OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Une histoire interactive de la science du climat http://owni.fr/2011/06/28/une-histoire-interactive-de-la-science-du-climat/ http://owni.fr/2011/06/28/une-histoire-interactive-de-la-science-du-climat/#comments Tue, 28 Jun 2011 13:30:41 +0000 Martin Clavey http://owni.fr/?p=70996 Quand on parle du réchauffement climatique et de l’impact de l’homme sur celui-ci, les discussions s’enveniment rapidement et certains se retrouvent souvent atteints par le syndrome de Galilée. Faisant appel au crowdsourcing, le site Skeptical Science, qui revendique le scepticisme face aux sceptiques du réchauffement climatique, a produit une web-app très fournie présentant les différentes publications scientifiques sur le sujet dans une timeline interactive. Elles ont été classées en trois catégories :

  • Sceptiques (Skeptical papers)
  • Neutres (neutral papers)
  • Pro-réchauffement climatique lié à l’homme (pro-agw ou pro anthropogenic global warming papers)

Cette classification, un peu compliquée, est basée sur la liste des “mythes” sur le climat qu’a établie le site dans laquelle on retrouve des assertions telles que “L’acidification des océans n’est pas une thèse sérieuse“, “le réchauffement est dû aux rayons cosmiques” ou encore “c’est un cycle naturel“. Quand un article scientifique est ajouté dans la base de données, il est associé à l’un de ces “mythes”. Si il confirme le “mythe”, l’article est classé dans les papiers sceptiques sur les conséquences des activités de l’homme sur le réchauffement de la planète. Attention, ça ne veut pas dire que l’article réfute en bloc les effets de l’homme sur le réchauffement, mais qu’il contredit un des points de la thèse anthropique du réchauffement de la Terre. De même si l’article est classé dans les “pro-agw”, c’est qu’il confirme un des arguments tendant à prouver que l’homme est pour quelque chose dans le réchauffement de notre planète. Les papiers neutres sont soit des papiers liés à plusieurs “mythes” dont les résultats s’annulent, soit des papiers qui ne sont liés à aucun “mythe”.

Les internautes qui ont participé à cette web-app via un formulaire (il faut d’abord s’enregistrer sur le site) ou via l’add-on Firefox, ont déjà recensé 4 884 articles scientifiques.

De la correspondance de notre cher Baron Fourier (découvreur de l’effet de serre) avec le professeur Sullivan publiée dans l’American Journal of Science en 1824 aux 934 papiers qui sont déjà parus cette année, chaque bulle représente le nombre d’articles produit par année dans chacune des catégories.

(Cliquez ici pour accéder à l’application)

En jouant avec la scroll bar, on navigue dans la recherche sur le climat et on peut, par exemple, constater que :

  • globalement, le nombre de papiers sceptiques est très faible
  • le nombre de publication sur le climat a explosé depuis les années 2000.

Même si les critères de catégorisation des papiers sont perfectibles, cette web-app permet d’avoir une bibliographie assez globale et originale sur le climat. Cette application montre, en tout cas, que même quand on parle de science à un niveau élevé, le crowdsourcing peut être très efficace. N’hésitez pas à continuer à enrichir l’application !


Web-app découverte grâce à Knowtex

Photo FlickR CC PaternitéPas d'utilisation commerciale par doug88888

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“Notre poison quotidien”: un docu difficile à digérer http://owni.fr/2011/03/15/notre-poison-quotidien-un-docu-difficile-a-digerer/ http://owni.fr/2011/03/15/notre-poison-quotidien-un-docu-difficile-a-digerer/#comments Tue, 15 Mar 2011 13:25:53 +0000 Martin Clavey http://owni.fr/?p=51420 Le 15 mars, Arte diffusait le nouveau documentaire de Marie-Monique Robin, Notre poison quotidien. Après avoir traité, avec un certain succès, le thème des OGM dans le Monde selon Monsanto, la documentariste s’attaque maintenant à l’agroalimentaire en général. Elle a enquêté de manière approfondie et très documentée sur trois sujets en particulier :

  • les pesticides
  • l’aspartame
  • le bisphénol A (que l’on retrouve dans de nombreux plastiques).

Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’après l’avoir vu, on a du mal à digérer.

On a du mal à digérer notamment parce que Marie-Monique Robin nous présente un monde occidental dans lequel l’agriculture intensive a tellement pris le dessus que nos agriculteurs ont du mal à réagir face aux différents accidents du travail dont ils font les frais. Car, comme le montre le documentaire, ce sont essentiellement les agriculteurs qui sont victimes de l’usage intensif des pesticides. Depuis des années, l’utilisation de ces produits est très ancrée dans la pratique des agriculteurs. Et les pressions sont très fortes pour ne pas parler des problèmes qu’ils engendrent (aussi bien des autres agriculteurs que des fournisseurs ou des commanditaires). Les agriculteurs ont donc eu beaucoup de mal à faire reconnaître certaines maladies dues à leur usage. Et il a fallu attendre le milieu des années 90 pour que “des études américaines, italiennes et scandinaves montrent que certains cancers étaient plus fréquents dans la population agricole que dans la population générale” indique dans le documentaire le docteur Jean-Luc Dupupet (médecin de la Mutuelle Sociale Agricole).

Marie-Monique Robin revient aussi longuement sur la mise sur le marché de l’aspartame alors que des scientifiques prévenaient déjà la Food & Drugs Administration (FDA) que le rapport bénéfices/risques n’était pas bon. En effet, le bénéfice de l’utilisation de l’aspartame, s’il apporte un certain confort, présente aussi des risques d’effets secondaires et de cancers. Dans son enquête, Marie-Monique Robin explique aussi comment, Searle, la société pharmaceutique productrice de l’aspartame a réussi a imposer aux politiques la mise sur le marché de son produit.

Rendre publiques les données toxicologiques pour un meilleur fonctionnement

La digestion de ce documentaire est encore plus difficile quand on apprend comment les agences de sécurité sanitaire travaillent. Robin dénonce les méthodes de calculs de la dangerosité des produits. Elle explique que la DJA (la Dose journalière admissible par le corps d’un individu moyen de 60 kg), mesure utilisée par toutes les agences, est calculée de manière assez floue. Basée sur des expériences sur les animaux, elle utilise un facteur de sûreté décidé arbitrairement par la FDA dans les années 60.

Pour mesurer cette DJA, les agences utilisent les données fournies par les industriels. Mais ces données sont protégées par une clause de confidentialité et ne sont accessibles qu’aux experts des agences. Il est donc impossible de vérifier le bon fonctionnement du système.

Angelika TRITSCHER, secrétaire adjointe au Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives (JECFA) et à la Joint FAO/WHO Meetings on Pesticide Residues (JMPR) justifie cette rétention des données par la protection du droit de propriété intellectuelle. Mais comme le dit Eric Millstone, professeur de politique scientifique interrogé par Marie-Monique Robin :

[Cette pratique] ne sert que les intérêts des entreprises chimiques et est complètement contraire aux intérets des consommateurs et de la santé publique. Seules les données qui concernent le processus de fabrication des produits peuvent justifier ces clauses de confidentialité car elles représentent des informations commerciales sensibles. En revanche, toutes les données toxicologiques devraient être dans le domaine public.

La dose ne fait plus le poison

La documentariste aborde aussi le problème du Bisphénol A (utilisés jusqu’à récemment dans les biberons) et du nonylphénol, hormones de synthèse utilisées dans certains plastiques qui entraînent des dérèglements hormonaux graves pouvant déclencher eux-mêmes des cancers (du sein et de la prostate par exemple). Ces substances jouent le rôle de perturbateurs endocriniens : elles ne sont pas toxiques au sens habituel du terme mais perturbent le bon fonctionnement du système hormonal et donc la fonction sexuelle et reproductrice.

Pour les agences de sécurité sanitaire, la DJA est la mesure la plus importante, car elle permet d’autoriser la mise sur le marché agroalimentaire d’une substance. Et cette DJA s’inscrit dans la logique qui fait que c’est à partir d’un certain seuil qu’une substance est déclarée nocive. Mais l’action des hormones n’est pas proportionnelle à la dose injectée. Par exemple, une faible dose d’une certaine hormone peut avoir une action stimulatrice alors qu’une dose importante de cette même hormone peut être inhibitrice. Mais les industriels et les agences restent sur leur dicton “La dose fait le poison” et ne veulent pas tester de produits à très faibles doses.

Enfin, Marie-Monique Robin pointe le fait que les agences sanitaires ne s’occupe aucunement des problèmes qui pourraient être liés aux “cocktails de substances agroalimentaires” sachant qu’au-delà de trois substances ingérées les toxicologues ne savent pas quels effets cela produit sur l’organisme.

Une naïveté parfois un peu trompeuse

Mais Notre poison quotidien est aussi difficile à digérer parce que son auteure refuse à la science et aux scientifiques la possibilité de se tromper et d’être approximatifs. Quand elle pointe le fait qu’une DJA ait été révisée au vu de nouvelles données, elle demande au scientifique en face d’elle si l’ancienne DJA nous protégeait. Mais on sait très bien que n’importe quel seuil de sécurité est posé en fonction des connaissances du moment et qu’il faut réviser ce seuil si on a de nouvelles données. Et ceci n’est pas seulement vrai en science, mais dans tous les domaines.

Enfin, Marie-Monique Robin conclue candidement son documentaire par une séquence en Inde pour nous montrer que dans la population de l’Orissa (état de l’est de l’Inde) les cancers sont “quasiment inexistant” (à l’exception de celui de la bouche dû à la mastication de tabac).

Consommant leurs propres légumes et du Curcumin, les villageois qu’elle rencontre ne connaissent ni cancer, ni obésité. D’ailleurs regardez, la personne interrogée ne sait même pas vraiment ce qu’est le cancer. Ici, Robin va vite en besogne et compare des modes de vie difficilement comparables. Faut-il en conclure que nous devons adopter le mode de vie indien ? Ou que cette fin est un appel a ce que nous ne aidions les pays du Sud à ne pas reproduire nos erreurs ?

Espérons que c’est cette deuxième idée que la documentariste veut faire passer. Il serait naïf de sa part de penser que la solution à tous nos problèmes agroalimentaires consisterait en l’adoption du modèle traditionnel indien.

Cette enquête nous montre que la surveillance des produits de l’industrie agroalimentaire est autant soumise aux pressions et aux conflits d’intérêts que celle du médicament (mis en lumière par le Mediator). Mais dans le cas du médicament, il existe au moins une chaîne de vérification qui n’existe pas dans l’agroalimentaire.

>> Illustrations CC Elsa Secco pour OWNI et FlickR (utilisation de l’image de Dave – aka Emptybelly en CC ) Ðeni [away for a while]

Retrouvez notre dossier sur l’enquête de Marie-Monique Robin :

Les dangers de l’aspartame et le silence des autorités publiques, les bonnes feuille du livre de Marie-Monique Robin Notre Poison quotidien

Des alternatives aux pesticides

Et notre illustration de Une de Elsa Secco en CC (utilisation de l’image de Dave – aka Emptybelly en CC )

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Éclipse de soleil, share it ! http://owni.fr/2011/01/09/eclipse-de-soleil-share-it/ http://owni.fr/2011/01/09/eclipse-de-soleil-share-it/#comments Sun, 09 Jan 2011 09:30:31 +0000 Martin Clavey http://owni.fr/?p=41497 La lune est donc passée devant le soleil mardi dernier. Cette première éclipse de soleil partielle de 2011 a malheureusement été voilée par les nuages dans le ciel français. On ne pourra observer à nouveau ce phénomène cette année que le 1er juin 2011 au Groenland, en Sibérie et au Canada, le 1er juillet 2011 au sud de l’Afrique et le 25 novembre 2011 en Antarctique.

Retrouvez notre sélection de photos prises ce 4 janvier, au Koweït ou en Espagne par exemple, et partagées en Creative Commons par des utilisateurs de FlickR.

Photo prise en Roumanie Marian Nedelcu ©en Creative Commons by


Photo prise à Rust (Autriche) par LLacertae en Creative Commons by


Photo prise en Palestine par mohammad albdareen en Creative Commons by

Photo prise à Maribor (Slovenia) par BenjaminLesjak en Creative by-sa

Photo (photoshopée ?) prise par Elecé en Creative Commons by

Photo prise par Dan Ros en Creative Commons by-nc-sa

Photo prise par r4n en Creative Commons by-nc


Photo prise à Prague par czechian en Creative Commons by-nc-sa


Photo prise par r4n en Creative Commons by-nc


Photo prise à Zahraa (Koweït) par ŇÄĵŵÅ – Free Photographer en Creative Commons by-nc-sa


Photo prise à Höhenstraße (Autriche) par (siko) en Creative Commons by-nc


Photo prise à Cologne (Allemagne) par n0ll en Creative Commons by-nc-sa


Photo prise à Cologne (Allemagne) par n0ll en Creative Commons by-nc-sa


Photo prise à Begues (en Catalogne) par xn44 en Creative Commons by-nc-nd


Photo prise à Saragosse par YeXb83 en Creative Commons by-nc-nd

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Ebook: le cahier des subventions de la presse 2010 http://owni.fr/2010/12/27/ebook-subventions-presse/ http://owni.fr/2010/12/27/ebook-subventions-presse/#comments Mon, 27 Dec 2010 16:15:37 +0000 Martin Clavey http://owni.fr/?p=40140 La presse écrite est en crise. Son modèle économique fonctionne encore dans certains cas mais beaucoup de titres ont du mal à rester simplement à l’équilibre. Ils cherchent mollement un nouveau modèle et en attendant, pour équilibrer leurs lignes de compte, vont à la pêche aux subventions.

Cet été 2010, nous nous sommes procuré des documents détaillant les subventions accordées par le Fonds de modernisation de la presse (FDM) aux différents titres de presse français. Cette première enquête, utilisant le crowdsourcing, nous a permis de constater que l’imprimerie, la numérisation des archives, la maquette et la refonte ou la création des sites internet font partis des postes qui ont le plus utilisé ce fonds de modernisation.

Le chapitre “reconquête du lectorat jeune” (sic) figure à de nombreuses reprises comme motifs de subventions. Le lectorat jeune est une cible primordiale et difficile à atteindre pour la presse française. Le fonds de modernisation a financé, souvent en vain, beaucoup de projets qui se sont lancés à sa reconquête. Mais les rédactions rechignent à répondre à nos questions sur ces subventions (pourtant publiques) :

“Je vais les donner à l’État, pas à vous, c’est lui le payeur”.

Ok, mais qui finance le budget de l’État ?… En tout cas, les projets de conquête du lectorat jeune ne brillent pas par leur efficacité car si ils permettent de gonfler les chiffres pendant un temps, le jeune ne devient pas pour autant un acheteur invétéré. Et les solutions de subventions mises en place n’apportent pas une réponse réelle aux problèmes économiques rencontrés par la presse française.

Au vu de la désorganisation des différents systèmes de subvention de la presse et des difficultés pour contrôler leur utilisation, le rapport Cardoso sur “la gouvernance des aides publiques à la presse” présente 15 propositions pour améliorer leur efficacité. Martin Untersinger et Vincent Truffy se sont penchés sur ce rapport et sur les solutions qu’il propose pour rendre ce système de subvention plus clair.

Mais avant d’entamer une nouvelle réforme, il faut une évaluation des actions de l’État, pourvoyeur d’aides, mais aussi régulateur et actionnaire est nécessaire, ainsi qu’une analyse prospective sur l’information écrite de demain. Régis Confavreux nous livre son analyse sur le rôle difficile de l’État dans la réglementation et le financement de la presse : comment, pour les pouvoirs publics, jouer un triple rôle : de régulation, de soutien, d’actionnaire ? Quels modèles économiques pour l’information écrite de demain ?

Décryptages et questionnements avec sept articles parus sur OWNI au fil de l’année 2010.

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Bioéthique, réfléchir sur ce que nous faisons du vivant http://owni.fr/2010/11/19/bioethique-reflechir-sur-ce-que-nous-faisons-du-vivant/ http://owni.fr/2010/11/19/bioethique-reflechir-sur-ce-que-nous-faisons-du-vivant/#comments Fri, 19 Nov 2010 16:41:59 +0000 Martin Clavey http://owni.fr/?p=36297 Bioéthique, bioéthique… Régulièrement depuis 1994, on entend parler d’une loi de bioéthique. Cette année, c’est Roseline Bachelot qui a présenté, juste avant son départ du ministère de la Santé, un projet de révision (PDF) de cette loi.

Depuis une quarantaine d’années, la bioéthique (mot inventé en 1970 par le cancérologue américain Van Potter ) réfléchit sur les problèmes liés à l’action des médecins et des biologistes sur notre société.

Bien sûr, les médecins ont depuis longtemps leur fameux serment d’Hippocrate. Mais la bioéthique n’encadre pas seulement la pratique quotidienne du médecin, c’est plus généralement une réflexion collective sur nos actions sur le vivant et sur l’homme en particulier.

L’expérimentation nazi comme déclencheur

C’est la Deuxième Guerre mondiale qui a déclenché cette réflexion. Le verdict du “procès des médecins” de Nuremberg (en 1947) se base sur ce qu’on appelle le Code de Nuremberg qui définit les dix « principes fondamentaux qui devraient être observés pour satisfaire aux concepts moraux, éthiques et légaux concernant, entre autres, les recherches menées sur des sujets humains » pour juger vingt médecins et trois officiels nazis.

Mais pas de trace d’une “physicoéthique” après les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki : ces évènements ont bien sûr fait réfléchir les physiciens, mais sans que ça n’implique un grand mouvement de réflexion comme la bioéthique. On réfléchit sur les erreurs du vaincus, moins sur celles des vainqueurs.

D’ailleurs, les médecins américains ne se sentent pas concernés considérant que ces crimes ne sont dus qu’à l’idéologie nazie. Et il faut attendre la fin des années 60 pour que le monde occidental, et d’abord l’Amérique du Nord, se pose des questions sur ses pratiques.

L’émergence d’un sentiment de responsabilité

La montée de ces préoccupations à la fin des années 60 n’est pas un hasard. Guy Rocher remarque qu’elle coïncide avec l’émergence de la classe moyenne, le désenchantement du monde et de l’histoire, la mutation des rapports sociaux et la fragmentation des zones de vie.

Mais elle coïncide aussi et surtout avec la dépénalisation du suicide aux États-Unis et de l’avortement, le déclin de l’influence de la morale religieuse, l’arrivée de la pilule contraceptive, des premières expériences sur l’ADN et l’émergence du mouvement de l’antipsychiatrie. Certains mouvements dénoncent aussi, à ce moment-là, le paternalisme des médecins et demandent une responsabilisation plus importante du patient.

La biologie et la médecine ont pris une dimension nouvelle et leurs conséquences deviennent importantes à grande échelle (pour la population mais aussi pour les générations futures). Et plusieurs scandales éclatent aux États-Unis. Des expérimentations sont faites sans le consentement des patients. Par exemple, l’injection du virus de l’hépatite A à des enfants handicapés mentaux ou l’affaire de la thalidomide.

Ce médicament a été testé sur des femmes enceintes sans leur consentement et sans que les tests soient approuvés par La Food & Drugs Association (organisation délivrant les autorisations de commercialisation des médicaments aux États-Unis). Et les conséquences furent importantes puisque certains enfants sont nés avec de graves malformations (membres manquants). Aux États-Unis, ces différents scandales déclenchent la création des premiers comités d’éthique, les Institutional Review Boards, en 1971.

En France, les premières lois de bioéthique votées en 1994

Alors qu’aux États-Unis, la question est de savoir si les avancées technologiques respectent le droit des individus, en France, nous nous interrogeons plus sur les pouvoirs qu’a l’humain sur lui-même.

Ce n’est qu’en 1983 que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) est créé en France. Ce comité se dirige clairement vers une réflexion pluridisciplinaire entre chercheurs, médecins théologiens, juristes, anthropologues et philosophes sans volonté de légiférer mais plutôt de faire réfléchir ces experts sur les problématiques comme le statut de l’embryon, l’eugénisme… Les autorités semblent se méfier du débat public et laissent débattre les experts de ce qui est bon pour notre société.

Pourtant, les débats de bioéthique intéressent beaucoup. Les associations, notamment  religieuses et féministes, commencent à le porter dans la sphère publique.

Mais c’est sans réelle concertation publique que les premières lois de bioéthique sont votées en 1994. Elles encadrent le traitement des données nominatives dans le domaine de la santé, le respect du corps humain, l’étude des caractéristiques génétiques des personnes, la protection de l’espèce humaine et la protection de l’embryon humain. Elles traitent aussi du don des éléments et produits du corps humain, et définit les modalités de la mise en œuvre de l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) et du diagnostic prénatal. Elles devaient être révisées au bout de cinq ans, pour réévaluer les besoins juridiques en matière d’éthique, face aux progrès de la science.

Mais cette réévaluation n’interviendra qu’en 2004. Entre temps le clonage est devenu un sujet important dans le débat public. Cette loi l’interdit qu’il soit reproductif (permettant la vie d’un être humain) ou thérapeutique (permettant d’utiliser les cellules souches d’un embryon pour produire des tissus d’organes). La recherche sur l’embryon et les cellules embryonnaires est en principe interdite avec une dérogation possible. Enfin l’Agence de la biomédecine est créée.

Un essai de débat citoyen

En 2009, pour préparer la nouvelle révision de la loi, des états généraux de la bioéthique ont été organisés  rassemblant les citoyens autour de débats. Mais certaines voix se sont élevées pour critiquer leur mise en place. Jacques Testart, biologiste et père du premier bébé éprouvette en France en 1982, estime que “sans véritable traduction législative, les conférences de citoyens, forums, débats publics, etc., ne peuvent constituer que des exutoires, voire des leurres démocratiques”.

Et effectivement, alors que de nombreux thèmes ont été abordés pendant les états généraux ( la gestation pour autrui, les tests génétiques, l’assistance médicale à la procréation, les cellules souches et les recherches sur l’embryon…),  finalement, peu de choses de ces débats ressortent dans le projet de loi (PDF) présentée par Roseline Bachelot.

Malgré tout, quelques points restent marquants dans le projet. La levée de l’anonymat du don de sperme (avec autorisation du donneur) est la mesure-phare du projet. Pourtant, elle divise encore les opinions et suscite surtout un grand nombre de réactions multilatérales autour d’un don qui a toujours été anonyme. La ministre de la Santé a mis en avant l’intérêt des enfants pour justifier cette mesure. Mais ne serait-il pas plus constructif de mettre en avant l’intérêt de la famille dans son ensemble, autour du projet parental ?

Le texte de la proposition de loi change un tout petit peu les conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation. Tout en rappelant le caractère strictement médical des critères d’accès à cette assistance, il permet aux couples pacsés et hétérosexuels l’accès à ce droit. Les couples non pacsés ou non mariés et les homosexuels ne peuvent toujours pas y avoir accès.

Enfin, le principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires reste. La loi de 2004 l’interdisait (avec une possibilité de dérogations données par l’Agence de la biomédecine) et prévoyait un moratoire de cinq ans. Le projet de loi maintient cette interdiction mais ne prévoit plus de réévaluation de cette mesure. Finalement le débat risque de rester au point mort pendant longtemps. En tout cas il n’est pas aussi vif que ce qui se passe au États-Unis où des décisions sont prises dans un sens puis dans l’autre depuis quinze ans.

Avec la suppression de ce moratoire, certains ont peur que cela marque la fin des révisions (plus ou moins) régulières de la loi. Philippe Bourlitio, de Sciences et Démocratie, pense que la proposition de loi sur “l’organisation du débat public sur les problèmes éthiques” (déjà voté par le parlement mais pas encore passée au sénat) est une sorte de compensation à la suppression de la révision obligatoire de la loi de bioéthique. Mais il critique fortement ce texte, expliquant que le Comité consultatif national d’éthique serait le seul habilité à décider si un débat est nécessaire.

Bref, le débat public sur la bioéthique risque de rester à l’état embryonnaire en France.

>> Illustrations FlickR CC : mars_discovery_district, Dunechaser

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Retraites:|| le dossier d’OWNI http://owni.fr/2010/09/07/retraites-le-dossier-downi/ http://owni.fr/2010/09/07/retraites-le-dossier-downi/#comments Tue, 07 Sep 2010 17:07:44 +0000 Martin Clavey http://owni.fr/?p=27282 Titre original:

D’autres choix possibles pour financer les retraites

Pierre Khalfa de l’Union Syndicale Solidaires, Danièle Karniewicz présidente de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse et membre de la CFE-CGC, Didier Horus représentant de la FSU au COR (Conseil d’Orientation des Retraites) et Éric Aubin en charge du dossier retraites à la direction confédérale de la CGT analysent les propositions du gouvernement et du Parti socialiste  et livrent leurs propres pistes pour un financement du système par répartition.

Le gouvernement exclut d’augmenter les cotisations sociales pour financer le système des retraites.

Si on n’augmente pas ces cotisations, cela signifie que les retraités et les salariés vont payer les ajustements futurs du système de retraite, et que les seconds vont inévitablement devoir travailler plus longtemps. Refuser d’envisager l’augmentation des cotisations sociales est un choix politique et idéologique, et nous refusons ce choix. Par ailleurs, les propositions du PS ne sont pas claires. D’un côté, il n’exclut pas d’allonger la durée de cotisation après 2025 et ne remet pas en cause l’allongement déjà programmé. De l’autre, il propose des sources nouvelles de financement, mais qui visiblement ne sont pas à la hauteur du problème puisque le PS propose toujours d’allonger cette durée de cotisation. On évoque souvent l’élargissement de l’assiette dans ce dossier. Mais c’est une discussion secondaire.

Le problème est de savoir si, aujourd’hui, on accepte de remettre en cause le partage de la valeur ajoutée. Les salaires baissent dans la part de la valeur ajoutée d’environ neuf points depuis une trentaine d’années. Il faut diminuer les profits des entreprises et notamment les dividendes. Il est tout à fait possible de financer les retraites avec le système actuel de cotisations sociales. Dans le scénario le plus pessimiste, le Conseil d’orientation des retraites montre qu’il faudrait, à l’horizon 2050, augmenter de 10,4 points les cotisations sociales pour financer l’ensemble du système de retraite. Cela représente une augmentation de 0,26 point par an des cotisations. C’est dérisoire. Il est tout à fait possible d’augmenter les cotisations sociales (notamment la part patronale) en diminuant les dividendes versés aux actionnaires. Enfin, prétendre, comme le gouvernement, qu’une hausse des cotisations ferait perdre des emplois est fallacieux. On ne toucherait absolument pas à la compétitivité des entreprises puisqu’on ne toucherait pas à l’investissement productif dans ce schéma.

Pierre Khalfa

Les deux enjeux de la réforme des retraites : la pérennité du régime et la question du système que l’on construit pour les actifs d’aujourd’hui.

Les travaux du COR ont bien montré les efforts à produire. Ils sont de plus de 70milliards d’euros pour 2030 avec la fin du départ en retraite de la génération du « baby-boom ». Les leviers de l’augmentation de l’âge de départ à la retraite et de la durée de cotisation correspondent à la moitié des besoins de financement. Il en manque donc la moitié. Il reste à trouver 35 milliards d’euros de recettes par an. Ce sont forcément des prélèvements nouveaux à trouver quelle qu’en soit la forme, que ce soit l’augmentation des cotisations patronales et salariales, la TVA, la CSG, qui font baisser la croissance.

Le gouvernement est en train d’évoluer légèrement sur ce volet, mais de façon très floue et très modeste. Il faudra augmenter les cotisations salariales, mais il n’y a pas beaucoup de marges de manœuvre. J’explique aussi aux salariés qu’il faudra un jour cotiser plus si on veut construire une retraite supplémentaire importante. S’il y a d’autres efforts qui sont faits sur la durée de cotisation, je pense que les employeurs peuvent bouger aussi un peu sur les charges patronales. Mais on sait bien que les effets de la crise rendent difficiles la mise en place de cette mesure. Un élargissement de l’assiette des prélèvements est donc à prévoir. L’augmentation de la TVA et celle de la CSG sont les deux principales sources possibles de financement que je préconise. Il y a aussi toute la gamme des prélèvements sur les revenus du capital, comme les revenus financiers, qui peuvent être mis à contribution.

Les exonérations de charges patronales représentent plus de 30 milliards d’euros. On pourrait pour le moins remettre en cause une partie de ces exonérations. Mais, en tout cas, si on ne trouve pas de recettes tout de suite, on pénalise les retraites de façon importante. Il faut donc combiner les mesures démographiques de report de l’âge de la retraite, qui combleront les besoins en 2025, et de nouvelles recettes pour répondre à l’urgence du financement de nos retraites qui, actuellement, se fait sur la dette publique qu’on laisse aux plus jeunes. Il est urgent de ne pas laisser le déficit public aux jeunes et de leur construire une solution pour leurs futures retraites. Sinon, nous allons baisser le niveau des retraites. Celui-ci a très fortement diminué dans le privé. Il est donc indispensable de créer un « bouclier retraite » qui permettra de garantir un revenu minimum pour les retraités.

Danièle Karniewicz

Les seuls leviers de l’augmentation de l’âge de départ et de la durée de cotisation ne seront pas efficaces

Dans le document du Conseil d’orientation des retraites [COR], on voit clairement qu’en jouant sur les seuls leviers de l’augmentation de l’âge effectif de départ à la retraite et de la durée de cotisation, on ne parvient pas à trouver les ressources nécessaires pour financer le système.

Le problème principal est celui de l’emploi et de la masse salariale. Il ne faut pas oublier que la retraite est un élément construit sur le salaire. Une politique favorable à l’emploi et aux salaires permettrait une augmentation des cotisations sociales. Une augmentation de 1 % de la masse salariale, c’est 4,1 milliards d’euros en plus pour la Caisse nationale d’assurance-vieillesse. Ce qui est tout à fait envisageable. On peut aussi envisager d’augmenter les cotisations. Il faudrait 6 points de PIB pour équilibrer nos régimes des retraites à l’horizon 2040. Ce qui se traduit, en ne faisant qu’augmenter les cotisations, par une hausse des cotisations de 0,375 point par an. Une part des augmentations de salaires pourrait financer cette augmentation.

En ce qui concerne l’élargissement de l’assiette, on peut prendre en compte les revenus du travail qui échappent totalement à la solidarité comme l’intéressement, la participation ou les stock-options. La Cour des comptes a mis en avant qu’il y a entre 11 et 13milliards d’euros de niches fiscales qui échappent au financement de nos régimes de protection sociale. Pour nous, ce qui est fondamental, c’est la question de la répartition de la valeur ajoutée, qui se fait au détriment des salaires et au profit des dividendes. Il nous semble qu’il faut taxer cette part du capital dans l’objectif de rééquilibrer le partage entre salaire et profit. Tout ça doit être fait dans le cadre d’une réforme globale de la fiscalité et des prélèvements en France. Enfin, dans le cas de la proposition du Parti socialiste, la question des 40annuités de cotisation ne se pose pas de la même façon. Il s’agit d’augmenter les annuités de cotisation nécessaires pour la retraite à taux plein en prenant en compte les années d’études, de formation et de recherche d’emploi. Toute la difficulté est de savoir comment on calcule ces annuités.

Didier Horus

Nous ne nions pas le problème démographique mais, contrairement au gouvernement, qui veut augmenter la durée au travail, nous pensons que le véritable problème du régime des retraites est son financement.

Il faut donc trouver de nouvelles ressources qui garantissent le financement et l’équilibre des régimes à moyen et long termes. Il est possible d’augmenter la cotisation sociale de l’employeur. Mais, avant cela, nous pensons qu’il y a d’autres moyens d’augmenter les ressources, notamment en élargissant l’assiette des cotisations à l’intéressement, à la participation et au bonus. Un rapport de la Cour des comptes de 2009 pointe un manque à gagner de 3 milliards pour nos retraites. Les contributions des revenus des entreprises peuvent être aussi une source de financement. Cette assiette tourne autour de 250milliards d’euros. Si les revenus des entreprises sont soumis au même traitement que ceux des ouvriers, on fait entrer 20milliards d’euros dans nos caisses.

Nous proposons aussi de moduler les cotisations salariales par le rapport de la masse salariale sur la valeur ajoutée. Aujourd’hui, moins on a de salaires dans l’entreprise, moins on paie de cotisations sociales. Nous pensons qu’il y a une injustice, d’autant plus qu’un artisan paie des cotisations salariales selon le même principe que les grandes entreprises. Enfin, nous demandons la fin des exonérations sociales, qui coûtent 30 milliards d’euros sans impact sur la création d’emploi. Nous sommes attachés au financement de la protection sociale par le travail. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas pour l’augmentation de la CSG ou des impôts. En revanche, nous pensons que les revenus financiers des entreprises peuvent participer à la solidarité nationale et financer notre régime de répartition solidaire. Il est important qu’une part des dividendes soit orientée vers le financement des retraites.

Éric Aubin

Article initialement publié dans l’hebdomadaire Politis le 27 mai 2010

Photos de l’articles et de la Une d’Owni, licence CC par Rémi Vincent pour OWNI

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Europe Écologie: à gauche selon ses sympathisants? http://owni.fr/2010/08/23/europe-ecologie-a-gauche-selon-ses-sympathisants/ http://owni.fr/2010/08/23/europe-ecologie-a-gauche-selon-ses-sympathisants/#comments Mon, 23 Aug 2010 17:00:59 +0000 Martin Clavey http://owni.fr/?p=25777 À l’occasion de l’université d’été d’Europe Écologie, une enquête commandée(ppt) par le mouvement à l’agence « Somme Toute » a été menée auprès des signataires des appels au rassemblement et de sympathisants. Elle positionne clairement Europe Écologie à gauche (83%), même si 12% ne le considèrent ni à droite ni à gauche et seul 3% au centre. Politis s’est procuré cette enquête: en voici quelques éléments.

Un profil type attendu

Le taux de réponses assez élevé (15%) donne une idée du profil des sympathisants du mouvement. Cadres ou de « professions intellectuelles supérieures » (elle est belle cette dénomination), anciens de partis politiques de gauche ou de centre-gauche (33% sont passés par le PS), syndiqués à la CFDT (35%), militants de Greenpeace à 35% aussi, le “profil type” surprend peu.

81% des personnes interrogées se disent prêtes à participer aux comités organisés sur une base régionale ou locale, plutôt que nationale. Il faut noter que la majorité des personnes interrogées n’est pas adhérente à Europe Écologie ou au parti Vert. Cette démarche peu commune au sein des formations politiques traditionnelles est très appréciée par les potentiels nouveaux arrivants en politique.

La conversion écologique de l’économie en point de mire

Sur la question du projet de l’écologie politique, les grands thèmes mis en avant sont évidemment “la conversion écologique de l’économie” (69%) et “la protection de l’environnement” (47%), mais “la préservation du modèle de protection sociale” est aussi très importante (40%). De même, des thèmes portés par des personnalités venues à Europe Écologie pendant la campagne des européennes semblent cruciaux. “La défense de l’agriculture paysanne” (40%) chère à José Bové et “la lutte contre les paradis fiscaux et la délinquance” (37%) symbolisée par Eva Joly sont très souvent choisis parmi les propositions à mettre en avant ces prochains mois.

La question de la forme organisationnelle du futur mouvement écologiste est un peu plus dure à disséquer. 73% des sympathisants écolos sont tentés  (39% le sont tout à fait) par un mouvement du type une personne-une voix mais 56% d’entre eux n’auraient rien contre l’adhésion à une organisation regroupant aussi bien des individus que des associations, des syndicats, des partis…

Ils sont 79% à être sûrs de ne pas vouloir d’un parti politique plus classique: étonnant, non ?

Photo CC FlickR : Alexandre Léchenet

Crédit Photo : (DR. Europe Ecologie)

Retrouvez l’intégralité de l’étude en ppt.

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