still sell time, or ad, we are the watchmakers of the news.
We rather design, develop and sell publishing platforms and datavisualization to the main medias in Europe.
With those revenue streams we are able to fully finance our own media owni, without any ads or paywall, and remain wholly independent.
We are at the same time a profitable company and a free open source media that publishes everything under a Creative Commons license.
We innovate with passion 

!
We’re online, we’re coming on iPad and mobile devices and in English. And we’ll try new innovations, even on paper.

(NV) About this,
We’re opening our second round of funding to those who believe in the need for mediation 
innovation 
experimentation 
and subsidiarity.

We’d like to thank the Online News Association for their inspired choice.
Such a vote is well worth the rings under our eyes and a few years’ hard work.

We are half rock ’n roll, half businesspeople.

Welcome on board /-)

Together, we rock!

* = NDLR : clin d’oeil appuyé à d’autres rebondissements ayant conduit à travailler dans le plus grand secret et dont on a depuis eu l’occasion de vous faire part.



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http://owni.fr/2010/11/01/ona-awards-2010-aventure-americaine-owni/feed/ 27
Frères humains, qu’est-ce que Twitter a fait de nous? http://owni.fr/2010/09/12/freres-humains-quest-ce-que-twitter-a-fait-de-nous/ http://owni.fr/2010/09/12/freres-humains-quest-ce-que-twitter-a-fait-de-nous/#comments Sun, 12 Sep 2010 17:58:31 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=27946 “A force de vie irréelle, peut-être dirons nous un jour aux gens IRL (in real life) : j’ai vu tant de choses que vous humains ne pourrez jamais voir”… Cette semaine, j’ai tweeté à deux reprises cette réflexion personnelle inspirée de la scène finale de “Blade Runner”. Les  @Garriberts de “Libé” me l’ont fait remarquer. Je les en remercie ici, ils ont fait germer l’idée, l’envie d’écrire de ce billet. Voilà ce que je leur ai répondu: “J’adore me répéter dans le bruit de nos gazouillis, prêcher K.Dick dans le désert confus de la Twittosphère.

Prêcher ? Oui pourquoi pas. Car, frères humains, je m’interroge de plus en plus : mais qu’est-ce que Twitter est en train de faire de nous ? Des “répliquants” numériques peut-être… Comme un medium esquissant l’un de nos futurs possibles dans ses livres uchroniques, le génial Philip K. Dick l’avait prédit dans“Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques”, le formidable roman de “SF” qui servit de base au scénario du “Blade Runner” de Ridley Scott : un jour, il nous sera sans doute impossible de distinguer l’homme de la machine, les êtres réels de leurs simulacres

Le répliquant Roy joué par Rutger Hauer dans le final de "Blade Runner"

Ce jour est peut-être arrivé en l’an de grâce 2010: l’année où l’internet temps réel a commencé à nous suivre partout, sur tous nos écrans, faisant de nous des mutants connectés en permanence. J’ouvre mes yeux fatigués par ces jours et ces nuits online et je crois bien que nous, adeptes forcenés du réseau “social” Twitter, sommes peut-être en train de nous confondre avec nos Avatars, nos identités numériques dans ce monde parallèle… Twitter prend de plus en plus de place dans nos vies, jusqu’à nous rendre absents au réel, à nous mêmes. Regardez-vous, regardez nous hypnotisés par la rivière de mots, d’infos, de pensées et d’émotions qui défile sur nos écrans tactiles.

La seule chose qui nous obsède c’est : que se passe-t-il en ce moment là-bas dans la Twittosphère ? Qu’est ce qu’on y raconte, c’est quoi la story, le LOL du jour ? Suis-je cité ? Repris pour ce billet, ce lien inédit ou ce trait d’esprit ? Ais-je reçu des DM, ces messages privés qui nous rapprochent entre Twitteraddict (je déteste l’anglicisme un rien vulgaire du terme “Twittos”) ? Merde je vais encore devoir remonter 6 heures de “time line” (TL) pour en être sûr de ne pas avoir manqué quelque chose…

Nous marchons dans la rue ou prenons le métro sans voir les gens; à la maison nous regardons des films en famille sans être là, l’air absent ou les yeux rivés sur l’iPhone ; nous parlons moins aux gens qui nous aiment encore en vrai à côté de nous pour tisser d’étranges liens amicaux, voire amoureux avec des inconnus qui nous deviennent très proches; au bureau, les vrais collègues ne sont pas autour de nous dans l’open space mais sur Tweetdeck ouvert en permanence sur l’écran de nos postes de travail…

J’ai déjà évoqué mon addiction, la notre, dans cette interview  “Twitter est une drogue dure pour les journalistes” et aussi ce billet” To be or not to be a tweet’journalist” . Mais il y a six mois, un an, une éternité à l’échelle de notre monde de micro-blogging, je concevais cet usage compulsif du message en 140 signes uniquement comme outil professionnel. Jamais je n’aurais cru que j’allais m’immerger à ce point dans les limbes virtuelles de la TwittRéalité

Au petit matin, alors que coule encore le café, j’allume mon ordi et vos gazouillis m’accueillent. Je dis “Bonjour Twitterland” et je commence à tweeter ma revue de presse, mes liens, à savoir de quoi sera faite ma journée de journaliste. Mais le plus important, le plus rassurant peut-être, c’est que vous êtes tous là. Comme tous les matins. Vous les veilleurs infatigables et compulsifs comme @GillesKlein ou@florencedesruol. Vous les confrères et amis @ZaraA@Zetwitte ,@Capucine_Cousin et tant d’autres. Vous les Aliens de la Soucoupe Owni :@nicolasvoisin@sabineblanc @LeGuillaume et tout l’équipage. Vous les jeunes journalistes-brandeurs @StevenJambot @Cecile_Jandau @JeremyJoly et bien d’autres qui êtes un peu l’avenir du métier ;-) Vous les LOLeurs comme @vincentgladqui êtes moins trash et bien moins cyniques que ce votre “TL” pourrait laisser penser. Le soir aussi, il y a les oiseaux de nuit comme @Menilmuche , @Donjipez, la belle patrouilleuse du Web belgo-londonienne @IsabelleOtto ou la divine et si littéraire@OhOceane.

La répliquante Pris dans "Blade Runner

J’en oublie beaucoup, il y en a tant d’autres gens étonnants, intéressants, passionnants à citer quand on suit près de 500 personnes sur Twitter. J‘aime lire dans vos pensées en 140 signes, j’aime vos mots à tous, ces fragments d’expérience et d’humanité, ils m’accompagnent le jour et la nuit…mais ils m’éloignent aussi de la vraie vie. Même si l’on se rencontre parfois IRL. Et que l’on fait de vraies rencontres professionnelles et humaines. Alors régulièrement, j’essaie de décrocher…sans grand succès ;-) “Twitter c’est comme du crack, cela m’effraie” a écrit un blogueur du “New York Times”. C’est la vérité. Vous les Twitteraddict vous l’avez tous essayé et adopté cette dope de la connexion permanente real time…Et après tout pourquoi résister à cette formidable expérience virtuelle ?

C’est fascinant de construire une autre réalité, un monde parallèle paradoxalement en prise avec le réel, du haut duquel nous observons l’actualité en marche, la petite histoire et la grande en train de se faire. Voilà d’ailleurs ce que me faisais remarquer @choregie7 l’autre jour sur Twitter  : “Mais c’est pour ça que j’écris sous pseudo , lui est réel, moi non ! Ce que je dis ici est donc la réalité”.

Où est la vraie vie ? Irréelle et IRL…Les deux réalités se confondent et s’imbriquent de plus en plus inextricablement. Peut-être sommes nous des transhumains, en train de fusionner avec le réseau grâce nos pseudopodes numériques – smartphones, tablettes et autres laptop – qui deviennent comme des prolongements de nous mêmes…Philip K. Dick l’avait prédit il y a plus de 40 ans. Un autre voyant extra-ludice, Michel Houellebecq dont je lis en ce moment “La Carte et le Territoire”, le constate cliniquement et sans affect aujourd’hui :

Alors que les espèces animales les plus insignifiantes mettent des milliers, parfois des millions d’années à disparaitre les produits manufacturés sont rayés du globe en quelques jours. Nous aussi nous serons frappés d’obsolescence

Peut-être sommes nous tout simplement en train de muter, d’évoluer pour accompagner la grande révolution numérique. Pour ne pas être frappés d’obsolescence. Pour survivre. Sans devenir des machines, ni renoncer pour autant à notre Humanité. De la même manière que Roy, le répliquant Nexus de “Blade Runner” cherchait désespérément à devenir humain, nous essayons d’établir sur Twitter et ailleurs une connexion intuitive neuronale et quasi-biologique avec Internet. Cet organisme vivant qu’est en train de devenir le World Wide Web, transformant le monde en un village global digital, l’irriguant d’une multitude de données numérisées comme un coeur pulsant un fluide vital à travers un immense réseau sanguin fait de cuivre et de fibre optique… (cherchez l’auto-plagiat)

Pour finir ce billet un peu halluciné, je ne résiste pas au plaisir de vous offrir la scène finale de “Blade Runner”. Roy, le répliquant qui voulait être un homme:“J’ai vu tant de choses que vous humains ne pourriez pas croire, de grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion…”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Article initialement publié sur le blog de JC Féraud: “Sur mon Ecran radar”

Crédit Photo: CC FlickR par Fenchurch!

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Ping ne sera pas le MySpace killer attendu (loin de là) http://owni.fr/2010/09/07/ping-ne-sera-pas-le-myspace-killer-attendu-loin-de-la/ http://owni.fr/2010/09/07/ping-ne-sera-pas-le-myspace-killer-attendu-loin-de-la/#comments Tue, 07 Sep 2010 06:30:24 +0000 Martin Lessard http://owni.fr/?p=26411 Martin Lessard, blogueur Montréalais influent entre autres choses, revient sur l’annonce de Steve jobs de l’arrivée du média social Ping lors de la keynote Apple du 1er septembre dernier.

Dans la seconde même où Steve Jobs annonçait le lancement de Ping, le nouveau «réseau social de musique» d’Apple, @Scobleizer a tweeté «Apple just killed MySpace. Totally dead now». On peut conclure deux choses: Scobleizer a (1) exprimé l’ampleur de ses attentes messianiques face à un service qu’il ne connaissait pas et (2) démontré qu’il est impossible d’avoir du recul en temps réel.

Pour le point 2, Scobleizer donne parfaitement raison aux détracteurs de la communication en «temps réel» (Virilio en tête: «L’immédiateté est le contraire de l’information») et autres annonciateurs de l’antéchrist [MàJ: Rioux: Avant d'écrire, il fallait d'abord apprendre à se taire].

Je n’aborderai pas ce sujet, le volubile Scobleizer n’étant pas à mon avis dans le paradigme journalistique des faits (modèle de véracité validé a priori) mais plus dans un modèle d’opinions probabilistes –dans le lot de ses intuitions, certaines devraient bien se réaliser (modèle de véracité a posteriori).

Ping : un service, pas un produit

Pour le point 1, quand Apple annonce un produit, inutile de dire qu’il dépasse souvent nos attentes. Mais Ping est un service et ce n’est pas la même chose. Et dans le domaine des réseaux sociaux, Apple ne fait pas figure de proue.

Ping vient avec la dernière mouture d’iTunes (v10). Apple vient y ajouter une composante permettant une sérendipidité sociale pour découvrir de nouveaux morceaux. On peut suivre ses «amis» pour connaître ce qu’ils «aiment», «commentent» ou «achètent» sur iTunes.

Erick Schonfeld de TechCrunch le décrit bien: le plus grand problème qu’il y voit est que Ping est exclusivement confiné à iTunes. «iTunes n’est pas social, il n’est même pas sur le web». Pas moyen (encore) de le relier à d’autres réseaux sociaux (ni même de copier un URL et de le partager).

Contrairement à ce que dit Wired, le web n’est pas mort et le HTML est le langage universel.

Et Apple a comme assomption que ce que vous achetez, vous l’aimez. Hum. Mon iTunes à moi est simplement un magasin en ligne pour toute ma famille. Je n’aime pas tout ce que j’y achète [MàJ: mes enfants, par contre, adorent]. Mon reçu de caisse n’est pas une pétition. Si au moins je pouvais activer le bouton «musique que j’aime» quand j’écoute, ça serait déjà une amélioration –et sémantiquement plus approprié. Le iStore n’est pas l’endroit où je me tiens en permanence [MàJ: iStore est magasin d'iTunes, un sous-menu en fait, mais qui représente un espace tout à fait différent du reste du logiciel].

Ping ne s’intéresse qu’à ce que vous faites dans le iTunes Store, pas dans vos listes. Et me retrouver comme un pusher de mp3 (un énorme bouton d’achat apparaît à côté de vos «recommandations») me laisse dubitatif… [MàJ: quand on s'inscrit à Ping, on reçoit un courriel signé «The iTunes Store Team». On ne cache pas ses couleurs]

Pas d’achat, pas de post sur votre timeline.

Eh oui, pour afficher dans mon flot de nouvelles, je dois acheter une chanson.

Bien sûr, les grands de ce monde (comme Cold Play), eux, ont droit à une «timeline» qu’ils contrôlent. Mais pas le citoyen lambda. Voilà bien un réseau social bien médiéval: les puissants ne frayent pas avec le peuple.

Ping dans iTunes est un exemple de sérendipité automatisé pour découvrir des chansons. Le «social» y est plutôt subordonné au commercial.

Apple n’est pas reconnu pour son côté social (il n’a pas de présence dans les médias sociaux comme on pourrait s’y attendre d’une grande compagnie).

C’est une compagnie de hardware et de software, et l’humain y a été modélisé a un tel point (Apple excelle dans la relation humain-machine) qu’ils ont oublié ce que c’est la relation humain-humain…

Plus de lecture: 10 things Apple can do to rescue its experiment in social networking (de Philip Elmer-DeWitt de CNN)

Article initialement publié sur Zero Seconde

Crédits photos CC Giddy’s Photo & maurymccown

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Community Manager vs Nettoyeurs du Web http://owni.fr/2010/07/29/community-manager-vs-nettoyeurs-du-web/ http://owni.fr/2010/07/29/community-manager-vs-nettoyeurs-du-web/#comments Thu, 29 Jul 2010 09:20:24 +0000 Antoine Dupin http://owni.fr/?p=22736 Si Bob se présente à vous sous cette forme : « Salut, je suis nettoyeur ». Deux choses l’une, soit vous pensez à Léon ou au Crying Freeman en la personne de tueur à gage, soit vous pensez aux deux nanas qui font du ménage sur TF1.

Au milieu des deux, il n’y a pas Joséphine mais bien de véritables nettoyeurs numériques, qui vont assassiner votre ancienne vie afin de faire le ménage, faire de vous une personne ou une société plus propre. C’est le côté sombre des fabricants de réputation numérique, le pouvoir obscur. Oui nous avons pas mal fait de trucs moches, oui nous exploitons nos employés et oui si vous pouviez fermer vos gueules ce serait bien. Classe. Cette approche prône l’aliénation mentale de l’individu par l’asservissement du droit d’expression, au motif que l’image d’une entreprise, même dans sa pire expression, serait plus importante.

D’un autre côté, il y a le community manager, celui qui va, en gros, animer une communauté pour en faire des évangélistes de la marque, même si ce terme fait penser à un gourou animant une bande d’illuminés, ce qui n’en est presque rien (oui car il y aura toujours des acharnés). Oui nous avons pas mal fait de trucs moches, oui nous exploitons nos employés et oui nous sommes prêt en discuter et à nous améliorer. Classe. Cette approche se base sur le respect d’autrui et va confronter l’entreprise à une réalité qui ne serait pas virtuelle mais bien réelle, sorte de retour client en grandeur nature, à condition d’effectivement apporter des amélioration sinon c’est oui oui mais non.

Ce sont deux philosophies différentes, la première qui cherche avant toute chose à noyer un poisson (ce qui est très dur quand on y pense) en utilisant un bon coup de dynamite, la seconde qui s’appuie sur une communauté pour bâtir son image. Pour vulgariser s’affronte la démocratie de l’échange contre la dictature de l’apparence.

Au final, l’objectif étant de sortir tout beau sur les moteurs de recherche, mais également d’influencer les probables échanges réels et virtuels qu’on ne saurait voir ou entendre.

1 – Les nettoyeurs du web, enfants de Don Quichotte ?

Le nettoyeur du web est un Don Quichotte version moderne qui va se battre contre des éoliennes (plus modernes).

Sa méthode ? Identifier les sites négatifs,  demander le retrait des contenus ou du moins  masquer le nom de la marque, envoyer des avocats quand il y a refus, voir dans le pire des agences, cracker les sites morts sans personne aux manettes (mais bon personne ne le fait hein ho). Un peu comme dans l’émission C Du Propre, il va tenter de faire partir la crasse, sans pour autant réussir à tout récupérer, et lorsqu’il reviendra plusieurs mois après, rien ne dit qu’effectivement de nouvelles saloperies ne seront pas apparues.

Le web est social, tout internaute est un producteur de contenu et potentiellement un enragé en puissance. Dans un article de Le Monde (ou du Monde), on nous apprend la triste vie d’un gentil trafiquant d’armes qui depuis s’est mis au vert, vu qu’il a monté une usine de biocarburant (je sais la galéjade était facile). Résultat, on appelle Denise et Simone pour nettoyer tout ça sauf que …

L’une des affaires impliquant « M. Lambert » fut évoquée lors d’une enquête parlementaire, dont le compte rendu reste publié sur un site officiel. Par ailleurs, des blogueurs militants, qui ont republié certains articles et rédigé des commentaires, refusent de les effacer, et s’insurgent contre cette forme de censure.

Oui parce que vous aurez beau nettoyer, si un consommateur n’est pas content, il trouvera bien le moyen de le faire savoir. Mais bon, pas de panique, on veille sur les moteurs de recherche que le pigeon client ne s’est pas manifesté.

Ah oui, comme Google est mon ami, je pense que si jamais le site qui incrimine mon entreprise ou mon commerce disparait je serais blanchi. Perdu. Car dans le cas d’une recherche générale sur un ensemble de sociétés dans une zone de chalandise (genre des restaurants), il y aura toujours des forums, ou des sites dédiés… Et là, allez-y pour ne laisser que les avis positifs. Ces dernier perdraient en crédibilité, ils n’auraient par conséquent aucune raison de se plier à la volonté du monsieur aux lunettes noires :

Oui car le nettoyeur agit avant tout sur le nom, et sur le moteur de recherche. Or le web est social, l’internaute presque intelligent (faut pas charrier non plus), il comprend le fonctionnement du monde dans lequel il évolue et commence à savoir où chercher de l’information crédible et surtout dispose de communautés qui vont lui répondre rapidement, de manière impartiale.

Je le dis, je le répète, mais je suis certains que l’avenir de la recherche sur Internet sera, sans nul doute sémantique, mais surtout basée sur une interaction avec nos communautés et leurs recommandations. Ainsi, pouvons nous imaginer voir un jour un résultat de ce type :

Où ils seront les nettoyeurs du web dans une recherche qui change de visage selon les communautés ? Il faut que vous compreniez que dans tout état fasciste (attention, fasciste c’est italien, je ne parle pas de nazisme pour éviter le point Godwin) on a toujours essayé de faire taire les voix dissidentes mais qu’elles ont continué de raisonner dans les abimes relationnelles (regardez les fondements de la résistance). Or, dans un contexte de recommandation sociale, à moins de vous transformer en policier et de porter plainte partout et contre tout le monde (et encore vous ne saurez probablement jamais ce qui se dit réellement de vous),  je ne vois pas ce qui pourrait vous permettre d’agir et d’influencer sur cette communauté. Pensez futur, soyez in !

Effacer ses traces c’est faire abnégation des revendications, des attentes des clients et c’est surtout faire une sorte de censure, et ça les internautes, il n’y a rien de tel pour les mettre encore plus en rogne lorsque qu’on les recommandera. Cela me rappelle mon ancien logement, une énorme poutre avait traversé le plafond de mon voisin, manquant de le tuer, car l’immeuble était vétuste. Résultat : le syndic a repeint la cage d’escalier. C’est exactement ça, vous changez la forme, mais pas le fond. Vous jouez sur du technique et ne prenez en compte le facteur humain. Vous bâtissez une splendide cathédrale à votre gloire dont la charpente, vos clients, menace de s’effondrer car vous n’aurez pas pris en considération le problème.

Comme le rappelle Camille dans le cadre de “l’affaire Libération” :

Cela démontre d’une part que le « nettoyage » est impossible, mais aussi que les internautes ont leur propre mémoire (organique).

Une mémoire organique… Car il n’y a pas que Google, il y a réellement une conscience collective. C’est beau de jouer sur le technique, dans un web collaboratif où de plus en plus le poids de sa communauté a une importance dans l’acte. C’est oublier que l’individu dispose d’un truc incroyable que l’on appelle mémoire : c’est se tirer une balle dans le pied. Car à force de nettoyer à tout va, on a vite fait de se dire qu’on est à l’abri, et ce n’est que technique.

Pour finir, je reprendrais cette citation de Spintank qui va jusqu’à appeler ça un attrape-gogo :

Les mesures techniques, dans un univers où l’expression personnelle en réseau, et la volumétrie de publication de contenus est souvent, sur une entreprise, une marque, extrêmement abondante, très mouvante, croire que l’on peut résoudre la problématique de la trace numérique de la réputation de cette entité par de simples mesures techniques est une illusion, ou pire encore. Un attrape-gogo, un surf sur une peur, l’entretien de l’ignorance par une illusion techniciste.

Pensez bien à cela. Oui vous allez pouvoir effacer de nombreuses traces et enfoncer le tout dans le fond du web. Mais lorsque l’on enfouit trop d’ordures en se disant on verra plus tard, c’est prendre le risque que ces dernières ne jaillissent dans un geyser d’insultes et de propos négatifs, se rependant tels du lisier dans le firmament obscur du web social là où une simple approche crédible et ouverte aurait pu amener un vrai dialogue.

2 – Le Community Manager, une personne cool

Le community manager, c’est Paul Le Poulpe, le gentil céphalopode aux mille métiers en un. Capable d’anticiper ou de s’adapter aux situations, le stagiaire community manager est un de ces nombreux néologismes que les gourous du web nous ont gentiment pondu sans nous livrer de notice. En fait, community manager, ce n’est pas qu’un type qui anime une communauté mais bien un ensemble de corps de métiers en un au service de la communication social de l’entreprise. Un jour on trouvera une définition crédible, mais là pour l’heure…

À l’inverse du nettoyeur, le community manager va lui façonner l’image de l’entreprise sur du long terme en s’appuyant sur les autres et sur leurs retours. À une attaque sur un site tiers, il répond de manière transparente et argumentée, pouvant faire appel à des forces tierces déjà présentes dans l’entreprise (comme un responsable produit) et si l’attaque se fait sur son territoire (ses réseaux), il pourra, si il a bien fait son job, compter sur sa communauté pour apporter de l’eau à son moulin.

C’est une approche sur le fond. Le community manager est une personne au service des autres, là où le nettoyeur du web asservit son prochain. En mettant en avant sa communauté au-delà du produit, en l’écoutant et en agissant en fonction, il va construire une réputation numérique multi-facettes, une approche beaucoup plus crédible car elle ne sera pas que technique mais  jouera sur la mémoire organique, sur les émotions, sur l’engagement et par conséquent l’inscrira sur du long terme. Être à l’écoute de ses clients est primordial dans la façon dont ces derniers vont appréhender la marque et vont partager ce sentiment.

En terme de nettoyage de données litigieuses, l’utilisation des réseaux sociaux devrait produire le même effet que les obscurantistes, à savoir le fait de rendre moins visibles les contenus pouvant ternir l’image et de faire remonter des informations pertinentes et maîtrisées (blogs, comptes Twitter, images Flickr). Cependant, à la différence du premier, cette méthode repose sur la constitution d’une communauté, prendra donc plusieurs formes et plusieurs visages, et jouera ainsi sur deux tableaux, le technique, mais également l’organique, ce qui permettra de désamorcer une partie de l’animosité ambiante en laissant ouverte une tribune aux usages.

Car l’avenir du web, comme je le disais et comme je le vois, sera basé sur une relation  sociale guidant l’internaute dans les méandres de l’information fast food de plus en plus artificielle. Je cherche un restaurant, quels sont ceux plébiscités par ma communauté et pas ceux qui auront réussi à payer un référenceur ?

N’oubliez pas, dans le cadre de plus en plus d’actualité de la vie privé sur internet et de sa protection, ces données n’apparaissent pas dans les moteurs de recherche. Comme les blagues à deux francs six sous que l’on partage avec ses amis sur Facebook pour peu qu’on ait actionné les bon leviers de la confidentialité. Ces échanges du type « n’allez pas là ce sont des » touchent une partie de la clientèle et sont la partie sous-marine de l’iceberg. L’adage « un client mécontent c’est dix de perdus » se transformant en « un client mécontent c’est une communauté de perdue », soit presque dix fois plus.

À réfléchir donc. Le manager de communauté lui va pouvoir communiquer avec les clients pour leur faire voir un autre aspect, améliorer l’image et par conséquent influer sur une partie de ces recommandations sociales (normalement s’il est pas trop mauvais) (oui car vous n’arriverez jamais à changer tous les avis, faut pas se voiler la face).

C’est cette donnée qui est essentielle et souvent oubliée, le facteur humain. Comme le souligne Documental :

Il faut montrer qu’on écoute les internautes tout en reprenant la main sur ce qui se dit sur la marque.

Conclusion

L’entreprise doit comprendre qu’il existe et qu’il existera toujours des arguments négatifs sur son nom. Il faut traiter le fond et non la forme, c’est essentiel. Le fond, c’est la façon dont les consommateurs perçoivent la marque, la forme, c’est la manière dont ils s’expriment. Par exemple, devant la montée d’un ras-le-bol de ses clients, Dell a carrément mis en place une plateforme pour centraliser le tout et répondre aux préoccupations, ce qui a marché. La clé du succès d’une réputation numérique crédible réside dans la façon dont les internautes l’appréhendent, pas dans la manière dont l’entreprise cherche à se placer.

Le nettoyeur est un cache-misère, il ne s’attaque pas réellement au problème, il ne fait que l’effacer, ce dernier demeurant endormi jusqu’au jour où… Le community manager lui va répondre aux attentes en analysant le besoin, voire en faisant intervenir certaines forces. Dans de nombreuses entreprises, ce sont les salariés qui jouent ce rôle, dans la mesure où il peut y avoir une segmentation des cibles (clients directs, fournisseurs…). Dans tous les cas, il faut répondre aux demandes et non pas les cacher, cela ne fait que créer de la frustration et par conséquent une volonté encore plus grande de s’exprimer par des chemins de traverse, comme sur Facebook ou sur des forums. De même, généralement la censure est plutôt mal vécue, aussi dans le cadre d’une demande de destruction d’un article ou d’un sujet, nombreux seront ceux qui refuseront. L’utilisation d’un avocat ne faisant, évidemment qu’entraîner l’entreprise sur les falaises friables d’une contestation forte et massive.

Dites-vous cela : dans votre commerce, votre entreprise, si un client vient se plaindre, lui demanderez vous d’aller voir sur le parking si vous y êtes car il fait désordre ?

L’entreprise doit comprendre qu’à partir des réseaux sociaux et de ses communautés ils vont pouvoir se bâtir une véritable réputation numérique, cette dernière venant largement concurrencer le métier de nettoyeur au titre qu’elle va faire ressortir des contenus maîtrisés et argumentés. Au-delà de faire apparaitre une image crédible, on va pouvoir avoir un retour des attentes et des points négatifs à corriger de la part de consommateurs. C’est très important de prendre en considération cette nuance.

Par conséquent, mon conseil, évitez les cabinets de nettoyage et bâtissez-vous une communauté crédible sur laquelle vous pourrez vous appuyer.

Deux approches donc :

  • Nettoyeur : court terme et attaque la forme
  • Community manager : long terme et attaque le fond

A vous de choisir !

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Crédit photo CC Flickr : ElyceFeliz, Yogma.

Billet originellement publié sur le blog d’Antoine Dupin

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http://owni.fr/2010/07/29/community-manager-vs-nettoyeurs-du-web/feed/ 93
Du contenu roi aux données reines http://owni.fr/2010/07/21/du-contenu-roi-aux-donnees-reines/ http://owni.fr/2010/07/21/du-contenu-roi-aux-donnees-reines/#comments Wed, 21 Jul 2010 07:56:11 +0000 Fred Cavazza http://owni.fr/?p=22505 Souvenez-vous… il y a quelques années, le contenu était considéré comme la matière première du web : celui qui maîtrisait le contenu maîtrisait le web (les portails qui agrégeaient de très nombreuses sources de contenu concentraient également l’audience). Puis, il y a eu MySpace, les Skyblogs, Facebook, Twitter, Foursquare… et maintenant il paraît que c’est la communauté qui est reine. Certes, les plateformes sociales sont indéniablement en haut des tableaux d’audience, mais je reste convaincu que, sans contenus, une communauté n’est pas viable. Comprenez par là que ce sont les contenus qui alimentent les conversations et font tourner les communautés. De ce point de vue là, les plateformes sociales ne sont qu’un intermédiaire entre le contenu et les internautes. Un intermédiaire à valeur ajoutée, mais qui présente tout de même une certaine fragilité dans sa pérennisation (cf. De la qualité des contenus sur Facebook).

Sans rentrer dans la polémique, je pense ne pas me tromper en disant que le contenu reste roi, la communauté se nourrit de ce contenu pour générer des interactions sociales (mais là encore il y a des subtilités : ne confondez plus communautaire et social). La grande question que je me pose est la suivante : qu’est-ce qui alimente les rédacteurs de ce contenu ? C’est là où les données entrent en scène ; non pas les données que les rédacteurs possèdent déjà, mais plutôt les données disponibles publiquement que les internautes peuvent interroger et manipuler à loisir.

Les données à la base du… journalisme de données

Nous parlons bien ici de données brutes en très grande quantité (des chiffres) qu’il serait trop coûteux de traiter. En les exposant publiquement, ce travail de compilation/trituration/interprétation est délégué à la communauté qui va ainsi pouvoir nourrir une réflexion ou appuyer des prises de position. Et à ce petit jeu, certains journalistes en ont fait leur spécialité, cela s’appelle du journalisme de données (datajournalism en anglais). L’idée est d’extraire des informations pertinentes de quantités importantes de données.

Pour vous aider à comprendre l’intérêt de cette pratique, amusez-vous à compter le nombre d’articles qui font référence à Google Trends, les statistiques de recherche sont les données sur lesquelles repose toute l’argumentation de ces articles. Autre illustration avec ce graphique très intéressant qui met en évidence les performances extraordinaires (=suspectes) des coureurs du Tour de France.

Analyse des performances extraordinaires des coureurs du Tour de France

Ces données sont extraites du portail ActuVisu qui permet justement de manipuler des bases de données (cf. Datajournalisme : du nouveau en France avec ActuVisu). Les données sont, dans ce cas de figure, la matière première d’une réflexion, ou plutôt d’une investigation. Les possibilités sont nombreuses et la profession se met en marche pour développer de nouvelles compétences dans ce domaine. Pour mieux comprendre ce phénomène, je vous recommande les trois articles suivants : pourquoi le data-journalisme, c’est l’avenir en marcheQuatre voies du datajournalism et Illusions et malentendus sur le journalisme de données.

Après les portails de contenus, les portails de données

L’exemple français d’ActuVisu illustre une tendance de fond initiée il y a cinq ans avec la fondation Gapminder qui fournit justement un accès à de très nombreuses données et statistiques (leur credo : “Unveiling the beauty of statistics for a fact based world view“).

Mieux comprendre le monde avec Gapminder

Tout l’intérêt de ce portail est d’une part d’agréger le plus grand nombre de données possible (de préférence en les rendant exploitables et compatibles) ainsi que de fournir un outil simple pour manipuler et visualiser ces données. Il existe d’autres initiatives comme Many Eyes d’IBM, Socrata, ou, plus modestement, Worldmapper. Notez que ces interfaces pour données sont une notion chère à Tim Bernes-Lee (cf. ReadWriteWeb Interview with Tim Berners-Lee, part 2 : search engines, user interfaces for data, Wolfram Alpha, and more…), preuve que ce sujet est important.

Un créneau très porteur qui intéresse les moteurs de recherche de Google, qui a racheté en 2007 l’outil de visualisation qui propulse Gapminder et qui propose également Google public data explorer dans son labo. Ce rachat fait sens dans la mesure où Google est très certainement un des mieux placé pour collecter les données éparpillées aux quatre coins du web. Reste encore le problème des données non-publiques.

Libération des données publiques avec Open Data

Les initiatives d’Open Data consiste à libéraliser les données publiques pour apporter plus de transparence (à l’image du portail anglais WhereDoesMyMoneyGo?) et pour nourrir des réflexions et projets sociétaux (lire à ce sujet Open Data : des licences libres pour concilier innovation sociale et économique). L’administration américaine a été la première à se lancer en ouvrant le portail Data.gov, suivie par d’autres pays comme l’Angleterre, l’Australie et la Nouvelle-Zélande (cf. Quel modèle pour le data.gov français ?).

Le portail des données publiques anglaises Data.gov.uk

Il est important de comprendre que ces initiatives ne sont pas tant une manœuvre politique ou un outil de surveillance qu’un levier d’innovation pour accélérer l’émergence de nouveaux modèles sociétaux ou de nouveaux projets relatifs à l’environnement, l’éducation, la santé…

Pour le moment le chantier est toujours en cours en France mais des initiatives locales permettent déjà d’accéder à des poches de données : État des lieux de l’OpenData en France.

Les données comme trésor de guerre des moteurs

Comme nous venons de le voir, les données sont donc une matière première particulièrement convoitée. À partir de ce constat, il n’est pas surprenant de voir que les grands moteurs de recherche s’intéressent de près à ces données et cherchent à les exploiter pour apporter une couche d’intelligence aux résultats de recherche. Illustration avec le tout nouveau Bing Shopping qui propose des pages de résultats structurées.

Les résultats de recherche structurés de Bing Shopping

L’idée derrière tout ça est de proposer non pas un moteur de recherche, mais un outil d’aide à la décision (cf. New version of Bing Shopping). Et pour structurer des résultats, que faut-il ? Des données ! Autant Microsoft a opté pour des partenariats, autant Google est passé à la vitesse supérieure avec notamment l’acquisition d’ITA, un fournisseur de données touristiques spécialisé sur l’aérien qui va permettre à Google de faire de l’intégration verticale sur ce créneau : With ITA purchase, Google now owns the skies.

La vente de billets d’avion en ligne est un business très juteux, il est donc normal que Google casse sa tirelire pour blinder sa position. Il y a par contre des secteurs à priori moins rémunérateurs mais pour lesquels un outil de consolidation/manipulation /visualisation des données offrirait une position dominante à son éditeur : l’immobilier, l’emploi, les loisirs (IMDB est un bon exemple de données structurées à valeur ajoutée) ou encore le sport (citons l’exemple de Footbalistic). Je vous recommande à ce sujet l’article de GigaOm qui détaille ces exemples : Who will Google buy next for structured data ?

L’idée ici est d’investir dans une base de donnée verticale et de monétiser son exploitation. Constituer une base de données de référence est un chantier titanesque, et seuls les acteurs avec les plus gros moyens peuvent y parvenir. Mais une fois le monopole établi, les possibilités sont nombreuses pour rentabiliser cet investissement. Google Maps est un autre exemple intéressant d’une gigantesque base de données (géographiques) dont nous avons maintenant beaucoup de mal à nous passer et dont le propriétaire a tout le temps pour trouver des solutions de monétisation viables.

Plus intéressant, un article de GigaOm nous révèle que ITA ne se restreint pas au secteur du tourisme aérien mais édite également une solution de manipulation de données accessible sur Needlebase.comMeet the web database company Google just bought. Cette solution ne permet pas de manipuler des données publiques mais de groupes de données dont l’utilisateur a les droits. Toujours est-il que cette solution est à la fois puissante et intuitive, tout ce dont nous avons besoin pour faire du journalisme de données.

Manipulation de données avec Needlebase

Tout récemment, Google a fait une acquisition qui va dans ce sens, en mettant la main sur Metaweb, une gigantesque base de donnée “ouverte” où sont répertoriés douze million d’entités sémantiques (visibles sur Freebase.com) : Google acquires ‘open database’ company Metaweb to enrich search results.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Vers des systèmes auto-alimentants

Voici donc la stratégie de Google : acheter des données avec l’idée de la monétiser une fois que le marché sera devenu dépendant de leur exploitation. Mais sommes-nous réellement dépendant des données ? Vous particulièrement, probablement pas, mais de nombreux aspects de votre quotidien reposent sur une exploitation fine de données. Nous pourrions même aller plus loin en disant que l’exploitation des bonnes données pourrait améliorer votre quotidien (cf. Nos vies gérées par les données) ou la productivité d’une entreprise.

Les objets de notre quotidien pourraient ainsi capter un grand nombre de données vous concernant et fournir ainsi des statistiques très précieuses sur votre mode de vie et la façon d’optimiser votre alimentation, vos trajets, votre budget, votre suivi médical… Imaginez alors l’intérêt d’un coach qui serait à même d’interpréter ces données et de vous offrir de précieux conseils pour améliorer votre quotidien. Ces conseils, et les données qui en sont à l’origine deviendraient rapidement une drogue pour des hommes et des femmes soucieux de leur bien-êtreThe upcoming Internet pandemic : data addiction.

Reste encore à régler le problème de la collecte : seule une minuscule minorité des habitants de cette planète serait d’accord pour s’équiper des outils de mesure de son quotidien (sommeil, alimentation, exercices physiques, trajets, dépenses…). Une minorité de geeks, sauf si un acteur industriel avec de gros moyens décide de fournir gratuitement les outils de mesure et de collecte en faisant un pari sur l’avenir (et sur la monétisation de ces données). Et cet industriel avide de données, encore une fois c’est Google avec son projet de compteur intelligent PowerMeter.

Suivi de votre consommation quotidienne avec Google PowerMeter

Et même si Google ne peut pas remplacer tous les compteurs électriques des pays occidentaux, il peut fournir la plateforme pour consolider les données et les re-publier : Google releases API for energy tool PowerMeter. La promesse de Google est simple : vous aider à mieux comprendre vos habitudes de consommation pour optimiser vos dépenses… Tout en revendant les statistiques aux industriels pour qu’ils puissent développer des appareils ménagers plus en phase avec le mode de vie de leurs clients.

Loin de moi l’idée de jouer les paranoïaques et de dénoncer ces pratiques, car si tout le monde y trouve son intérêt il n’y a pas de raison de s’en priver. Il n’empêche que si je fais la somme de tout ce que Google peut potentiellement savoir sur moi, ça commence à faire beaucoup :

  • Mes contacts avec Gmail ou Android (carnet d’adresse + historique des appels) ;
  • Mon profil (âge, parcours…) avec Google Me ;
  • Mes achats avec Checkout ;
  • Mes centres d’intérêt avec l’historique de mes recherches ;
  • Mes déplacements avec Latitude ;
  • Mes loisirs (les programmes TV que je regarde) avec Google TV ;
  • Mes lieux de vacances avec Picasa…

Et ce n’est qu’un début, car avec la sémantisation progressive du web, le moteur d’indexation pourra consolider toujours plus de données sur les internautes, mobinautes et même tvnautes. Les données seront donc la matière première à une nouvelle génération d’outils, services et prestations en rapport avec l’amélioration du quotidien de chacun. Des données qui seront l’objet d’une bataille acharnée pour en contrôler la possession, la collecte ou l’exploitation.

J’anticipe donc un web, dominé par les contenus et données, où Google jouera un rôle prépondérant. Facebook ou Twitter peuvent-ils prétendre à un rôle important dans ce tableau ? J’en doute car il faut des moyens considérables et surtout des appuis industriels et politiques, tout ce qui leur fait défaut actuellement. Longue vie au couple royal !

Billet initialement publié chez Fred Cavazza ; image Loguy /-)

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